Contamination du maïs mexicain : la controverse scientifique
En novembre 2001, Ignacio Chapela et David Quist (université de Berkeley) publiaient un article dans Nature sur la contamination de variétés locales de maïs au Mexique par des séquences transgéniques. En 2002, une controverse virulente opposa partisans et détracteurs des OGM. A la mi-juillet 2003, le contrat de Chapela avec l’Université de Berkeley ne fut pas renouvelé dans un premier temps, malgré le soutien de l’équipe enseignante et de nombreux universitaires américains. Chapela publia alors une lettre sur Internet dans laquelle il dénonçait son éviction comme une conséquence de la mainmise des sociétés biotechnologiques sur les universités aux Etats-Unis : l’Université de Berkeley est effectivement liée à Syngenta par un accord de recherche auquel Chapela, parmi d’autres enseignants, s’était opposé. Sous la pression de l’opinion mondiale, le contrat d’Ignacio Chapela a été finalement reconduit pour un an. Le point sur cette controverse.
Controverse scientifique : où en est-on ?
En 1998, David Quist effectuait des travaux de recherche à l’Université de Berkeley sous la direction du Pr. Ignacio Chapela. Membre d’un comité de l’Académie Nationale des Sciences chargé d’évaluer l’impact environnemental des OGM aux Etats-Unis, Chapela était aussi responsable scientifique de projets émanant de 4 communautés rurales au Mexique. Face à l’inquiétude des paysans provoquée par l’introduction de maïs transgénique, Quist organisa un atelier de détection d’ADN transgénique et prit pour contrôle négatif, c’est-à-dire un témoin sans ADN transgénique, des échantillons provenant des environs de Oaxaca. Lors d’un test préliminaire, Quist s’aperçut que l’échantillon témoin ainsi qu’un échantillon de l’agence alimentaire locale, montraient tous deux une contamination (tests positifs) par de l’ADN transgénique. Surpris, Quist revint aux Etats-Unis avec d’autres échantillons (dont un échantillon négatif récolté au Pérou en 1971). Des tests furent reconduits et confirmèrent la contamination de plusieurs lots de maïs mexicains. Ces résultats paraissaient d’autant plus graves que le Mexique, berceau de la culture du maïs, est considéré comme le centre de diversification génétique de cette céréale (b).
Une presse scientifique aux ordres ?
En juillet 2001, Quist et Chapela soumettent un article à Nature qui est accepté. Devant l’importance politique des résultats, Chapela décide d’avertir le gouvernement mexicain (c). Suite à cet avertissement, le ministère de l’environnement mexicain conduit ses propres analyses et rend publics ses résultats qui révèlent une contamination transgénique du maïs dans 15 des 22 localités échantillonnées. Le 27 septembre 2001, soit 2 mois avant la publication du papier de Quist & Chapela, paraît dans Nature une brève note de Rex Dalton, rédacteur [1]. La découverte d’une contamination des variétés locales de maïs par Quist & Chapela y était annoncée, de même que les résultats du ministère de l’environnement mexicain. La parution de l’article de Quist et Chapela dans Nature le 29 novembre 2001 coïncide avec une conférence de l’OCDE dédiée à la question de la banalisation des OGM.
D’après Chapela, le déroulement de cette conférence (Raleigh, North Carolina) en fut
bouleversé (b). Dès lors, la controverse s’empara des milieux scientifiques où elle s’amplifia durant l’année 2002.
L’article publié par Nature paraît sous le titre : “Introgression d’ADN transgénique dans des
variétés traditionnelles de maïs à Oaxaca, Mexico” [2]. Ce papier comporte deux conclusions
séparées obtenues par deux approches méthodologiques différentes :
1) par PCR (Polymerase Chain Reaction), Quist et Chapela détectent des séquences d’ADN
transgénique dans les variétés locales de maïs cultivées à Oaxaca et les identifient comme
des séquences codant pour la protéine insecticide Bt ;
2) par PCR inverse, les chercheurs essayent de déterminer les points d’insertion des
transgènes dans le génome de la plante.
