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OGM – L’Italie instrumentalise le changement climatique
Après le Sénat, l’Assemblée nationale italienne a adopté un amendement qui exonère les essais en champ de plantes issues de la « mutagénèse dirigée ou cisgénèse » d’une évaluation de leur impact sur l’agriculture.
Des périodes de sécheresse de plus en plus longues, de plus en plus fréquentes, de plus en plus sévères ont des conséquences négatives sur l’agriculture. Que faire pour atténuer cet effet du changement climatique ? Tout le monde s’accorde pour affirmer qu’il faut des variétés plus résilientes. Cependant, le débat est vif pour savoir comment réaliser cet objectif. Des « semences populations » diversifiées et robustes [1] ou des variétés hybrides génétiquement modifiées ? L’Italie a choisi son camp en votant en faveur d’une loi qui simplifie les procédures pour les essais en champ de variétés issues de la « mutagénèse dirigée ou cisgénèse ». Ou, du moins, l’Italie a utilisé l’argument du changement climatique pour faire un pas vers la déréglementation de nouveaux OGM. On peut craindre qu’au final les variétés produites par ces nouvelles techniques soient, à l’instar de ce qui s’est passé pour la transgenèse, des variétés utiles à l’agro-industrie…
Après le Sénat, c’est au tour de l’Assemblée nationale italienne de voter en faveur de l’amendement « sécheresse » [2]. Cet amendement consiste à ajouter l’article 9-Bis à la loi intitulée : « Dispositions urgentes pour lutter contre la pénurie d’eau et pour moderniser et adapter les infrastructures hydrauliques. (23G00047) » [3]. Cet article 9-Bis postule que les « les organismes produits au moyen de techniques d’édition du génome par mutagénèse dirigée ou cisgénèse » permettraient « de réagir de manière appropriée à des conditions de pénurie d’eau et en présence de stress environnementaux et biotiques d’une intensité particulière ». Cette affirmation n’est pas argumentée.
Pour faciliter la mise en place d’essais en champ, cet article prévoit qu’une disposition de la loi de 2003 ne s’applique plus. Il s’agit de la disposition prévue par l’article 8, paragraphe 2, point c) de cette loi, qui prévoit « l’évaluation des risques pour la biodiversité agricole, les systèmes agricoles et la chaîne agroalimentaire » [4]. Cette disposition est une particularité italienne. En effet, la loi de 2003 transpose la directive 2001/18 qui gère, notamment, la dissémination dans l’environnement des OGM. Les États membres ont une marge de manœuvre quand ils transposent une directive en droit national. L’Italie avait alors ajouté une évaluation supplémentaire nécessaire pour obtenir l’autorisation de disséminer des OGM dans l’environnement (pour la commercialisation et les essais en champ). L’article 9-Bis est donc un retour en arrière par rapport à cette décision italienne. Les autres évaluations, sur l’environnement ou la santé humaine et animale, définies par la directive 2001/18 restent donc obligatoires.
Mais au-delà, l’ajout de cet article 9-Bis pose un autre problème juridique. En effet, bien qu’il mentionne explicitement la loi de 2003 consacrée aux OGM, ce décret ne parle plus d’organismes génétiquement modifiés. Ce décret s’intéresse, comme nous l’avons déjà souligné, aux « organismes produits au moyen de techniques d’édition du génome par mutagénèse dirigée ou cisgénèse ». Mais ce décret ne définit pas ces techniques, précisément et scientifiquement. Sont-ce des OGM ? Ou pas ? Ce flou juridique fait craindre aux organisations de la société civile italienne réunies au sein de la Coalition « Italie sans OGM », que le gouvernement et parlement actuels appuient la Commission européenne dans son projet de déréglementer totalement ces nouveaux « organismes ».
[1] Les semences populations sont des semences hétérogènes, constituées d’un ensemble d’individus aux génotypes variés, sélectionnés principalement par les agriculteurs eux-mêmes, dans leurs champs. Ces variétés sont multipliées en pollinisation libre et sélectionnées par sélection massale.
[2] , « ITALIE – L’alibi de la sécheresse pour défendre les OGM », Inf’OGM, 5 juin 2023.
[3] Presidenza del consiglio dei ministri,
« DECRETO-LEGGE 14 aprile 2023, n. 39 – Disposizioni urgenti per il contrasto della scarsita’ idrica e per il potenziamento e l’adeguamento delle infrastrutture idriche. (23G00047) », 14 avril 2023.
[4] Presidenza del consiglio dei ministri, « DECRETO LEGISLATIVO 8 luglio 2003, n. 224 – Attuazione della direttiva 2001/18/CE concernente l’emissione deliberata nell’ambiente di organismi geneticamente modificati », 8 juillet 2003.