n°149 - mars / avril 2018

2017 : intenses mobilisations contre les OGM

Par Jacques DANDELOT

Publié le 11/04/2018

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Depuis 20 ans, l’opposition aux OGM – cultivés, importés ou simplement expérimentés – en France est menée par des groupes aux méthodes d’actions et aux cibles très variées : des champs aux labos, des salons ministériels aux instituts d’évaluations, des jardineries aux usines d’aliments pour animaux, sans oublier les ports… Retour sur une année intense.

En dehors de la saga autour du renouvellement de l’autorisation du glyphosate, les grands médias nationaux ont peu parlé des nombreux « chantiers » ouverts par les militants. C’est que le dossier OGM évolue : sont apparus les OGM cachés, les plantes mutées rendues tolérantes aux herbicides, et les nouveaux OGM, issus des nouvelles technologies de manipulation du génome…

De la France à l’Europe, via la Cour européenne de Justice

En 2017, les tribunaux français ont, sur deux thématiques différentes, sollicité la justice européenne pour les aider à trancher les questions posées par les opposants aux OGM et aux herbicides.

Premier dossier : celui des Variétés rendues Tolérantes à un Herbicide (VrTH). L’histoire commence en 2012, à Poitiers. Des Faucheurs volontaires questionnent l’existence et la nature des VrTH, et demandent un moratoire via « l’appel de Poitiers ». Cette demande est portée devant les ministères, parlementaires, experts de l’Agence de sécurité sanitaire… En vain. Les neuf organisations de l’appel de Poitiers engagent alors en février 2015 un recours juridique auprès du Conseil d’État, lequel diligente, ce qui est exceptionnel, en juin 2016, une enquête complémentaire. En septembre 2016, il renvoie le dossier devant la Cour de justice européenne, en lui posant quatre questions préjudicielles, dont celle-ci : les organismes génétiquement modifiés par mutagénèse sont-ils des OGM au sens de la directive 2001/18/CE ? La décision de la Cour sera juridiquement contraignante pour l’ensemble des pays membres de l’Union européenne. Le 18 janvier 2018, l’avis de l’avocat général est rendu public [1] [2]. La Cour européenne doit maintenant rendre son arrêt mi-2018. Le Conseil d’État Français devra alors répondre au recours des neuf organisations.

En parallèle, les membres de l’appel de Poitiers dénoncent les OGM cachés de Limagrain (voir encadré).

Limagrain : le Monsanto français ?


Un des sites de recherche de Limagrain à Chappes (Puy-de-Dôme) avait été occupé en 2014 par les Faucheurs volontaires pour dénoncer les recherches – déjà ! – sur le blé OGM. Le 14 décembre 2017, 70 Faucheurs volontaires et des agriculteurs de la Confédération paysanne ont semé du blé issu de semences paysannes et fermières sur une quinzaine d’hectares sur une plate-forme d’essais de variétés de blé dans l’Essonne. Cette action visait à mettre en lumière la volonté de l’industrie semencière de déréguler les variétés issues de nouvelles techniques OGM pour en faire des OGM cachés, et échapper à toute évaluation et étiquetage.

Dans la même logique, la dernière action de 2017 a eu lieu le 23 décembre à Givors (Rhône). Des Faucheurs volontaires et des membres de la Confédération paysanne se sont retrouvés dans un hypermarché pour « ré-étiqueter » des pains Jacquet et des biscuits Brossard, deux marques de Limagrain. Ils demandaient que « Limagrain apporte les preuves que ses variétés de blé ne sont pas des OGM cachés, alors que cette “coopérative” détient des brevets et qu’elle est le principal lobbyiste de ces nouvelles techniques OGM en France et en Europe ».

Le glyphosate conduit aussi à la Justice européenne

Le 27 novembre 2017, l’UE a décidé de prolonger l’autorisation du glyphosate pour cinq ans, malgré d’intenses mobilisations tout au long de l’année.

Dans plusieurs régions de France (Ariège, Bretagne, Ardèche…), des bidons d’herbicides à base de glyphosate, dont le « tristement célèbre » Roundup, ont été rendus impropres à la vente par floutage à la peinture de l’étiquette indiquant la composition du produit. Les responsables de magasins ont porté plainte et les « barbouilleurs » ont été mis en examen pour, entre autres, destruction de bien d’autrui en réunion. Des procès ont eu lieu à Privas, Foix, Béziers, Guingamp et Lorient.