La première affirmation est factuelle, la détection par PCR atteste la présence de séquences
d’ADN transgénique ; en effet, la PCR est la méthode standard de détection des OGM utilisée
pour accepter ou rejeter les chargements de grains garantis sans OGM. La deuxième
affirmation est plus prudente et les auteurs, dès le papier initial, soulignent son caractère
d’hypothèse. Ils écrivent : “la diversité de séquences d’ADN transgénique présentes dans les
échantillons de variétés locales (criollo) suggère l’occurrence de multiples événements
d’introgression, probablement par pollinisation”.
Dès janvier 2002, John Hodgson, rédacteur de la revue Nature Biotechnology, publication du
groupe Nature, rend compte des remous provoqués par l’article de Nature [3]. Les vives
inquiétudes qui sont apparues sur une éventuelle contamination des banques de gènes, ont
conduit le Centre international pour l’amélioration du blé et du maïs (CIMMYT) à effectuer des
analyses sur les semences qu’il conserve dans ses chambres froides. Les résultats
préliminaires, négatifs, de cette étude ont été publiés sur son site Internet, pour “rassurer les
institutions et centres de recherche qui utilisent des semences provenant de notre banque de
gènes”.
John Hodgson rend également compte des réactions critiques de la communauté
agrobiotechnologique. Vivian Moses, directeur de CropGen Panel (groupe de scientifiques
communiquant sur les avantages des cultures OGM), ironise : “le papier montre, en essence,
que les gènes se déplacent dans la nature, et cela est peu nouveau”. Ou encore Val
Giddings, porte-parole de l’organisation des industries états-uniennes de biotechnologies
(BIO, Washington DC), s’interroge avec un cynisme froid : “devrions-nous être étonnés de
découvrir du jeu dans un casino ?”.
Dans le même numéro de Nature Biotechnology, Martinez-Soriano et al. [4] publient une note
rassurante. Ils réfutent la notion de contamination : “contamination signifie une diffusion
inattendue, indésirable et incontrôlable, ce qui n’est pas le cas. La diffusion sera induite à
cause de l’avantage d’un maïs natif résistant aux insectes”. Ils ajoutent : “si quelqu’un veut
enlever le transgène des plantes, la procédure serait simple : sélectionner et multiplier les
maïs sensibles et ne pas récolter et multiplier les maïs résistants. Ce qu’aucun fermier
mexicain ne ferait”. Quant aux téosintes, les ancêtres et proches apparentées du maïs, “elles
ne semblent pas affectées par le flux génique”.
Le mois suivant, Hodgson refait le point [5] : bien que le CIMMYT ne trouve toujours pas
trace de transgènes dans les variétés locales qu’il a testées, plusieurs laboratoires du
gouvernement mexicain confirment les travaux de Quist & Chapela. La contamination semble
devenir une réalité admise. Ainsi, Luis Herrera Estrella, directeur d’un centre de
biotechnologie végétale au Mexique, admet qu’un flux génique se produit entre les différents
types de maïs présents au Mexique [6]. Il espère que le gouvernement mexicain résistera
aux pressions pour arrêter l’importation de maïs américain (il est probable que la
contamination soit due aux semis de maïs transgénique, initialement destiné à l’alimentation,
importé des Etats-Unis) et souligne l’importance d’un contrôle efficace pour diminuer le flux
génique. Ainsi, il admet que, bien que les lots de grains de maïs importés soient censés être
traités par la chaleur pour empêcher leur germination, 80 à 90% des graines testées peuvent
encore germer.
Le 11 avril 2002, Nature publie deux analyses critiques d’une rare violence du travail de Quist
et Chapela et la réponse des auteurs. Les attaques de Metz et Futterer [7] et Kaplinsky et al.
