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FRANCE – Évaluation sanitaire des OGM : la société civile interpelle le gouvernement
Dans une lettre ouverte [1] adressée à la ministre de l’Environnement, Delphine Batho, et au ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, onze organisations [2] demandent au gouvernement de s’opposer à l’adoption du règlement proposé par la Commission européenne, qui vise à régir l’évaluation sanitaire des OGM avant autorisation. Il y a urgence : cette proposition de règlement devrait être soumise au vote pour adoption en ce début d’année 2013.
Depuis 2012, la Commission européenne fait travailler les Etats membres sur une proposition de règlement censée répondre à leur demande de décembre 2008 de renforcer l’évaluation sanitaire des plantes génétiquement modifiées (PGM) avant autorisation.
Les signataires estiment que pour la Commission européenne « cette évaluation [est] réduite à sa plus simple expression puisque le pétitionnaire pourra ne réaliser aucune analyse de toxicologie ou d’alimentarité, sauf rares cas spécifiques ». Selon eux, le règlement proposé établit notamment que « le pétitionnaire décidera donc, en fonction des résultats “d’équivalence en substance”, s’il procède ou non à des analyses toxicologiques ». Ce concept d’équivalence en substance, appelé dans le règlement « analyse par comparaison de composition » vise à établir si des différences de composition existent entre une plante GM et sa contre-partie non GM. Si cette comparaison est nécessaire, elle doit être correctement effectuée. Or aujourd’hui, les entreprises effectuent des tests de différence (hypothèse de départ : les plantes sont équivalentes) et non d’équivalence (hypothèse de départ : les plantes sont différentes) et fournissent des analyses pour lesquelles la puissance statistique est insuffisante [3]. Mais même bien effectuées, elles sont loin d’être suffisantes. En effet, d’autres analyses sont nécessaires comme celles de la protéine transgénique en elle-même et de la plante entière ainsi que des interactions de la protéine nouvelle avec les autres protéines. Avec le règlement proposé, les organisations considèrent que l’analyse par « comparaison de composition » restera la clef de voûte de l’évaluation comme c’est actuellement le cas [4]. Ce qui ne constituera donc pas un renforcement de l’évaluation, bien au contraire. Les organisations demandent donc au gouvernement de s’opposer à ce texte et d’obtenir « une rédaction claire, précise et sans ambigüité […] de la Commission européenne dans le règlement proposé, stipulant dans un chapeau de portée générale, que les analyses de toxicologie et d’alimentarité doivent être obligatoirement fournies par les entreprises déposant un dossier de demande d’autorisation. Une telle rédaction est le seul gage de solidité juridique quant au caractère obligatoire de ces analyses ». Sans cela, la demande, par le Conseil des ministres de 2008, de renforcer les lignes directrices aura été vidée de son contenu.
Pression pour renforcer, et non affaiblir, l’évaluation des OGM
A l’appui de leur demande, ces structures rappellent que, suite à l’affaire Séralini, « le gouvernement français a réaffirmé en septembre 2012 que la France souhaitait renforcer dans les meilleurs délais et de façon significative l’évaluation des risques sanitaires et environnementaux des OGM ». Elles considèrent donc que les discussions en cours « sont l’occasion pour le gouvernement français de montrer sa détermination en obtenant que ce règlement ne soit pas adopté en l’état » et, pour elles, « tout dossier devrait au moins contenir une étude de comparaison substantielle, une étude de toxicité chronique (c’est-à-dire sur vie entière des rats) et une étude d’alimentarité, sans oublier une étude toxicologique du ou des pesticides (en formulation commerciale) associés à l’OGM, le tout avec des protocoles valides, notamment statistiquement ». Une position partagée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) qui indiquait, dans son avis sur l’étude Séralini [5] que « l’Anses ne statue pas sur les dossiers relatifs aux évènements primaires de transformation génétique sans la présence de cet essai [de toxicité sub-chronique chez les rongeurs pendant 90 jours] ». Une position confirmée, selon nos informations, lors d’une rencontre avec des représentants de structures de la société civile le 14 décembre 2012 au siège de l’Anses.
Outre cette lettre ouverte, une cyberaction a également été lancée par le GIET le 3 janvier pour porter ces mêmes demandes à la Commission européenne, au ministère de l’Écologie et au ministère de l’Agriculture. Au 15 janvier, cette action avait déjà recueilli plus de 5 800 participations.
La prochaine discussion entre États membres pourrait avoir lieu le 8 février 2013, au cours de la réunion du Comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale (CP CASA). Pour ce qui est de l’évaluation environnementale des PGM, des discussions sont d’ores et déjà annoncées par la Commission européenne entre avril et septembre [6].
[2] Les Amis de la Terre, l’Apsoda, la Confédération paysanne, le Criigen, la FNAB, FNE, Générations futures, le GIET, Greenpeace, Nature et Progrès et l’UNAF.
[3] Jacquemart, F., Expertise des OGM : l’évaluation tourne le dos à la science, édition Inf’OGM, oct. 2012, 60 p.