n°107 - novembre / décembre 2010

EUROPE – AESA : vers une évaluation plus souple des PGM ?

Par Eric MEUNIER

Publié le 29/10/2010

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Après deux années de travail, l’Autorité Européenne de Sécurité Alimentaire (AESA ou EFSA, en anglais) va rendre à la Commission européenne, fin novembre, sa proposition de nouvelles lignes directrices d’évaluation des impacts environnementaux liés aux plantes génétiquement modifiées. Le document provisoire rendu public fait la part belle à l’équivalence en substance, réduisant ainsi les analyses d’impacts à conduire avant autorisation.


Protection d'un champs de maïs transgénique en Allemagne
Copyleft : Christophe Noisette, L’aire de rien
Le travail de l’AESA sur les lignes directrices d’évaluation des impacts environnementaux fait suite à la demande du 4 décembre 2008 des ministres européens de l’Environnement, qui souhaitaient que les autorisations de PGM prennent en compte les risques à long terme et les impacts socio-économiques [1].

Selon le document de l’AESA [2], les analyses de comparaison d’une PGM avec une plante non GM (l’équivalence en substance) seront la clef de voûte de l’évaluation puisque « les résultats de ces analyses de comparaison structureront la suite de l’évaluation des risques environnementaux » (ligne 265 du document). Les pétitionnaires n’auront plus à conduire d’autres analyses d’impact dès lors qu’ils auront démontré que leur PGM est équivalente en substance à une plante non GM isogénique (c’est-à-dire très proche génétiquement. Couramment, la variété parentale est utilisée). On retrouve ici ce qui est dans les lignes directrices d’évaluation sanitaire (qui reste également à finaliser) : «  Les résultats des analyses de comparaison sont l’identification des différences entre la PGM et son comparateur non GM, ce qui déterminera la procédure d’évaluation subséquente, qui pourrait inclure des analyses de sécurité sanitaires et nutritionnelles plus poussées » [3]. Mais cette procédure proposée par l’AESA est moins contraignante que la définition de l’équivalence en substance fournie par l’OCDE, à la base de ce concept, pour qui la plante non GM doit aussi avoir une « histoire d’utilisation sans risque » afin de pouvoir conclure à la sécurité environnementale ou sanitaire de la PGM jugée équivalente.

Par ailleurs, la définition même de risque n’est pas clairement donnée, ce qui pourrait aboutir à une marge de manœuvre non négligeable pour les entreprises puisque ces dernières définiront la notion de risque : « lorsque des risques sont identifiés […] le pétitionnaire devrait indiquer pourquoi les niveaux de risques pourraient être acceptables en évaluant l’impact environnemental global de la plante GM lorsqu’elle est comparée à la mise en culture de leur contrepartie non GM » (ligne 524). Enfin, l’AESA propose d’évaluer les PGM contenant plusieurs transgènes comme la simple addition de ces transgènes et non comme un nouvel ensemble, officialisant ainsi une approche déjà adoptée en partie. Elle écrit : « Lorsque un ou plusieurs évènements n’ont pas été évalués pour des objectifs de mise en culture, […] l’évaluation des risques devrait également évaluer ces évènements au regard des risques potentiels sur l’environnement » (sic !) (ligne 1127), faisant le choix d’ignorer tout possibles effets dus à la combinaison des deux transgènes dans une même plante.

Des consultations à l’issue incertaine

Rencontrée avec d’autres associations par l’AESA le 29 septembre 2010, l’association Testbiotech a porté également d’autres demandes [4] : l’obligation pour les entreprises de rendre publiques toutes études conduites sur les transgènes ainsi que les données disponibles afin que les experts puissent décider celles à prendre en considération ; inclure des analyses d’impacts éthiques et socio-économiques ; exclure les espèces végétales à forte capacité de dissémination comme le colza… Selon Christoph Then de Testbiotech, l’AESA a conclu ses consultations en annonçant « des modifications à la marge » de sa proposition. Ces questions ne trouveront donc probablement pas de réponse cette fois-ci. Notons que dans les discussions du 29 septembre, aucune ONG française n’était directement représentée, France Nature Environnement n’ayant pas reçu d’invitation et Greenpeace par exemple étant représentée par son antenne européenne.

L’AESA a expliqué à Inf’OGM vouloir adopter une version finale de ces lignes directrices fin novembre, avant envoi à la Commission européenne. Frédéric Vincent, porte-parole de la Direction Générale de la Santé et des Consommateurs (DG Sanco), nous a précisé que de son côté, la Commission discutera de la proposition début 2011 avec les États membres sur les suites à donner à ce travail. Les pistes possibles sont l’adoption d’un règlement, une validation par procédure de comitologie ou un statut de document interne à l’AESA sous forme de lignes directrices. Si les deux premières voies présentent l’avantage de cautionner politiquement le travail de l’AESA, l’adoption d’un règlement présente néanmoins l’inconvénient de figer dans le marbre ces règles scientifiques et d’en rendre difficiles toutes modifications ultérieures. Interrogée quant à savoir si la Commission allait traiter les lignes directrices environnementales et sanitaires de manière similaire ou non, la DG Sanco nous a répondu vouloir aborder cela plus tard, « le dossier OGM étant chargé en ce moment ».

[2« Guidance on the environmental risk assessment of genetically modified plants » (Lignes directrices de l’évaluation des impacts environnementaux des plantes génétiquement modifiées), document attaché à cet article

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