[8] portent principalement sur l’interprétation de la deuxième partie des résultats. Face à la
demande des critiques d’une méthodologie non basée sur la PCR inverse, Quist et Chapela
évaluent les mêmes échantillons par hybridation ADN-ADN. Les résultats de cette étude
confirment la détection d’ADN transgénique intégré dans le génome des variétés locales à
Oaxaca [9]. Cependant, dans le même numéro, Nature publie une note éditoriale indiquant
que “les preuves disponibles n’étaient pas suffisantes pour justifier la publication du papier
original”, ce qui apparaît comme une rétractation de la décision de publier l’article, fait
historique dans l’histoire des publications scientifiques.
Devant la virulence des attaques et l’éditorial ambigu de Nature, les réactions ne se font pas
attendre. Le 27 juin 2002, Nature a le mérite de publier une tribune [10] dans laquelle Andrew
V. Suarez (Département de Sciences de l’Environnement, Berkeley) s’insurge contre la
rétractation de l’article par Nature. La lettre de Suarez, signée par de nombreux chercheurs
d’universités réputées, s’interroge sur les raisons qu’a Nature de rejeter cet article alors que
“de nombreuses publications, plus tard reconnues incorrectes ou sujettes à d’autres
interprétations, n’ont pas subi la même procédure”. Ces auteurs notent qu’ “en prenant partie
de manière si franche, Nature risque de perdre son impartialité et son statut professionnel.
Cela est particulièrement troublant quand les articles touchent des intérêts économiques ou
politiques. Nature demande à ses contributeurs de fournir des informations concernant les
conflits d’intérêt, mais est-ce que Nature s’applique les mêmes standards ?”.
Dans la même tribune, Worthy, Billings (Département de Sciences de l’Environnement,
Berkeley) et Strohman (Département de Biologie Moléculaire, Berkeley) mettent en cause
l’objectivité des critiques de Quist et Chapela : “les huit auteurs des critiques du papier de
Quist & Chapela ont toute ou partie de leur recherche financée par le Torrey Mesa Research
Institute (TMRI), un rejeton de la compagnie de biotechnologie Novartis (maintenant
Syngenta). L’affiliation de sept de ces auteurs avec le TMRI est la conséquence de l’alliance
stratégique de 25 millions de dollars avec l’université de Californie”. Ils rappellent aussi que
Quist & Chapela s’étaient opposés à cet accord. Par ailleurs, ils évoquent l’intégration active
des intérêts de Nature Publishing Group avec ceux de compagnies telles que Novartis, Astra
Zeneca ou autres, que l’éditeur sollicite pour leur promotion (d). Ils soulignent que “la publication
des échanges techniques et de la note éditoriale de Nature, juste avant la convention PNUE
sur la diversité biologique et les discussions du protocole de Carthagène (où la note de
Nature fut mentionnée) mine encore plus la position du journal comme non compromis avec
des intérêts commerciaux”. Constatant qu’un tel environnement est peu favorable à une
considération équitable des travaux scientifiques, ils concluent en invitant “Nature et les
autres journaux scientifiques à réexaminer leur engagement dans l’agrobiotechnologie autant
que leurs propres conflits d’intérêts, et à encourager une évaluation critique et équilibrée, des
effets écologiques et sanitaires des flux de transgènes dans l’environnement”.
La reconnaissance officielle de la contamination
Malgré la vive controverse parmi les scientifiques, il est évident que la réalité de la
contamination n’est pas en cause, d’autant que des équipes de chercheurs dépendant du
gouvernement mexicain confirment ces résultats. D’après leur étude, 95% des sites
échantillonnés étaient contaminés, avec des degrés de contamination variant de 1 à 35%, en
moyenne 10-15% [11]
.
Récemment, cette contamination a été officiellement reconnue : le 7 septembre 2003,
Cardenas, le ministre de l’environnement mexicain, déclarait : “la contamination transgénique
des maïs mexicains est réelle mais il n’y a danger ni pour la biodiversité, ni pour la santé
humaine”. Pour la première fois après deux ans de dénégations, les firmes biotechnologiques
qui assistaient avec le gouvernement et les scientifiques mexicains à la Conférence du 29-30
septembre 2003 à Mexico, reconnaissaient qu’ “il y a eu un flux de transgènes
(contamination) dans les variétés de maïs traditionnelles dans au moins deux Etats”.
