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OEB : les nouveaux OGM peuvent être différenciés

Par Zoé JACQUINOT

Publié le 17/12/2020, modifié le 09/07/2024

    
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Selon les entreprises, les produits OGM de techniques de modification génétique sont brevetables car ils sont considérés comme des « inventions ». Mais pour obtenir ces brevets, l’Office européen des brevets (OEB) exige des demandeurs d’être clairs sur les techniques d’obtention des organismes ou séquences génétiques couvertes par leur brevet. Une obligation qui montre que, pour l’OEB, différencier par exemple des OGM obtenus par des techniques de mutagénèse brevetables d’une part, d’OGM obtenus par d’autres techniques ou de tout autre organismes présent dans la nature, d’autre part, est possible.

Inf’OGM a récemment présenté pourquoi les nouveaux OGM sont brevetables [1] lorsqu’ils sont obtenus par des techniques de modification génétique mises en œuvre sur cultures cellulaires. Mais les entreprises continuent de plaider que les OGM dont la modification génétique est une mutation (et non une insertion de séquence génétique) sont exemptés de la législation sur les OGM. Leur raisonnement est de dire que des techniques de mutagénèse induisent une modification génétique in-différenciable de ce que la Nature ou d’autres techniques d’amélioration végétale peuvent produire et que les techniques « traditionnelles » de mutagénèse sont exemptées de la réglementation OGM.

Frontière entre le brevetable et le non brevetable : le disclaimer

Une demande de brevet contient une ou plusieurs revendications (en anglais claim) qui désignent l’invention qui sera protégée par les droits qu’accorde un brevet [2]. Ces revendications doivent être claires. L’intérêt d’un déposant est donc d’être le plus large possible. Mais l’OEB précise dans ses propres directives (voir encadré ci-dessous sur les directives) qu’il est parfois nécessaire que les demandes de brevets soient complétées avec des « limitations négatives » pour au contraire désigner ce qui n’est pas couvert par la demande de brevet [3]. Il en est ainsi lorsqu’une partie de l’invention est en partie couverte par un autre brevet ou lorsqu’il faut exclure de l’invention des éléments non brevetables.

Les procédés essentiellement biologiques et leurs produits sont dans ce cas puisqu’ils sont explicitement exclus de la brevetabilité en vertu d’une exception prévue par le droit de l’OEB ainsi que par le droit européen [4]. En effet, les directives de l’OEB relatives à l’examen pratique, dans leur version de 2019, précisent que «  si une caractéristique technique d’un végétal ou d’un animal revendiquée (par exemple l’échange d’un nucléotide unique dans le génome – NDLR : une mutation) peut résulter soit d’une intervention technique (par exemple d’une mutagénèse dirigée), soit d’un procédé essentiellement biologique (par exemple d’un allèle naturel), un disclaimer est nécessaire pour limiter l’objet revendiqué au produit obtenu par des moyens techniques ».

Cette citation de l’OEB clarifie donc qu’un nouvel OGM obtenu avec un moyen technique, par exemple une technique de mutagénèse mise en œuvre sur culture cellulaire, est brevetable. Mais l’OEB considère que le brevet délivré ne pourra pas concerner les organismes ayant la même mutation mais qui n’ont pas été obtenus par le procédé revendiqué dans la demande de brevet ! À défaut, la demande de brevet devra être rejetée.

En termes plus simples, l’OEB impose aux demandeurs de brevets de limiter la portée de leur brevet aux seuls organismes ou séquences génétiques effectivement modifiés par le procédé revendiqué et qui ne peut être un procédé essentiellement biologique ni un procédé technique (par exemple mutagenèse) insuffisamment détaillé et non reproductible par l’homme de l’art [5] ! Tout organisme ou séquence génétique identique mais non obtenu par ce procédé ne sera pas protégé par le brevet délivré.

Le disclaimer, un format parfois abstrait

Ces règles dorénavant imposées par l’OEB vont à l’encontre du discours habituellement entendu dans le dossier des nouveaux OGM. Les entreprises ont en effet l’habitude d’affirmer que la ou les mutations présentes dans leurs OGM obtenus par des techniques de mutagénèse dirigée comme aléatoire ne pourraient être différenciés de mutations obtenues par d’autres techniques, voire apparues spontanément. Mais l’OEB, qui leur délivre les brevets, ne partage pas cet avis. Ou, du moins, impose-t-il aux entreprises d’exclure explicitement les objets non couverts par le brevet. Il faut donc nécessairement en conclure qu’une différenciation doit être faite, sur base documentaire ou par des analyses.

En ce qui concerne plus particulièrement les plantes, l’OEB donne un ensemble d’exemple (liste non exhaustive) de formulations de moyens techniques qui sont des procédés essentiellement biologiques ou des formulations d’éléments qui sont au contraire brevetables [6].

