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Qu’est-ce que la mutagénèse ?

Par Inf’OGM

Publié le 30/07/2014

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Le terme mutagénèse regroupe plusieurs techniques qui visent à introduire volontairement des mutations génétiques chez un organisme vivant. La commercialisation récente de variétés mutées rendues tolérantes aux herbicides (VrTH) a attiré l’attention du public sur ces plantes, que certains qualifient d’ « OGM cachés ».

Champ de colza
Champ de colza
Crédits : Jacquesh63

Techniquement, de quoi parle-t-on ?

Plusieurs techniques de mutagénèse existent.

La première est la mutagénèse aléatoire. Elle consiste à exposer des cellules végétales à des agents énergétiques (rayons gamma, rayons X…) ou chimiques afin de les faire muter.

La seconde est la sélection de plantes mutées directement au champ ou en exposant des cellules végétales à des agents sélectifs comme un herbicide. Le principe est de repérer dans un champ une plante disposant d’une caractéristique que ses congénères n’ont pas et, après analyse, de détecter et identifier la mutation associée à cette caractéristique.

Enfin, plus récemment, a été développée la mutagénèse dirigée par oligonucléotides. Les oligonucléotides sont de courtes séquences d’ADN synthétisées en laboratoire. Elles sont construites de manière à être quasiment identiques à une séquence génétique présente dans le génome de la plante qu’on souhaite faire muter. La différence entre la séquence génétique native et celle de la molécule créée (l’oligonucléotide) est justement la mutation que le technicien de laboratoire cherche à introduire. Ces oligonucléotides sont introduits dans des cellules végétales et pénètrent dans le noyau où, en se collant à l’ADN, ils permettent d’introduire la mutation dans le génome.

D’autres formes de mutagénèse dirigée existent comme la mutagénèse dirigée par méganucléase, par Talen, nucléase à doigt de zinc…

Des utilisations déjà commercialisées

L’utilisation de la mutagénèse aléatoire est répandue. L’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture des Nations unies (FAO) et l’Agence Internationale à l’Énergie Atomique (AIEA) listent les variétés mutées qui leurs sont signalées, sur une base volontaire, par les producteurs. Les caractéristiques listées concernent les caractéristiques agronomiques (tolérance à des herbicides, durée de maturation, structure végétale…), nutritionnelles, de rendement ou de résistance à des stress biotiques (attaque de parasites) ou abiotiques (sécheresse…). Plus de 170 espèces (et pas moins de 3000 variétés) sont concernées, selon l’AIEA.

En France, plusieurs variétés de tournesol et de colza, rendues tolérantes à des herbicides par mutagénèse, sont cultivées en champs. Il s’agit des technologies Clearfield de BASF [1] et ExpressSun de Pioneer. La France cultive aussi des variétés de tournesol muté à haute teneur en acide oléique. Il est d’ailleurs difficile, si ce n’est impossible, de trouver sur le marché un tel tournesol non muté. Les premiers tournesols mutés ont été obtenus en 1976 avec le développement de la variété Pervenets [2].

La mutagénèse dirigée par oligonucléotides se développe rapidement. Début 2014, le Canada a autorisé la commercialisation des deux premières plantes modifiées par cette technique [3]. Aux États-Unis, Cibus commercialise une variété de canola (le terme canola s’emploie au Canada pour désigner un colza à faible teneur en acide érucique) tolérante à des herbicides [4].

Une technique très aléatoire

Une première critique porte sur l’aspect non naturel intrinsèque à la mutagénèse (comme à toutes techniques de manipulation génétique). La mutagénèse accélère significativement le temps au cours duquel les mutations apparaissent par rapport à des apparitions spontanées dans la nature. Dans les champs, les bois, le long des chemins… les plantes disposant d’une mutation apparue spontanément vont être régulées par leur environnement. La mutation sera conservée ou non selon sa stabilité et si elle confère à la plante un avantage sélectif. Une tel processus va s’étaler sur plusieurs années. En laboratoire, milieu clos par définition, cette technique s’affranchit de ces phénomènes de régulation. En bout de course, les milliers de plantes mutées introduites dans les champs et l’environnement n’ont été sélectionnées ni par la plante elle-même, qui n’a tendance à conserver que les mutations stables, ni par l’environnement naturel (du fait de leur adaptation locale), mais « seulement » par l’humain.