Toutefois récemment, un représentant du ministre de l’agriculture, le Dr Villalobos décrivait
curieusement la contamination transgénique à Oaxaca comme un “laboratoire naturel pour
étudier le flux de gènes” (El Financiero, 3 octobre 2003).
Enfin, le 9 octobre 2003, les résultats de tests effectués au Mexique en janvier et juillet 2003
par des ONG (ETC) et diverses communautés autochtones ont été rendus publics (e) : 48,6%
des échantillons contenaient une ou plusieurs protéines transgéniques dont 17% des
échantillons en contenaient 3 ou plus, 13% en contenaient 2, et 18,6% en contenaient une.
Une deuxième étude réalisée en juillet / août 2003 mettait en évidence la protéine Bt Cry9C du
maïs Starlink (Aventis) dans certains échantillons : ce maïs, susceptible de déclencher des
allergies, est interdit à la consommation humaine et n’est plus autorisé à la culture aux Etats-
Unis. Comment la protéine Bt Cry9C peut-elle se retrouver dans 26,7% des échantillons
mexicains analysés en janvier 2003, alors que le Mexique applique un moratoire et que ce
maïs a été officiellement retiré du marché par Aventis en 2000 (f) ?
Des effets potentiels sur la biodiversité
Contrairement à l’opinion optimiste et non argumentée d’auteurs cités plus haut [12] l’introduction de plantes transgéniques peut présenter un danger pour la biodiversité, du
moins dans certains contextes écologiques. En premier lieu, demeure le problème de la
conservation des variétés traditionnelles, qui est aggravé par la culture de variétés
transgéniques dans le berceau d’origine comme c’est le cas au Mexique. L’introduction de
variétés transgéniques de maïs dans le centre de diversité de l’espèce et dans un système
de production différent des systèmes industriels pose le problème de la libération incontrôlée
dans la nature de gènes qui pourraient modifier la structure génétique [13] [14] [15] et le
comportement de lignées sauvages [16] ou de variétés locales (création de super
mauvaises herbes ou perturbation des modes de reproduction). Au Mexique, seulement 15%
de la surface cultivée est semée avec des graines commerciales, le reste provenant de
variétés locales [17]. En effet, il existe 25 000 variétés de maïs, dont beaucoup sont
sauvages, et environ 300 variétés sont couramment utilisées par les agriculteurs [18]. Ces
variétés sont sélectionnées et conservées par les agriculteurs qui pratiquent des échanges
d’une région à l’autre : ces échanges permettent l’introduction de nouveau matériel génétique
et le flux génique constant qui provient de l’introduction régulière de nouvelles variétés assure
le maintien d’un polymorphisme intra population [19].
Par ailleurs, les systèmes de culture du maïs au Mexique et aux Etats-Unis diffèrent à
plusieurs niveaux : par la taille des parcelles (10-100 ha aux Etats-Unis contre 2 ha au
Mexique), par les semences (certifiées et renouvelées chaque année aux Etats-Unis,
ressemées au Mexique). Par conséquent, une variété traditionnelle de maïs semée au
Mexique est plus fortement soumise à une contamination génétique qu’une variété semée
dans la “ceinture du maïs” aux Etats-Unis [20]. De plus, le renouvellement des semences de
maïs aux Etats-Unis d’une année à l’autre empêche la transmission d’un gène aux
générations suivantes (sans pour autant éviter le risque de transfert horizontal à des plantes
avoisinantes), alors que le système traditionnel mexicain favorise cette transmission aux
générations suivantes et aux variétés locales ou aux populations de téosintes situées dans
les parcelles adjacentes. Il s’ensuit qu’un processus de contamination pourrait être facilement
et efficacement combattu aux Etats-Unis par le simple retrait de la semence de maïs et le
semis d’autres variétés, alors qu’au Mexique, l’introduction d’un nouveau gène entraîne une
diffusion incontrôlable, d’autant que des variétés locales de maïs ayant intégré le gène
peuvent le répandre au cours des générations suivantes. Ainsi, la procédure d’élimination du
transgène proposée par Martinez-Soriano et al. [21] serait peu efficace au Mexique car elle
suppose qu’aucun fermier ne garde de grains résistants.
