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Déréglementation des OGM : la balle est dans le camp du Parlement européen
Mercredi 3 décembre 2025, les représentants de la Commission européenne, du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne sont tombés d’accord sur une version d’un texte visant à déréglementer de nombreux OGM. Le texte adopté n’a pas encore été rendu public. Conseil et Parlement européen vont maintenant devoir voter sur ce texte, qui devrait leur être présenté dans les semaines ou mois à venir.
En juillet 2023, la Commission européenne mettait sur la table du Parlement et du Conseil de l’Union européenne une proposition de déréglementation de très nombreux OGM. En avril 2024, le Parlement européen adoptait sa propre version, alors que le Conseil de l’UE n’arrivait pas, de son côté, à dégager une majorité. Pour autant, en février 2024, le Conseil donnait mandat à sa présidence pour participer aux négociations avec le Parlement et la Commission européenne dans une procédure appelée trilogue.
Ce trilogue vient de vivre une étape importante hier, mercredi 3 décembre 2025. Les négociateurs des trois instances sont en effet tombés d’accord sur une version commune. Si cette version n’est pas encore publique, les réactions exprimées par les organisations de la société civile laissent entrevoir ce qui serait contenu. Inf’OGM rend compte ici de certaines réactions, mais seule la lecture du texte adopté permettra de connaître l’étendue de l’accord. Selon les informations qui circulent, l’accord adopté induirait, s’il était validé par le Parlement et le Conseil de l’UE, une déréglementation quasiment complète d’OGM obtenus par « mutagénèse dirigée » ou « cisgénèse » : absence d’évaluation des risques, d’étiquetage sauf pour les semences, d’obligation de fournir des méthodes de détection et identification, de mesures de coexistence entre filières OGM/NTG et filières non-OGM/NTG…
Pour Pollinis, cet accord « marque un recul majeur pour le système agricole et le droit fondamental à l’information des citoyens, et fait peser des risques graves et irréversibles sur notre agriculture et notre alimentation ». L’association résume que l’accord implique notamment une absence d’étiquetage, d’évaluation des risques, ou encore des risques inévitables de contamination des filières sans OGM.
La question des brevets était centrale dans les négociations. Pour Ifoam Europe et son Président, Jan Plagge, « cet accord ne contient aucune mesure effective pour limiter la portée des brevets et protéger la liberté des opérateurs européens à travailler. Sans une solution légale et effective, l’Union européenne risque de freiner l’innovation variétale plutôt que l’encourager ».
En Italie, 14 organisations ont réagi en dénonçant notamment que, si cette déréglementation était finalement adoptée aux termes des procédures en cours, « la contamination dans les champs (via des plantes de catégorie NTG1, déréglementées) serait donc incontrôlée et exposerait l’agriculture biologique ou sans OGM à la perte de sa certification ou de son statut sur le marché, en plus d’entraîner une perte potentielle pour la grande biodiversité agricole du pays. La migration de gènes brevetés, polluant les champs des agriculteurs qui n’ont pas acheté les semences, exposerait ces derniers à des demandes de dommages-intérêts de la part des multinationales détentrices des brevets ».
Les Amis de la Terre Europe dénoncent quant à eux un accord qui, s’il aboutissait à un règlement européen, « est tout simplement un cadeau aux industries de biotech et une punition pour les consommateurs, agriculteurs et la Nature. Il supprime les contrôles de sécurité, l’étiquetage et le droit des consommateurs à choisir, tout en permettant aux grandes entreprises d’en tirer profit grâce aux brevets ».
La Coordination européenne de la Via Campesina (ECVC) dénonce également cet accord, écrivant que cet accord « ignore complètement les inquiétudes des agriculteurs, notamment sur la question des brevets ». Les mesures de bonne conduite et la transparence volontaire qui composeraient l’accord trouvé hier soir ne suffisent pas au syndicat agricole pour estimer cette question des brevets est réglée. Au contraire, il explique qu’en l’absence de méthodes de détection et identification obligatoires, « ces mesures seront inefficaces à protéger les agriculteurs et opérateurs de la filière agro-alimentaire des risques liés aux brevets, notamment les poursuites abusives pour violation de brevets. Ces poursuites auront inévitablement lieu si les obligations de traçabilité sont absentes et aboutiront à la privatisation de toutes les plantes cultivées par le modèle des brevets, y compris les plantes traditionnelles et paysannes ».
Ces organisations appellent maintenant les eurodéputés à refuser ce texte. Le Parlement européen avait en effet voté, en avril 2024, une position faisant état d’une opposition aux brevets sur ces plantes.