De là en découle une autre critique : l’absence de maîtrise de l’action de la mutagénèse, contrairement à ce que les promoteurs de cette biotechnologie affirment. En effet, la nature, le lieu et le nombre de mutations générées ne sont pas contrôlés a priori. Les produits physiques ou chimiques utilisés pour générer des mutations augmentent significativement le taux de mutations ou de réarrangements génétiques que connaît une cellule sans qu’ils soient tous identifiés. Ainsi, un article de PNAS souligne que le riz muté a eu plus de 50 gènes affectés [5].

La mutagénèse guidée par oligonucléotides reste encore très expérimentale. Là encore, les scientifiques ne savent pas précisément comment les choses se passent. Ils sont incapables d’identifier et de présenter de façon exhaustive les modifications générées, mais cela ne les empêchent pas de demander des autorisations commerciales. Par ailleurs, les séquences synthétisées introduites (les fameux oligonucléotides) ne sont plus identifiables dès les premières multiplications cellulaires. Ayant perdu trace de ces séquences, on perd la trace de l’origine de la mutation présente dans une plante. Concrètement, cela implique qu’il n’est pas possible de différencier une plante dans laquelle une mutation est apparue spontanément, d’une plante dans laquelle la mutation a été introduite en laboratoire. La propriété industrielle qui porte sur les plantes mutées par ces techniciens est dès lors est plus difficile à défendre, tout comme la responsabilité de l’industriel plus difficile à confondre en cas de défaut.

Des plantes mutées particulières, les VrTH

Si les plantes obtenues par mutagénèse aléatoire datent d’une cinquantaine d’année, c’est la commercialisation récente de plantes mutées pour tolérer des herbicides qui a fait émerger le débat sur la mutagénèse. Ces plantes mutées tolérantes aux herbicides sont appelées Variétés rendues Tolérantes aux Herbicides (VrTH) ou variétés tolérantes aux herbicides (VTH). Leur développement commercial en France se fait notamment avec les variétés de tournesols Clearfield et de colza Express Sun. Comme dans le cadre des plantes transgéniques de type Roundup Ready (cf. Qu’est-ce qu’une plante tolérant un herbicide (Roundup Ready ou autre) ?), ces variétés sont vendues comme permettant de mieux raisonner l’usage des herbicides… Si les PGM ont échoué, nous doutons que cet objectif soit atteint avec les VrTH mutées. Une analyse partagée par une expertise collective CNRS / Inra qui qualifie la tolérance aux herbicides d’« innovation » non pérenne [6]. Les Faucheurs volontaires se sont mobilisés contre ces VrTH dès 2010 [7].

Au-delà d’une technique très aléatoire, l’objectif et le modèle agricole que sous-tend la mutagénèse sont à questionner. L’augmentation des quantités d’herbicides liées à l’utilisation de variétés rendues tolérantes aux herbicides – que ce soit par transgenèse ou par mutagénèse – pose en effet de nombreux problèmes (cf. Plus ou moins de pesticides avec les OGM ?).

Des OGM cachés ?

Les plantes mutées sont « des organismes dont le matériel génétique a été modifié d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle ». Ce sont donc des OGM. Mais la directive européenne 2001/18 qui donne la définition d’un OGM a explicitement exclu ces plantes de son champ d’application. Concrètement, dans l’Union européenne, aucune évaluation, étiquetage ou traçabilité n’est imposée aux plantes mutées. D’où le terme d’OGM « caché ». La directive ne précise aucune des raisons qui expliquerait cette exclusion [8]. Cependant, la réponse pourrait tout simplement être trouvée dans les avantages que cette « exemption » procure aux entreprises qui les commercialisent (absence d’évaluation et d’étiquetage). Ainsi, de nombreuses variétés mutées sont aujourd’hui commercialisées à l’insu de l’utilisateur, jardinier ou agriculteur et consommateur.

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