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ALLEMAGNE – Trois scientifiques français critiquent le moratoire allemand
Trois chercheurs français se sont intéressés aux justifications scientifiques du moratoire allemand sur la culture du maïs Mon810, adopté par le gouvernement en avril 2009, et concluent, dans un article publié en juin [1], que ce moratoire ne serait pas justifié scientifiquement.
Après un premier moratoire en 2007 du fait d’un plan de surveillance fourni par Monsanto jugé insuffisant, la ministre fédérale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Protection des consommateurs, Ilse Aigner expliquait le 14 avril 2009 qu’ « il existe une raison justifiée pour penser que le maïs génétiquement modifié Mon810 présente un danger pour l’environnement », faisant référence notamment aux risques de contaminations et des impacts de ce maïs GM sur les organismes non cibles type papillons ou coccinelles [2]. Or pour les trois scientifiques français, l’approche du gouvernement allemand ignore certaines études, ainsi que l’approche au cas par cas des PGM, et confond risques potentiels et risques prouvés. Dans le détail, les arguments du gouvernement allemand ne seraient pas justifiés au regard de la littérature scientifique disponible sur les effets sur les organismes non cibles en conditions réelles de culture. Ainsi, sur 41 articles recensés en 2008 et 2009, une majorité conclurait à une absence d’impacts contre deux qui démontreraient des « effets mineurs » selon les trois français. De même pour les études publiées sur la période 1996 – 2008.
La question posée en bout de course par cet article concerne donc la façon dont les politiques prennent des décisions à partir des avis d’experts. Sur la base de l’avis de ses propres experts, le gouvernement allemand a donc choisi d’appliquer la philosophie du principe de précaution, à savoir qu’il n’autoriserait pas la commercialisation de semences de maïs Mon810, puisque l’absence de preuves du risque ne lui permettait pas de conclure à l’absence de risque. Cela revient à dire que les quelques études démontrant un possible impact ont fait douter le gouvernement allemand, malgré les autres études ne démontrant pas de risque. Ce gouvernement a donc tranché : le risque du maïs GM implique un moratoire.
Même si les trois scientifiques français indiquent leur désaccord avec le moratoire dans cet article de Transgenic Research, rappelons que les arguments d’impacts sur l’environnement utilisés en Allemagne recoupent certains des arguments français utilisés pour déposer la clause de sauvegarde sur ce même maïs. D’autres pays ont également adopté des moratoires ces dernières années notamment pour des raisons d’ordre environnemental : l’Autriche, la Hongrie, la Grèce, la France et dernièrement le Luxembourg.
Notons aussi que parmi les auteurs de l’article se trouve M. Kuntz, directeur de recherche au CNRS, qui se définit dans une position de « médiateur » [3] et qui se prononce contre les opposants aux PGM en dénonçant notamment leur prise de position idéologique [4].
[1] « Is the German suspension of MON810 maize cultivation scientifically justified ? », A. Ricroch, Jean Baptiste Bergé, Marcel Kuntz, Transgenic Research, June 2009, http://www.springerlink.com/content…
[3] « médiateur… être médiateur c’est « parler aux gens » (paraphrase d’Aristide Briand) et, j’ajouterais, les écouter » http://www2.cnrs.fr/presse/journal/…