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Alléger la commercialisation de vaccins OGM : un règlement européen contesté

Par Zoé JACQUINOT

Publié le 18/11/2020

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En juillet 2020, un règlement européen a été adopté permettant des allègements à la législation européenne sur les OGM dans le cadre du développement de vaccins contre la Covid-19. L’évaluation des risques environnementaux liés à l’utilisation d’OGM, ainsi que les procédures d’autorisation, de consentement préalables et d’étiquetage pour le développement de tels vaccins, ne sont plus nécessaires. Des vaccins génétiquement modifiés développés et testés à toute vitesse… qui pourraient bientôt être commercialisés sans respecter la procédure d’autorisation de mise sur le marché d’un médicament, dans son volet OGM ? : six associations européennes ont déposé le 10 octobre un recours en annulation contre ce règlement.

Inf’OGM rapportait le mois dernier que les vaccins génétiquement modifiés à base d’ADN ou d’ARN sont encore expérimentaux [1]. Ils n’ont jamais été testés chez l’homme. Pourtant de tels vaccins pourraient bientôt être expérimentés à grande échelle dans le cadre de la stratégie adoptée par la Commission européenne visant à obtenir des vaccins contre le virus de la Covid-19 dans moins d’un an. Le 15 juillet 2020, le règlement 2020/1043 [2] a été adopté par le Parlement européen sans aucun débat en commission ni en plénière. Ce nouveau règlement nous dit que « dans la situation d’urgence de santé publique sans précédent créée par la pandémie de [la] Covid-19, il est nécessaire que la protection de la santé publique prévale. Il est dès lors nécessaire d’accorder une dérogation temporaire aux exigences d’évaluation des risques pour l’environnement et d’autorisation ou de consentement préalable » prévues pas la législation européenne sur les OGM.

Les mesures du règlement 2020/1043

Le règlement 2020/1043 adopté en juillet contient plusieurs mesures concernant le développement de vaccins contre la Covid utilisant des OGM. Pour la conduite d’essais cliniques, sont suspendues les procédures d’évaluation des risques pour l’environnement, les mesures d’étiquetage ainsi que les procédures d’autorisation et de consentement préalable des États Membres. En pratique, les États membres ne peuvent donc pas s’opposer à la conduite d’essais cliniques pour des vaccins contre la Covid utilisant des OGM.

Par ailleurs, le règlement précise (considérant 22) qu’aucun « médicament ne peut être mis sur le marché dans l’Union ou dans un État membre sans qu’une autorisation de mise sur le marché n’ait été délivrée par les autorités compétentes » en vertu de la réglementation européenne. Mais des exceptions existent comme par exemple l’usage en réponse à une « commande loyale et non sollicitée » mais également l’usage en « réponse à la propagation suspectée ou confirmée d’agents pathogènes […] susceptibles de causer des dommages » [3]. Le règlement nouvellement adopté précise que lorsqu’un État Membre met sur le marché un médicament en vertu de l’une de ces exceptions, c’est-à-dire sans suivre la procédure d’autorisation de mise sur le marché de médicaments, alors les principales exigences relatives à la réglementation sur les OGM ne s’appliquent pas non plus (évaluation des risques sur l’environnement, étiquetage, autorisation préalable…).

Un règlement contesté en justice

Le 10 octobre dernier, un recours contre ce règlement a été déposé par six associations de citoyens [4] auprès du Tribunal de l’UE afin d’obtenir l’annulation de ce règlement. Elles considèrent que l’adoption de ce règlement dérogatoire à la législation sur les OGM est « contraire au principe de précaution » prévu dans le droit de l’UE et dénoncent « une expérimentation dangereuse, tant pour les participants aux essais cliniques que pour la population humaine et l’environnement, et exigent l’application immédiate du principe de précaution ».

Les associations s’appuient notamment sur un rapport récemment publié par le Criigen (Comité de Recherche et d’Information Indépendantes sur le Génie Génétique) [5] pour présenter « des risques bien réels » à l’utilisation d’OGM pour des vaccins et encore plus lorsque les mesures de contrôles de risques préalables à une autorisation sont suspendues. En effet, selon ce rapport, « des recombinaisons virales potentiellement plus graves que les virus que l’on cherche à combattre par le vaccin, impactant la vie animale et la santé humaine » peuvent apparaître. Le rapport précise que « les risques d’interaction avec l’ADN humain ou l’introduction de nouvelles technologies génétiques peuvent avoir des conséquences inconnues, potentiellement graves et irréversibles ». Par ailleurs, Inf’OGM a récemment consacré un dossier faisant le point sur cette absence de maîtrise qui entoure le fonctionnement et les effets des techniques de modifications génétiques [6].

La stratégie de la Commission européenne publiée en mai 2020 fixait comme objectif l’obtention de vaccins en moins d’un an. Les premiers vaccins contre la Covid pourraient arriver sur le marché dès mai 2021 mais la procédure engagée pourrait impacter certains des vaccins développés. La recevabilité du recours devrait être communiquée dans le mois qui vient. En cas de recevabilité, une procédure accélérée pourrait permettre d’obtenir une décision en quelques mois et à défaut en un an.

[3En vertu de l’article 5 de la directive 2001/83 et de l’article 83 du règlement 726/2004.

[4La Coordination Nationale Médicale Santé Environnement (CNMSE), European Forum for Vaccine Vigilance (EFVV), Children health defense Europe (CHD Europe), La Ligue Nationale Pour la Liberté des Vaccinations (LNPLV), l’Association Internationale pour une Médecine Scientifique Indépendante et Bienveillante et Terra SOS-Tenible. Lire le communiqué de presse.

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