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UE – Exemption sur les OGM en transit

Par Zoé JACQUINOT

Publié le 01/10/2019, modifié le 10/07/2024

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En 2018 une nouvelle brèche s’est ouverte dans la réglementation communautaire : certains OGM, dits « en transit  », sont exemptés d’autorisation ou d’étiquetage sur le territoire de l’Union européenne. Ce nouveau cas de figure et cette exemption soulèvent de nombreuses questions.

En 2017, un État membre demande à la Commission européenne si des additifs OGM non autorisés en Europe pouvaient être importés en Europe s’ils sont ensuite exportés dans un pays hors Union européenne [1]. Et à quelles conditions…

La Commission a répondu positivement et a même élargi sa réponse aux OGM en général. Elle a considéré qu’un tel déplacement de marchandises, même non autorisées sur le territoire de l’Union, implique que le produit n’est pas mis sur le marché européen puisqu’il n’y est pas vendu. Il n’est qu’en transit et relève donc uniquement du droit douanier de l’Union.

La Commission précise ultérieurement la notion de mise sur le marché afin de mieux délimiter ce qui peut rentrer dans ce transit extérieur et dans quelles conditions (voir encadré ci-dessous).

Conditions du « transit extérieur  »

Toute activité incluant un transfert de propriété sur le territoire de l’UE constitue une mise sur le marché et requiert donc une autorisation de mise sur le marché.

Lorsqu’il n’y a pas de transfert de propriété et que l’OGM non autorisé n’est pas vivant (des additifs, des auxiliaires, tous les produits transformés, etc.), le transit est possible.

Lorsqu’il n’y pas de transfert de propriété mais que l’OGM non autorisé est vivant (semences, micro-organismes), le transit n’est alors pas possible, une autorisation préalable est nécessaire.

Sauf si les activités sont menées dans les conditions d’une utilisation confinée.

Source : 3 décembre 2018, Standing committee on plants, animals, food and feed, Section GM food and feed, A.06

Plusieurs cas de figure se présentent

Plusieurs exemples. Un producteur sud-américain peut vendre à un pays asiatique un produit transformé ou produit à partir d’un OGM (comme du sucre ou un additif alimentaire) non autorisé dans l’UE et ce produit peut transiter par le territoire de l’Union sans avoir besoin d’une autorisation. Dans ce cas, deux conditions sont réunies : il n’y aura pas eu de transfert de propriété en Europe et le produit en transit n’est pas un organisme vivant.

Un importateur non européen peut acheter des graines de coton GM, non autorisé dans l’UE, et les faire transiter en Europe sans avoir besoin d’une autorisation. Bien que le produit soit alors considéré comme vivant, l’exemption se fonderait alors sur le fait que son transport peut se réaliser de manière confinée.

Cependant rien ne vient préciser ce que constitue une utilisation confinée dans le contexte d’un transit extérieur. La Commission ne le précise pas et ne renvoie à aucune référence précise. Mais certaines définitions existent déjà dans le droit communautaire auxquelles on peut alors se référer [2]. Il s’agit globalement d’empêcher tout contact ou échange avec le milieu extérieur.

Cependant le confinement lors d’un transport n’est pas une garantie d’absence de contamination. En effet, au cours de transferts entre lieux de stockage ou entre plusieurs modes de transports ou encore du fait d’accidents de la route, comme à Mèze en 2010 [3], l’OGM peut se retrouver disséminé dans l’environnement.

Il peut être également difficile de définir s’il y a absence de transfert de propriété ou non. La Commission précise que ce transfert peut avoir lieu avec un déplacement physique ou non du matériel. En effet, en France, un transfert de propriété a lieu dès qu’il y a accord sur l’échange. Mais il n’existe pas de définition au niveau européen et peut-être que d’autres pays européens ont une conception juridique différente du transfert de propriété.

Il est à noter également que la réponse de la Commission concerne « la circulation et le traitement » d’OGM non autorisés, activité qui s’étend plus loin que le simple transport [4]. Ce qui fait écho à une autre discussion, que nous allons détailler, qui a lieu entre l’Espagne et la Commission à propos de coton génétiquement modifié et qui pourrait étendre le champ d’interprétation de l’exemption d’autorisation pour transit extérieur.

Transformation d’OGM non autorisés déjà présents sur le territoire européen

En 2017, des semences de coton génétiquement modifiées ont en effet été détectées en Espagne. Les deux variétés de coton (MON 1445 et MON 531) sont autorisées dans l’Union européenne uniquement comme auxiliaires de production pour « produits obtenus à partir de  » ces deux variétés. Pour les graines de coton, il peut s’agir d’huile de coton par exemple. L’autorisation exclut donc sa mise en culture mais aussi sa présence dans des denrées alimentaires. L’huile de coton peut être à destination alimentaire mais en Europe elle est principalement utilisée dans la production de produits cosmétiques ou dans le tannage des cuirs par exemple.

