UE : différentes gestions des semences paysannes
Les lois et règlements existants conditionnent la gestion des semences. En Suisse (voir encadré), ni certification, ni catalogue pour les « variétés de niche ». À l’instar des artisans semenciers français [1], ceux en Catalogne espagnole tentent de faire évoluer la loi. Et l’Italie y est parvenue partiellement, grâce au pouvoir des régions à légiférer dans le domaine de l’agriculture…
Les lois et règlements existants conditionnent la gestion des semences. En Suisse (voir encadré ci-dessous), ni certification, ni catalogue pour les « variétés de niche ». À l’instar des artisans semenciers français [2] [3], ceux en Catalogne espagnole tentent de faire évoluer la loi. Et l’Italie y est parvenu partiellement, grâce au pouvoir des régions à légiférer dans le domaine de l’agriculture…
Voici le témoignage de Ester Casas Griera de l’association catalane d’artisans semenciers Les Refardes, membre de l’OPASE [4].
Catalogne : « nous récupérons semences et culture »
Les semences viennent d’agriculteurs qui les ont conservées et sélectionnées pendant des générations. El-les comportent une importante information agronomique et culturelle. Nous les évaluons au niveau agronomique et organoleptique avec l’objectif de les disséminer au maximum. La grande majorité des varié-tés que nous vendons à « Les Refardes » ne sont pas enregistrées au catalogue. Notre activité est un acte de désobéissance civile. Nous voulons faire évoluer la législation pour que les agriculteurs puissent vendre les semences qu’ils produisent. Pour cela, nous collaborons avec l’administration et le réseau semencier formel pour formuler des propositions. Nous défendons le besoin d’un contrôle de qualité de la semence, au niveau sanitaire, de germination et de pureté (sans aucun mélange avec d’autres variétés), mais nous voyons inutile, compliqué et lent, le processus d’enregistrement de toutes les variétés que nous voulons vendre. En effet, nous vendons des quantités infimes de chaque variété, et chaque année, nous incorporons une quarantaine de nouvelles variétés et cessons d’en faire d’autres. De nombreuses variétés sont disponibles à la vente durant quelques années avec l’idée de les réintroduire chez les jardiniers, les amateurs, les cuisiniers, etc. Mais nous n’avons pas, seuls, la capacité de multiplier tout ce que nous trouvons : la société civile prend le relais. La loi devrait être adaptée à la production artisanale de semences ou de variétés locales et à une vente qui reste au niveau territorial : 86 % de nos ventes se font en Catalogne et le reste juste autour. Nous collaborons avec le ministère de l’Agriculture depuis trois saisons en enregistrant de façon continue certaines des variétés que nous vendons tout en essayant d’éviter les appropriations illicites [5].
Italie : des lois régionales favorables aux semences « autochtones »
Les lois régionales italiennes trouvent leur fondement dans la constitution du pays qui autorise les régions à légiférer dans le domaine de l’agriculture. Leur objectif est de sauvegarder l’héritage des ressources génétiques autochtones, et particulièrement celles menacées d’érosion. Les variétés et races autochtones, selon la loi, couvrent : - celles qui sont originaires du territoire régional ; - celles qui, bien que non originaires, y ont vécu pendant longtemps ; - celles originaires du territoire régional et qui n’y sont plus présentes, mais conservées ailleurs. Les lois régionales reconnaissent les variétés autochtones comme « héritage collectif des communautés locales » et prévoient, dans certains cas, que les régions soient responsables de la gestion des ressources génétiques autochtones. À travers certains instruments et mécanismes, comme : - l’établissement d’un registre régional d’inscription volontaire et gratuite ; - l’établissement de comités scientifiques et techniques pour évaluer les fiches d’information sur les variétés et races inscrites au registre régional. En outre, les lois régionales ne permettent l’attribution d’aucune forme de droits exclusifs individuels sur les variétés [6].
Les « variétés de niche » en Suisse
Par variété de niche, l’État suisse entend, à l’exception des variétés génétiquement modifiées, une variété du pays ou une ancienne variété. Leurs semences peuvent être mises en circulation, avec l’autorisation de l’Office fédéral de l’agriculture, sans que la variété soit enregistrée dans le Catalogue et que ses semences soient certifiées. Seules exigences pour leur commercialisation : un étiquetage spécial non officiel, des quantités limitées et une comptabilité spécifique tenue par les producteurs à l’intention de l’administration. L’étiquette non officielle doit porter la mention « variété de niche autorisée, semences non certifiées » [7].
[1] voir , « Artisan semencier :
un métier en pleine définition », Inf’OGM, 14 janvier 2019 ;
, « Pétanielle : jardiniers et paysans sauvegardent
la biodiversité », Inf’OGM, 20 mars 2019 ;
, « Commerce des semences : la Commission va-t-elle le reverrouiller ? », Inf’OGM, 3 juillet 2020
[2] , « Pétanielle : jardiniers et paysans sauvegardent la biodiversité », Inf’OGM, 20 mars 2019
[3] , « Commerce des semences : la Commission va-t-elle le reverrouiller ? », Inf’OGM, 3 juillet 2020
[4] , « Artisan semencier : un métier en pleine définition », Inf’OGM, 14 janvier 2019
[5] ,
, « ESPAGNE – La biopiraterie passerait-elle par des AOP ? », Inf’OGM, 26 octobre 2015
[6] Tiré de « Législation régionale en Italie pour la protection des variétés locales », Enrico Bertacchini, (traduit de l’anglais par A.-C. Moy, et synthétisé par Bede dans la brochure « Les droits collectifs des paysans sur leurs semences », Bede/Irpad, 2018, 8 p.).