De plus, les bonnes pratiques ne sont pas toujours respectées : les agriculteurs qui cultivent
des plantes Bt doivent semer sur un minimum de 20% de la surface totale, des plants non
transgéniques afin que l’insecte cible ne soit pas exposé en permanence à l’insecticide et
donc, ne développe pas ou peu de résistance (recommandations EPA). Comme pour
l’antibiothérapie, le niveau d’expression des gènes Bt dans les plantes transgéniques doit être
élevé afin d’obtenir dans les tissus végétaux des concentrations de toxine efficaces qui
évitent l’évolution de résistance des insectes à la toxine. Pour toutes ces raisons, Hilbeck et
al. [22] soulignent que “la sélectivité des toxines et protoxines Bt ne peut pas être déduite de
l’usage long et sûr d’insecticides Bt du passé, insecticides qui étaient seulement présents
dans les champs pour de courtes périodes de temps après application”.
Enfin, des études ont mis en évidence des interactions au niveau tritrophique (plante/
herbivore/prédateur) : des prédateurs consommant des proies nourries de maïs Bt subissent
des effets adverses sur leur croissance et leur survie [23]. Par exemple, bien que
l’organisme intermédiaire (proie) soit peu affecté par sa nourriture végétale, la toxicité de la
proie pour le prédateur augmente. Ainsi, les coccinelles adultes subissent des effets
adverses médiés par la proie si leurs proies (pucerons) sont nourries de pomme de terre
transgéniques produisant la lectine [24]. Donc la sûreté écologique des cultures
transgéniques ne peut être évaluée qu’en considérant le réseau d’interactions au niveau
tritrophique. Ces études mettent en évidence aussi l’impact potentiel négatif des cultures
transgéniques sur d’autres moyens de luttes contre les nuisibles, par exemple le contrôle
biologique.
Relations science / industrie
La virulence des attaques menées contre Quist & Chapela, ainsi que les campagnes menées
sur Internet, dépassent largement le champ habituel de la critique scientifique : en général, les
divergences entre scientifiques sur la méthodologie ou l’interprétation donnent lieu à des
échanges limités à la presse scientifique, et n’aboutissent pas à la rétractation du papier.
Plus troublant, certains instituts se tiennent derrière ces attaques infamantes. Ainsi, l’une des
sources principales de ces attaques est un institut de biotechnologie du Royaume-Uni, le
John Innes Centre (voir encadré en page 2). Paul Christou, chercheur au John Innes Centre,
a qualifié les travaux de Quist & Chapela de “résultats préliminaires non évalués par des
pairs”, en occultant le fait que le papier de Quist & Chapela a été examiné suivant les canons
académiques. De même, une lettre anonyme qui diffamait Chapela, s’est avérée avoir été
diffusée sur Internet par une agence de communication de Monsanto.
De plus, les firmes de biotechnologie ont renforcé leurs liens avec les universités et les
organismes publics. Ainsi, Syngenta qui résulte de la fusion de Novartis et Astra Zeneca, se
trouve au premier rang des firmes biotechnologiques en ce qui concerne les semences et les
brevets. Sa politique de recherche consiste à créer des relations avec de nombreuses
universités du monde entier. Ainsi, Berkeley a signé en 1998 un contrat de 25 millions de
dollars avec Novartis (maintenant Syngenta) portant sur l’activité de tout un département. En
effet, ce contrat fixait la participation de Novartis (à hauteur d’un tiers) au budget du
département de biologie végétale et de microbiologie pendant cinq ans. En échange, la
multinationale suisse obtenait un privilège sans précédent : un droit de première négociation
pour le dépôt des brevets, sur un tiers des découvertes effectuées par n’importe quel
laboratoire du département. Une clause, en particulier, alimenta la controverse : elle prévoyait
la présence de deux représentants de Novartis dans le comité de cinq personnes qui
répartiraient chaque année les crédits de recherche. Il est intéressant de constater que
Chapela et Quist faisaient partie des opposants au projet, alors que leurs contradicteurs dans
Nature appartiennent au département sous contrat avec Novartis (g).