L’Espagne demandait à la Commission européenne s’il était possible de faire autre chose de ces semences non autorisées trouvées sur son territoire plutôt que de les détruire. Serait-il par exemple possible de rendre les cargaisons conformes à la réglementation en les transformant sur place en produit autorisé [5] comme de l’huile de coton ?

Bien que cela ne soit pas exprimé et n’a pas dû être l’intention de départ du questionnement, cela revient à demander s’il serait possible pratiquement de tordre la procédure européenne d’autorisation des OGM pour pouvoir importer des graines de cotons non autorisées en Europe, les transformer en huile sur place puis les vendre en dehors de l’UE pour rester dans le cas d’un transit extérieur [6]. Ou bien même les vendre au sein de l’Union européenne ?

Les évaluations des risques effectuées durant la procédure d’autorisation d’un OGM ne sont pas les mêmes selon les risques que présentent les différents produits. Dans le cas des deux cotons retrouvés en Espagne dont seuls les produits obtenus à partir de ces deux variétés sont autorisés, les risques environnementaux associés aux risques de dissémination dans l’environnement n’ont pas été évalués car il n’y a pas de parties viables.

L’enjeu serait de pouvoir éviter une évaluation environnementale complète sur les graines d’une variété génétiquement modifiée pour les importer, les transformer et les vendre en Europe grâce à une autorisation de mise sur le marché qui ne touche que des produits dérivés sans évaluation environnementale approfondie (en se contentant d’une évaluation sanitaire et sur la santé).

Une exemption pour transit extérieur qui va plus loin ?

Inf’OGM concluait à l’époque que cette idée d’exemption pour l’importation et la transformation sur le territoire européen semblait peu probable notamment car la notion de mise sur le marché semblait trop restrictive [7]. Cependant, les précisions apportées par la Commission à cette notion dans le cadre des OGM en transit peuvent remettre en cause cet avis. Il suffirait d’une absence de transfert de propriété et des conditions de traitement confiné… ?

La Commission rappelle [8] que quelles que soient les mesures prises pour traiter la situation de la présence illégale d’OGM sur le territoire de l’Union européenne ou des OGM en transit, la conformité avec la législation européenne et les principes du droit de l’UE de cette situation relève entièrement de la responsabilité de l’État membre. En décembre 2018 [9], des graines de colza transgénique GT73, importées semble-t-il d’Argentine, non autorisé à la culture dans l’UE, s’étaient retrouvées mélangées à du colza conventionnel [10]. La Commission a alors rappelé qu’en vertu de la législation européenne, la tolérance est « zéro » pour des semences d’OGM non autorisé.

Ainsi, la gestion autant des situations d’OGM en transit que la possible transformation d’OGM non autorisés sur le territoire européen ainsi que l’interprétation des notions de transfert de propriété et d’utilisation confinée reposent pour le moment sur les États. De même que les risques juridiques et économiques possibles en cas de mauvaise application. À bon entendeur…

[114 septembre 2017, Standing committee on plants, animals, food and feed, Section GM food and feed. M.01

[2La directive 2009/41 contient une définition mais elle est relative à l’utilisation de micro-organismes génétiquement modifiés (MGM). « Utilisation confinée » : toute opération dans laquelle des micro-organismes sont génétiquement modifiés ou dans laquelle des MGM sont cultivés, stockés, transportés, détruits, éliminés ou utilisés de toute autre manière et pour laquelle des mesures de confinement spécifiques sont prises pour limiter le contact de ces micro-organismes avec l’ensemble de la population et l’environnement ainsi que pour assurer à ces derniers un niveau élevé de sécurité ». Une définition semblable peut-être trouvée en négatif dans la directive 2001/18.

[43 décembre 2018, Standing committee on plants, animals, food and feed, Section GM food and feed, A.06

[5Cette question était posée sur le fondement des articles 19 et 20 du règlement européen 882/2004 relatif aux contrôles de conformité à la législation alimentaire européenne. Ces articles disposent qu’en cas de non respect de certaines denrées avec la législation européenne, les autorités compétentes prennent les mesures nécessaires pour faire cesser l’irrégularité. Cela peut notamment prendre la forme d’un traitement spécial visant à mettre les aliments en conformité avec les prescriptions de la législation communautaire.

[6À condition de considérer que l’importateur et le transformateur sont bien le même acteur ou que l’importateur transforme ses graines sans les vendre car dans le cas contraire il y aurait un transfert de propriété sur le territoire européen et une demande d’autorisation de mise sur le marché serait nécessaire.

[811 septembre 2018, Standing committee on plants, animals, food and feed, Section GM food and feed A.06

[93 décembre 2018 Standing committee on plants, animals, food and feed, Section GM food and feed

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