Mais, surprise : à Foix et à Guingamp, les tribunaux français se sont adressés à la Justice européenne pour savoir si les méthodes d’évaluation des herbicides étaient conformes au « principe de précaution ». Dans l’attente, les procès sont suspendus. Il faut dire que tous les faucheurs avaient fait tester leurs urines, avec des résultats alarmants : des taux de glyphosate variant de 0,19 à… 3,44 ng/ml [nanogramme par millilitre], alors que la norme pour l’eau potable est de 0,1 ng/ml !

Balance ton port

Une autre entrée des OGM est l’importation massive de soja Roundup ready, principalement sous forme de tourteau destiné à l’alimentation des bovins, ovins, volailles, etc. : 3,5 millions de tonnes seraient ainsi annuellement importées en France.

Les militants sont donc aussi présents dans tous les lieux de la chaîne logistique : dénaturation de soja dans des hangars de stockage dans les ports, graffitis citoyens et informatifs dans les ports de Lorient et de Sète (« ici on importe des OGM », voir photo ci-dessous), étiquetage « issus d’animaux nourris aux OGM » dans les rayons des hypermarchés…

Comme des résidus de glyphosate sont présents dans les tourteaux importés, plusieurs centaines d’agriculteurs de la Coordination Rurale (CR) sont intervenus en novembre 2017 dans deux ports bretons. La convergence entre les militants de la CR et ceux de la Confédération paysanne, deux syndicats minoritaires, n’est cependant pas absolue : s’ils se rejoignent pour demander l’autonomie en protéines végétales et stopper ces importations, la Confédération paysanne souhaite l’interdiction de la molécule controversée, alors que la Coordination rurale, elle, souhaite pouvoir continuer à l’utiliser…

Le port de Sète occupé par les Faucheurs volontaires
Le port de Sète occupé par les Faucheurs volontaires

Sur les chemins de la transparence

Les colza et tournesol mutés tolérant les herbicides sont cultivés en France sans information. Ces plantes sont des OGM « cachés » : définies comme OGM par la réglementation européenne, cette dernière les exclut de son champ d’application. Concrètement, ces OGM mutés et cachés n’ont pas à être évalués, ni étiquetés. Rappelons qu’un peu avant les années 2000, un moratoire interdisait les cultures de colzas transgéniques tolérant un herbicide. En 2017, la demande des opposants aux VrTH est la même !

Pour dénoncer cette opacité, plusieurs plate-formes d’essais de VrTH ont été visitées.

En novembre 2016 et avril 2017, de nombreux Faucheurs volontaires sont intervenus sur des parcelles de démonstration (Dijon céréales) et d’essais de colza (BASF) dans la région de Dijon. Ces actions dûment revendiquées seront jugées les 5 et 6 avril 2018 [3] : ce sera l’occasion de questionner la nature de ces essais, ainsi que l’opacité autour des nouvelles techniques.

Dans les coteaux argilo-calcaires du Lauragais, une autre plate-forme d’essais (dispositif Syppre) a pour objectifs de permettre à l’agriculteur d’améliorer la fertilité des sols et la protection contre l’érosion, de maintenir une production de qualité sur les deux filières dominantes (blé dur et tournesol) et d’améliorer la robustesse économique du système, dans des situations non irriguées.

Fin août, des Faucheurs ont couché au sol des tournesols. Pour ces militants, les instituts – Terres Inovia, ITB, et Arvalis – à l’origine de ces essais, cultivent et promeuvent des variétés de tournesol et de colza rendues tolérantes à des herbicides. « Comme [ces OGM] nous sont cachés, nous les cherchons chez qui les fait : tant pis si ce n’est pas le bon champ mais ce sont des instituts qui les utilisent et en font la promotion aux agriculteurs. Donc l’objectif du fauchage est atteint : dénoncer l’opacité sur ces variétés, dénoncer les pesticides associés et refuser que les consommateurs n’aient pas accès à une information claire sur leur alimentation ».

Les Faucheurs entendent bien continuer ces actions de sensibilisation et ce combat pour la transparence sur les méthodes d’obtention de ces semences améliorées.

[3Suite à la grève d’une partie du personnel de la Justice, le jugement a été reporté aux 15 et 16 novembre 2018

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