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La Pologne reporte à nouveau son interdiction d’une alimentation animale avec OGM

Par Christophe NOISETTE

Publié le 06/11/2024

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La Pologne a adopté en 2006i une interdiction d’utiliser des aliments génétiquement modifiés dans l’alimentation animale. Cependant cette interdiction n’a jamais été effective. En effet, tous les cinq ans, le Parlement polonais reporte la date d’entrée en vigueur de cette interdiction. Le 27 septembre 2024, l’Assemblée nationale, puis le 10 octobre, le Sénat, ont donc voté, pour la septième fois, ce reportii. L’interdiction ne pourra dorénavant pas devenir effective avant le 1er janvier 2030iii.

L’alimentation animale, dans l’Union européenne mais aussi au niveau mondial, reste le principal débouché pour les soja et maïs transgéniques. La Pologne est un des pays européens qui s’oppose de longue date aux plantes génétiquement modifiées. Cependant, en parallèle, ce pays est un grand producteur de produits animaux et, de ce fait, importe de grandes quantités de soja, principalement sous forme de tourteaux. La Pologne est même le plus grand exportateur de viande de volaille de l’UE. D’après le ministère étasunien, les importations de soja atteindraient 2,5 millions de tonnes par an, soit 1,38 milliards d’euros.

L’exposé des motifs de ce nouvel amendement, adopté en septembre dernier, acte qu’une « analyse du bilan alimentaire en Pologne indique qu’il n’existe actuellement pratiquement aucune matière première alternative à haute teneur en protéines permettant l’élimination de la farine de soja importée de la production d’aliments pour animaux dans la zone climatique polonaise »iv.

Le ministère polonais de l’agriculture considère que l’interdiction menacerait la compétitivité des exportations, notamment pour l’industrie porcine et avicole. En effet, affirme-t-il, cela augmenterait le coût de production des aliments industriels pour animaux, donc le coût de la viande, in fine. De ce fait, il craint alors une augmentation des importations de viande de porc et de volaille du fait d’un coût moindre, car nourris avec des OGM…

Le vice-ministre de l’agriculture, Jacek Czerniak, membre du parti Alliance de la Gauche Démocratiquev, qui défend ce report de l’interdiction, a souligné que le problème ne concerne pas seulement la Pologne, mais l’ensemble de l’UE, qui importe 40 millions de tonnes de farine de soja par an, soit 92 % de la protéine nécessaire à la production d’aliments pour animauxvi.

En revanche, le député de droite Krzysztof Ardanowski, ancien ministre de l’Agriculture, a combattu ce report. Il argumente que les importations de soja coûtent 6 milliards de zlotys (soit 1,38 milliards d’euros) à la Pologne et que cet argent pourrait aller en grande partie aux agriculteurs polonais. Cet argent pourrait être utilisé pour inciter les agriculteurs polonais à cultiver des alternatives pertinentes au soja pour l’alimentation des animaux. Il a également rappelé que la Pologne exportait une grande quantité de farine de colza, qui est utilisée, entre autres, au Danemark pour la production d’aliments pour animaux.

Ce report a été voté par 236 députés (dont 149 députés de KO, coalition de centre droit, 28 de Polska 2050 Szymona Hołowni et 32 de PSL, tous deux affiliés à la coalition de centre droit « Troisième voie », 25 députés de Lewica, coalition de gauche). 178 députés (PiS et Kukiz’15, partis très ancrés à droite de l’échiquier politique) ont voté contre et 16 députés de Konfederacja (parti d’extrême droite) se sont abstenusvii (un député de ce parti a voté pour l’amendement).

i Loi sur l’alimentation animale du 22 juillet 2006, Journal officiel de 2023, point 1149.

iii SEJM, « Tekst ustawy przyjęty przez Senat bez poprawek – U S T A W A – z dnia 27 września 2024 r. o zmianie ustawy o paszach », 27 septembre 2024.
La nouvelle réglementation qui inclut ce report, en tant qu’amendement à la loi du 27 septembre 2024, entrera en vigueur le 1er janvier 2025.

v Wikipédia, « Alliance de la gauche démocratique », 20 septembre 2024.

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