Quelle indépendance de la recherche ?
Bien que la contamination du maïs ait été reconnue, la virulence des attaques et la menace
d’exclusion qui a plané cet été sur Chapela montrent assez la pression des firmes
biotechnologiques sur la communauté scientifique. Cela pose de très sérieuses questions sur
l’avenir de la recherche et de la neutralité scientifique. En face d’intérêts financiers organisés
et bénéficiant de nombreux instituts à leur service, l’objectivité même de la science est remise
en cause. De plus, 5 ans après le renvoi de Pusztai, aucune expérience scientifique n’a été
menée par la communauté agrobiotechnologique pour démontrer l’innocuité des aliments
transgéniques. L’influence toujours grandissante des intérêts économiques suggère que ces
campagnes de dénigrement des “mauvais scientifiques” ne fait que commencer. Aussi, audelà
de la communauté scientifique et de ses intérêts, une menace sérieuse plane sur
l’objectivité scientifique et la liberté d’une critique argumentée.
Le John Innes Centre : public ou privé ?
Le John Innes Centre (JIC) est internationalement renommé pour sa recherche sur les
plantes et est souvent perçu comme une institution publique indépendante. Mais selon son
propre rapport annuel 1999-2000, le JIC se présente comme essentiellement financé par des
fonds publics et privés : en 1999-2000, il a reçu des fonds de AstraZeneca, Aventis (AgrEvo),
Monsanto, Unilever, Novartis Crop Protection, DuPont et International Atomic Energy
Authority. D’autre part, ses fonds publics proviennent principalement du BBSRC
(Biotechnology and Biological Science Research Council) qui contribue à hauteur de 47%,
environ 17,4 millions d’euros pour 1999-2000. Le BBSRC finance aussi le Sainsbury
Laboratory, sur le même site, prés de Norwich, Norfolk, UK qui reçoit aussi 3,5 millions
d’euros annuellement de la Gatsby Charitable Foundation. Pour sa part, le BBSRC est financé
principalement par les contribuables à travers le Budget de la Science. Il est contrôlé par le
Département du Commerce et de l’Industrie via l’Office de la Science et de la Technologie – à
présent dirigé par Lord Sainsbury*.
Le JIC a aussi un accord de recherche de 10 ans avec AstraZeneca d’un montant de 86
millions d’euros pour l’établissement du Centre Zeneca d’Amélioration du Blé, rebaptisé
ultérieurement le Laboratoire Syngenta du Génôme. Bien que les sponsors commerciaux
représentent moins de 10% de son budget annuel, leur influence s’étend à toute la culture
stratégique du JIC. Les firmes privées ont ainsi une influence sans proportion avec leur
contribution. De plus, la politique pro OGM du JIC semble émaner d’une institution publique,
ce qui lui donne plus de respectabilité aux yeux du public que si elle émanait clairement de
l’industrie. Le financement public du JIC, via le BBSRC, a été augmenté par Lord Sainsbury,
Sous-Secrétaire d’Etat à la Science et pro OGM convaincu, qui a fortement influencé la
politique du gouvernement anglais. Jusqu’en 1998, il dirigeait la chaîne de supermarché J
Sainsbury, qui contribue significativement aux finances du Parti Travailliste.