Un disclaimer, c’est quoi (…)

Un disclaimer, c’est quoi ?

Le terme disclaimer est employé en anglais dans la version française des Guidelines for Examination in the EPO, soit les Directives relatives à l’examen pratiqué à l’OEB. Il s’agit d’un guide rédigé par l’OEB à l’attention des demandeurs de brevets et de ses examinateurs expliquant l’approche suivie par l’OEB pour analyser les demandes de brevets. Aucune traduction du terme anglais disclaimer n’est proposée par l’OEB ni aucune définition précise. Le contenu du disclaimer n’est pas précisé ni son régime juridique mais globalement, ce terme précise ce qui n’est pas revendiqué par la demande de brevet. Une traduction proche serait « une décharge » ou bien une « renonciation » ou encore un « abandon » sans que ces termes correspondent exactement à ce qui est désigné en anglais.

Des disclaimers sont exigés depuis au moins 2019 dans le domaine des biotechnologies. Depuis cette année-là, les demandes de brevet sur de la matière biologique ou sur des procédés microbiologiques doivent faire l’objet d’un disclaimer pour être valides. C’est-à-dire que des brevets sur des nouveaux OGM devront faire état de ce qui est brevetable (ce qui est technique ou ce qui a été techniquement obtenu) et exclure explicitement ce qui n’en découle pas.

Mais concrètement comment cela se traduit-il et à quoi cela engage-t-il ? Dans le dossier sur les nouveaux OGM, le demandeur doit détailler les techniques utilisées, c’est-à-dire de quelle façon il a produit l’OGM.

Cela implique que le demandeur du brevet est responsable de la différence entre ce qu’il revendique et ce qu’il ne revendique pas. Donc qu’il prouve que les traits qu’il revendique (traits qui pourraient être natifs) ont été obtenus avec l’une des techniques qu’il a explicitement mentionnées dans ses claims et pas par une technique exclue par le disclaimer. La description fournie dans la demande de brevet remplit son rôle de description mais ne faut-il pas l’accompagner d’une technique de détection pour le prouver ?

Et si une technique de détection n’est pas une obligation en vertu du droit de l’OEB, n’en est-ce pas une pour le demandeur du brevet afin de faire valoir ses droits accordés par le brevet face à des tiers ? Rappelons en effet que les nouveaux OGM sont bel et bien détectables [7].

Octroi de brevets : des (…)

Octroi de brevets : des directives relatives à l’examen pratiqué en constante évolution

Le 19 novembre 2020, l’OEB annonçait que la prochaine mise à jour des directives était en cours de finalisation et serait publiée en mars 2021. Il est dit que les développements récents des biotechnologies ont été suivis avec attention et seront reflétés dans cette mise à jour. Pour la première fois dans l’élaboration des directives, la réunion de finalisation a été précédée par une consultation publique des utilisateurs.

La révision annuelle des directives est discutée et élaborée par deux acteurs principaux :

l’Institut des mandataires agréés près l’Office européen des brevets (epi),

le Comité consultatif permanent auprès de l’OEB (Sacepo) qui se compose de représentants de l’industrie (nommés par Business Europe), de mandataires agréés (nommés par l’EPO) et d’experts reconnus dans le domaine de la propriété intellectuelle nommés à titre personnel par le président de l’OEB.

[1Zoé JACQUINOT, « Les nouveaux OGM sont brevetables », Inf’OGM, 22 octobre 2020

[2Cela peut être un procédé ou bien les caractéristiques d’un produit. Cette invention doit être décrite et elle se formule habituellement dans des termes positifs et explicites désignant directement l’objet de la demande de brevet. Les droits accordés par le brevet sont principalement un monopole et une exclusivité d’utilisation sur l’invention pendant un temps donné.

[4Article 53b CBE et directive européenne 98/44/CE. Les procédés essentiellement biologiques désignent les procédés qui consistent « intégralement en des phénomènes naturels tels que le croisement ou la sélection ». Depuis la décision de l’OEB de mai 2020, ces procédés ainsi que leurs produits sont définitivement exclus de la brevetabilité. Néanmoins, cette exclusion de la brevetabilité des produits issus de procédés ne s’appliquera qu’aux demandes de brevets postérieures au 1er juillet 2017. Voir Zoé JACQUINOT, « Produits issus de procédés biologiques : finalement non brevetables », Inf’OGM, 4 juin 2020

[5Pour être validée, une demande de brevet doit contenir une description suffisamment détaillée pour que l’homme de l’art puisse reproduire l’invention (article 83 CBE).

[6Voir G II, 5.4.2 et 5.4.2.1 des directives relatives à l’examen pratique, voir aussi note 3.

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