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Europe – Encore des contaminations au riz OGM…
Depuis douze ans, l’Union européenne surveille les importations de riz en provenance de Chine pour éviter autant que possible la présence de riz transgénique non autorisé sur son territoire. Mais rien n’y fait, le riz transgénique chinois continue d’être signalé par les douanes des États membres, même si le nombre d’alerte en 2017 et 2018 reste petit (moins de une par mois en moyenne). Comment est-ce possible ?
Nous sommes le 5 septembre 2006 quand Greenpeace et les Amis de la Terre révèlent la présence de riz transgénique Bt63 dans des produits alimentaires vendus en France, en Allemagne et en Grande-Bretagne. En 2018, des comptes-rendus officiels de l’Union européenne montrent que la situation n’est toujours pas résolue… Et que ces contaminations sont assez disparates d’une année sur l’autre et géographiquement. De telles différences géographiques notamment sont-elles juste un état de fait ou sont-elles le reflet de contrôles plus ou moins stricts selon les pays ou dans tels ou tels pays ? Difficile de répondre…
241 cas avérés ou suspectés de contamination
Le système d’alerte rapide pour aliments et denrées alimentaires (RASFF) européen permet aux États membres de l’Union européenne et à quelques pays voisins [1] d’échanger des informations dès qu’une présence illicite d’OGM transgénique est constatée suite à des contrôles nationaux. Ces informations concernent des cas avérés de contamination avec identification de l’OGM mais peuvent également rendre compte d’une contamination par un ou des OGM sans identification précise voire de simples cas de produits importés sans le ou les certificats requis pour garantir l’absence d’OGM illégaux. Selon la base de données accessibles en ligne du RASFF, 241 alertes relatives à la présence illégale de riz transgénique en provenance de Chine ou de suspicion de présence ont été rapportés depuis 2006.
La plupart des cas listés par le RASFF concernent des riz transgéniques identifiés : Bt63, KeFeng ou KMD1, mais d’autres alertes parlent « seulement » des riz transgéniques exprimant une protéine insecticide de la famille Cry (Cry1Ab, Cry1Ac) ou encore des riz identifiés comme transgéniques car contenant des éléments génétiques communs aux constructions transgéniques. Une liste qui permet au final de constater que cette contamination par du riz chinois n’a épargné que peu de pays européens : 21 États membres de l’Union européenne (sur 28) ont signalé des contaminations. L’Allemagne et le Royaume-Uni sont de loin les pays ayant le plus alerté avec respectivement 56 cas et 39 cas contre un seul dans des pays comme la Pologne ou le Danemark. La France a, de son côté, alerté 21 fois le RASFF (cf. tableau).
Allemagne | 56 |
Autriche | 9 |
Belgique | 11 |
Bulgarie | 2 |
Chypre | 3 |
Danemark | 1 |
Espagne | 7 |
Finlande | 5 |
France | 21 |
Grèce | 6 |
Irlande | 2 |
Italie | 19 |
Norvège* [2] | 3 |
Pays-Bas | 31 |
Pologne | 1 |
Portugal | 5 |
Rép. Tchèque | 1 |
Royaume-Uni | 39 |
Slovaquie | 6 |
Suède | 8 |
Suisse* | 4 |
Répartition nationale des 241 alertes liées à des contaminations par des OGM listé par le RASFF. Tableau compilé par Inf’OGM.
Douze années de mesures d’urgence en Europe
En 2008, deux ans après les premiers cas de contamination, l’Union européenne adoptait sa première mesure d’urgence qui imposait aux importateurs de riz en Europe de réaliser une analyse de détection et de fournir un certificat d’absence de riz GM illégal. Fin 2008, une mission d’inspection européenne revenait de Chine avec le constat que les mesures adoptées par le gouvernement chinois devaient suffire à faire cesser la contamination. Mais, fin 2011, le nombre d’alertes en 2010 et 2011 était en augmentation. Mais l’Office alimentaire et vétérinaire de l’UE, après une mission d’inspection en Chine en mars 2011, se montrait moins optimiste et concluait à une « incertitude quant au volume, au type et au nombre des variétés de riz génétiquement modifié qui pourraient avoir contaminé des produits à base de riz originaires ou expédiés de Chine et [il concluait] qu’il existait dès lors un risque élevé que des OGM non autorisés continuent d’être introduits dans ces produits ». Fin 2011 donc, l’Union européenne renforçait ces dispositions en ajoutant à l’obligation d’un certificat fourni par les importateurs, celle d’un certificat sanitaire officiel fourni par la Chine et assurant qu’aucun riz GM non évalué par les autorités chinoises n’est présent ; et en établissant une liste de produits pour lesquels des analyses faites par les États membres sont obligatoires afin de vérifier les certificats demandés [3].