“Captive State : The Corporate Takeover of Britain”, Monbiot G., 2000, MacMillan (editor), Londres
*, http://dataserv.bbsrc.ac.uk/oasintro.htm
Notes de texte
a, BEDE : Tél. / Fax : +33 (0)4 67 65 45 12 – bede@bede-asso.org
b, Quist, 2003 sur http://www.seedling.org
c, http://members.tripod.com/~ngin/071202c.htm
d, http://npg.nature.com
e, http://www.etc.group
f, [25]
[1] Transgenic corn found growing in Mexico, Dalton R., 2001, Nature, n°413, p. 337
[2] Transgenic DNA introgressed into traditional maize landraces in Oaxaca, Mexico, Quist D. & Chapela I. H., Nature, 2001, n° 414, pp. 541-543
[3] Doubts linger over mexican corn analysis, Hodgson J., 2002, Nature Biotechnology, n°20,
pp. 3-4
[4] Transgenes in mexican maize, Martinez-Soriano J. P. R., Bailey A. M., Lara-Raynal J. &
Leal-Klevezas D. S., 2002, Nature Biotechnology,n° 20, p. 19
[5] Maize uncertainties create political fallout, Hodgson J., Nature Biotechnology, 2002, n°20,
pp. 106-107
[6] cf. note 5
[7] Suspect evidence of transgenic contamination, Metz M. & Futterer J, 2002, Nature, n°416,
pp. 600-601
[8] Maize transgene results in Mexico are artefacts, Kaplinsky N., Braun D., Lisch D., Hay A.,
Hake S. & Freeling M., 2002, Nature, n°416, p. 601
[9] Quist and Chapela reply, Quist D. & Chapela I. H., 2002, Nature, n°416, p. 602
[10] Conflicts around a study of Mexican crops, 27 juin 2002, Nature, n°417, pp. 897-898
[11] The case for a GM-free sustainable world, 2003, Institute of Science in Society & Third
World Network
Disponible sur http://www.indsp.org
[12] cf. note 4, 6 et 7, ainsi que « No credible scientific evidence is presented to support claims that transgenic DNA was
introgressed into traditional maize landraces in Oaxaca », Mexico, Christou P., 2002,
Transgenic research, n°11, pp. iii-v
[13] Molecular evidence for gene flow among Zea species- genes transformed into maize
through genetic engineering could be transferred to its wild relatives, the Teosintes, Doebley
J., 1990, Bioscience n°40, pp. 443-448
[14] Engineered genes in wild population : fitness of wild-crop hybrids of radish (Raphanus
sativus), Klinger T. & Ellstrand N. C., 1994, J. Ecol. Appl. n°4, pp. 117-120
[15] When transgenes wander, should we worry ?, Ellstrand N. C., 2001, Plant Physiology
n°125, pp. 1543-1545
[16] cf. notes 12 et 13
[17] Seed exchange among farmers and gene flow among maize varieties in traditional
agricultural systems, Louette D – in : Gene flow among maize landraces, improved maize
varieties, and teosinte : implications for transgenic maize, 1997, Serratos J. A.,Willcox M. C.
& Castillo-Gonzalez F., CIMMYT
[18] cf. note 15
[19] cf. note 15
[20] cf. note 15
[21] cf. note 4
[22] Prey-mediated effects of Cry1Ab toxin and protoxin on the predator Chrysoperla carnea,
Hilbeck A., Moar W. J., Pusztaï-Carey M., Filippinio A. & Bigler F,. 1999, Entomologia
Experimentalis et Applicata n°91, pp. 305-316
[23] cf. note 16
[24] Tri-trophic interactions involving pest aphids, predatory 2-spot ladybirds and transgenic
potatoes expressing snowdrop lectin for aphid resistance, Birch A. N. E., Geoghegan I. E.,
Marejus M. E. N., Mc Nicol J. W., Hackett C., Gatehouse A. M. R. & Gatehouse J. A., 1999,
Molecular Breeding n°5, pp. 75-85
[25] , « STARLINK – Chronique d’un scandale annoncé », Inf’OGM, mars 2001