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FRANCE – Les élus régulent, les lobbyistes s’adaptent

Par Eric MEUNIER

Publié le 31/05/2009, modifié le 27/02/2025

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L’activité de lobbying est actuellement l’objet d’une campagne citoyenne pour mieux l’encadrer à l’échelle européenne et française. Sans doute pas un hasard donc si le parlement français projette également de la réglementer. Elle se retrouve sur le devant de la scène suite à la révélation d’un document présentant la stratégie en France des cabinets de lobbying pour s’adapter à la future loi.

Peu connus alors même qu’ils discutent très régulièrement avec les élus pour présenter le point de vue des entreprises sur différentes lois, ces cabinets peuvent peser lourd dans les positions ou les décisions prises par les politiques. C’est donc tout naturellement qu’Inf’OGM, militant pour une transparence de l’information, s’intéresse à cette actualité qui porte sur un domaine plutôt dans l’ombre des couloirs de la République.

Ainsi donc, le Parlement français travaille à réglementer le lobbying dont il est lui-même l’objet. Comme le rappelle Patrick Baudouin, député du Val de Marne et auteur d’une proposition de réglementation à l’Assemblée Nationale, « en janvier 2006, le président du groupe UMP, devenu, depuis, président de l’Assemblée nationale, se disait « frappé par le jeu des lobbies et des groupes de pression » et plaidait pour la mise en place de règles « de transparence et d’éthique ». Ces propos faisaient suite à l’intrusion de représentants de la société Virgin, alors propriété du groupe Lagardère, venus faire la démonstration d’une plate-forme de téléchargement dans une salle voisine de l’hémicycle pendant le débat sur la loi DADVSI » [1]. Tel est donc l’enjeu, réguler le lobbying. Pour cela, différentes idées circulent, portées notamment par Patrick Baudouin, la première d’entre elles étant la création d’un registre public dans lequel les « lobbyistes » déclareraient les intérêts qu’ils défendent. Un code de bonne conduite serait également instauré, afin notamment de permettre à tous et de manière équitable l’accès aux élus. Car, comme le rappelle le député du Val de Marne, « Entreprises, syndicats, groupements professionnels, ONG, associations : tout le monde fait du lobbying. Mais tous ne disposent pas des mêmes moyens de se faire entendre. Je pense notamment à ces grandes entreprises qui bénéficient curieusement d’un badge permettant à leurs représentants de circuler librement à l’Assemblée. Je pense aux groupes d’études, aux colloques, aux voyages d’études, parfois dénoncés comme les chevaux de Troie des groupes d’intérêt ».

Côté organisations, dans le cadre du réseau ETAL (encadrement et transparence des activités de lobbying) coordonné par l’association Adéquations (cf. Inf’OGM n°94, septembre-octobre 2008, Lobby : la société civile veut plus de transparence), un appel a été signé en 2008 par 18 organisations – dont Inf’OGM – à l’adresse des politiques afin de demander « la transparence de l’activité de lobbying au sein du Parlement et du Sénat par le biais d’un système obligatoire d’inscription électronique et de rapports d’activité pour tous les lobbyistes dotés d’un budget de lobbying annuel significatif, des règles interdisant aux groupes de pression l’emploi du personnel de l’Assemblée ou de leurs proches à des fins de lobbying, ainsi que l’utilisation des lieux de pouvoir, un code de conduite pour les élu-e-s imposant par exemple la rédaction obligatoire de compte-rendu de réunions formelles ou informelles entre les députés et les personnes appartenant au monde des entreprises, y compris quand ils sont consultés sous couvert d’expertise, ces comptes-rendus étant disponibles sur un site ouvert au public et la fin de l’attribution de badges permanents permettant un accès privilégié à des représentants d’intérêts privés au seul titre de lobbyiste » [2].

Lobbying : mode d’emploi pour les entreprises

Côté cabinet de lobbying, le débat n’a évidemment pas été raté. Le journal Le Monde [3] révèle d’ailleurs l’existence d’un document synthétisant les opportunités que cette réglementation offrira aux cabinets de lobbying. Car bien évidemment, qui dit nouvelle loi, dit nouveau fonctionnement, et dans un domaine comme celui du lobbying, cela peut s’avérer bénéfique à ceux théoriquement visés par la loi. Selon le quotidien, le cabinet Affaires Publics Consultants, présidé par Jean-Christophe Adler qui se trouve être le président de l’Association française des conseils en lobbying, a rédigé et distribué un document intitulé « Nouveaux pouvoirs du Parlement : quelles opportunités de lobbying pour les entreprises ». C’est ainsi que sont listées vingt recommandations qui sont toutes une réponse aux exigences attendues de la future loi, et qui au final, représentent le mode d’emploi du bon lobbyiste pour s’assurer de toucher les législateurs en amont de l’élaboration des lois. Ce mode d’emploi inscrit donc dans le marbre ce qui n’était que peu connu jusqu’alors, le mode de travail – et donc d’influence – des lobbyistes auprès des élus. Si cette offensive est habillée des arguments de démocratie et de place de la « société civile », on peut regretter que les acteurs de cette société civile ciblés par ce mode d’emploi ne soient surtout que les entreprises lobbyistes…

[11, Intervention de Patrick Baudouin à l’Assemblée Nationale, le 12 mai 2009

http://www.adequations.org/spip.php…

[3Le Monde, 20 mai 2009

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