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UE : le miel contaminé par des OGM ne peut être mis sur le marché sans autorisation spécifique

Par Christophe NOISETTE, Pauline VERRIERE

Publié le 06/09/2011, modifié le 08/07/2024

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Abeilles

Le 6 septembre 2011, la Cour de Justice de l’Union européenne a rendu sa décision en réponse aux trois questions préjudicielles posées par le tribunal administratif de Bavière (sud de l’Allemagne). Elle considère que « du miel et des compléments alimentaires contenant du pollen issu d’un OGM sont des denrées alimentaires produites à partir d’OGM qui ne peuvent être commercialisées sans autorisation préalable », suivant en cela l’avis de l’Avocat général, présenté en février 2011 [1].

Rappel des faits : en 2005, un apiculteur allemand, M. Karl Heinz Bablok, découvrait des traces de pollen de maïs génétiquement modifié dans son miel. Considérant que cette présence rendait ses produits apicoles impropres à la commercialisation et à la consommation, il a alors décidé de porter plainte devant le tribunal administratif de Bavière contre ce Land qui avait expérimenté du maïs Mon810 dans des champs situés à 500 mètres de ses ruches [2].

Cette affaire a soulevé plusieurs questions d’interprétation du droit européen. Pour rappel, le tribunal allemand, par le biais du mécanisme des questions préjudicielles [3], demandait : si un OGM, pour être considéré comme tel, doit forcément contenir du matériel apte à la reproduction (le pollen peut-il être considéré comme un OGM ?) ; si le pollen ne rentre pas dans la définition d’un OGM, s’il pouvait être considéré comme étant « produit à partir d’OGM » ; enfin, il demandait si « la présence de pollen de maïs GM dans ces produits apicoles [constituait] une “altération substantielle” de ces derniers, en ce sens que leur mise sur le marché devrait être soumise à autorisation ».

La Cour a en tout point suivi les conclusions de l’Avocat général. Elle considère tout d’abord « qu’une substance telle que du pollen issu d’une variété de maïs génétiquement modifié, qui a perdu sa capacité de reproduction et qui est dépourvue de toute capacité de transférer du matériel génétique qu’elle contient, ne relève plus de [la notion d’OGM] ». La Cour constate aussi « que lorsqu’une substance telle que du pollen contenant de l’ADN et des protéines génétiquement modifiées n’est pas susceptible d’être considérée comme un OGM, des produits comme du miel et des compléments alimentaires contenant une telle substance constituent […] “des denrées alimentaires […] contenant [des ingrédients produits à partir d’OGM]”. Si le pollen ne peut être considéré comme un OGM, il peut en revanche être “produit à partir d’OGM” ».

En ce qui concerne le miel, la Cour souligne que le pollen n’est pas un corps étranger ni une impureté, mais une composante normale de ce produit, de sorte qu’il doit effectivement être qualifié d’« ingrédient ». En conséquence, la Cour conclut que du miel constitué en partie de pollen de maïs génétiquement modifié « relève du champ d’application du règlement et doit être soumis au régime d’autorisation prévu par celui-ci avant sa mise sur le marché ». Le miel contenant ce pollen doit donc disposer d’une autorisation spécifique de mise sur le marché, et cela comme le précise la CJUE, indépendamment de la quantité d’OGM contenue dans le produit litigieux.

En effet, le maïs Mon810 est autorisé à l’alimentation humaine, selon la procédure 258/97 (procédure abrogée et remplacée par le règlement1829/2003), uniquement pour la farine, le gluten, la semoule, l’amidon, le glucose et l’huile de maïs. Le pollen de maïs Mon810 n’était donc pas couvert par l’autorisation. Monsanto a demandé le renouvellement de cette autorisation, selon le règlement 1829/2003 pour l’ensemble des utilisations possibles du maïs Mon810 (y compris donc le pollen), mais ce renouvellement n’a toujours pas été accepté. En attendant, c’est l’ancienne procédure d’autorisation qui est en vigueur, et donc ce sont ses modalités qui s’appliquent. La CJUE conclut donc que le miel contenant ce pollen ne peut être commercialisé en l’absence d’une autorisation spécifique.

Rappelons que la CJUE donne une interprétation du droit européen et ne tranche pas le litige national. Il convient maintenant à la juridiction allemande d’appliquer cette interprétation à l’affaire. Désormais toute affaire qui met en jeu une situation similaire dans un État membre devra appliquer cette même interprétation du droit.

L’affaire Bablok n’est donc pas terminée… Cette interprétation ne préjuge pas de l’indemnisation effective, ni de son montant, de l’apiculteur dans sa plainte contre le Land bavarois. Mais quelle que soit la décision de la justice allemande, les apiculteurs ont maintenant un nouvel outil juridique pour se défendre contre les contaminations, mais seulement par des plantes GM visitées par des abeilles dont l’autorisation n’a pas été demandée pour le pollen en tant que tel. La portée de ce jugement semble donc limitée pour le futur, puisqu’on se doute que les entreprises auront soin d’obtenir les autorisations y compris pour le pollen. Interrogé par Inf’OGM, Olivier Belval, président de l’Union nationale de l’apiculture française (UNAF), considère cependant que cette décision a, à l’heure actuelle et dans le contexte actuel, des conséquences énormes, notamment pour les apiculteurs espagnols, entourés de champs de maïs Mon810, qui pourront faire valoir leur droit à réparation pour interdiction de vente du miel contaminé par des OGM… Il attend avec impatience le verdict de la CJUE sur la clause de sauvegarde française sur le maïs Mon810 (8 septembre) et espère, en cas de jugement défavorable à cette clause, « que, fort du jugement d’aujourd’hui, le gouvernement français va tout faire pour déposer une nouvelle clause de sauvegarde, en bonne et due forme ».

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