Dans les deux années qui ont suivi, 2012 et 2013, les alertes continuèrent quasiment sans diminuer. Et surtout, certains États membres constatèrent que des produits susceptibles de contenir du riz devraient faire l’objet des mêmes mesures. Ce qui amenait donc l’Union européenne à revoir pour la deuxième fois ses mesures d’urgence en avril 2013 pour les élargir cette fois à tous produits « qui pourraient consister en riz, en contenir ou être produits à partir de riz » [4].
En 2014, l’information passe à la télévision chinoise, China Central Television (CCTV) qui fait alors état d’une commercialisation illégale de riz transgénique dans quatre provinces du pays [5]. Ce riz transgénique avait initialement été expérimenté au champ par l’Université d’agriculture de Huazhong. Mais l’Université avait immédiatement pris soin de nier toute implication dans cette diffusion illégale. Par la suite, le gouvernement n’avait pas renouvelé les autorisations d’essais.
Mais malgré ces mesures européennes et chinoises, 2014 a connu également un fort taux d’alerte avec notamment, entre janvier et avril 2014, 22 alertes. Des alertes qui concernaient des cas étonnants de contaminations d’aliments pour animaux par du riz Bt63 présents dans un additif alimentaire, la chlorure de choline 60% maïs. L’Union européenne demandait alors aux États membres d’accroître leur contrôle.
Depuis 2015, le nombre d’alerte a diminué. Diminué mais pas réduit à zéro ! Ainsi, en 2015 et 2016, ce sont cinq cas chaque année qui furent rapportés. Et ce, alors qu’une mission déléguée par l’Union européenne en Chine rapportait fin 2015 qu’un système de contrôle chinois se montrait efficace à assurer que les produits exportés l’étaient « en respect de la législation européenne sur les OGM » selon les dires de la Commission européenne aux États membres en avril 2016. Et les essais en champ étaient également « contrôlés de manière adéquate ». Mais, en 2017 et 2018, le nombre d’alertes repartait légèrement à la hausse avec respectivement neuf et sept cas. Et la Commission européenne de recommander alors aux États membres de maintenir leurs contrôles.
Nombre d’alertes de contaminations par an, source : RASFF
Douze années ont donc passé et le riz transgénique chinois est toujours présents dans certaines importations de produits. Est-ce dû à une impossibilité de maîtriser la contamination si la trace en a été perdue par exemple, à un manque de ressources mises pour résoudre le problème en Chine ? Cela participe-t-il d’une stratégie de contaminer pour mettre les consommateurs devant le fait accompli ? Difficile de répondre mais le constat est là. Et l’exemple des contaminations à la chlorure de choline qui ont été contenues en quelques mois montre bien qu’il est possible de résoudre le problème…
[2] les pays accompagnés d’une * ne sont pas membres de l’Union européenne mais participent au RASFF.
[3] DÉCISION D’EXÉCUTION DE LA COMMISSION
du 22 décembre 2011 sur des mesures d’urgence concernant la présence non autorisée de riz génétiquement modifié dans les produits à base de riz provenant de Chine et abrogeant la décision 2008/289/CE
[4] DÉCISION D’EXÉCUTION DE LA COMMISSION
du 13 juin 2013 modifiant la décision d’exécution 2011/884/UE sur des mesures d’urgence concernant la présence non autorisée de riz génétiquement modifié dans les produits à base de riz provenant de Chine
[5] , « CHINE – Riz, maïs : les OGM en disgrâce ? », Inf’OGM, 30 septembre 2014