Comités d’experts et transparence
Pour les comités d’experts, la transparence concerne autant les experts eux-mêmes et leurs potentiels conflits d’intérêt que l’accès aux données complètes ou le fonctionnement des comités. Ces dernières années, deux de ces comités ont envisagé des améliorations, mais dont certaines servent plus les intérêts des entreprises que ceux des citoyens.
Le Haut conseil des biotechnologies (HCB) et l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Aesa) donnent leur opinion sur les demandes d’autorisation et autres questions du dossier OGM. Ils disposent tout deux d’une certaine transparence : le HCB publie les comptes-rendus de ses réunions de bureau et de comités, communique au cas par cas les enregistrements de ses séances [1] et l’Aesa publie les dossiers de demande d’autorisation et informe sur l’avancée de sa procédure d’examen.
HCB : rétablir la transparence en interne
2016, la démission d’Yves Bertheau et de sept organisations pour dysfonctionnement a conduit le HCB à rappeler ses règles de fonctionnement. Si, selon le HCB, une grande partie des règles de gouvernance « existent déjà », il était nécessaire de les rappeler pour assurer leur mise en œuvre, notamment par les présidents des comités dont le rôle est décrit comme crucial pour garantir que les débats soient « pluralistes et contradictoires ». Ils doivent veiller à « ce que chacun puisse intervenir, en donnant la parole à ceux qui ne se sont pas exprimés spontanément et en s’assurant de l’équilibre des temps de parole ». Ce rappel se justifie car il a été « souligné par les membres auditionnés [que] le « coût d’entrée » dans les débats des comités peut être élevé. La technicité et le caractère parfois controversé des sujets traités, la dureté de certains débats, les différences d’âge, d’expertise et de statut des membres, la peur d’être étiqueté, […] peuvent conduire certains membres à ressentir des difficultés à questionner ou donner leur avis »…
Or, du respect de ces règles dépend la transparence du HCB envers les citoyens et le gouvernement : une réunion bien animée permet à tous de s’exprimer, donc de produire des avis exhaustifs. Le président et le secrétariat du Comité scientifique doivent donc veiller à ce que « les avis [adoptés] délivrent non seulement des messages clairs mais proposent un état des lieux de la question […] et rendent compte des discussions et controverses qui ont eu lieu en son sein ». Et d’insister sur « l’importance de respecter l’existence de divergences », notamment, en lançant un appel clair à d’éventuelles positions divergentes.
Le HCB à l’épreuve de ses « améliorations »
Alors qu’il publiait son rapport sur le fonctionnement interne, le HCB a été confronté à sa mise en œuvre. Le 7 juillet 2016, le bureau du HCB discutait du retour d’un membre du second groupe de travail sur les nouvelles techniques qui « portait un jugement très négatif sur le dit rapport, considérant, d’une part, qu’une grande partie de ses remarques n’ont pas été intégrées et, d’autre part, qu’il reste de « grosses erreurs » ». Si certains du bureau du HCB – dont le Président du Comité Scientifique (CS) – voulaient diffuser le rapport au CS en annonçant une divergence à venir, le bureau a finalement décidé d’attendre !
Transparence : un outil de lobby à l’Aesa
Après une année de discussion avec les ONG et entreprises qui suivent son travail, l’Aesa organisait fin 2013 un colloque sur sa politique de transparence. L’occasion pour les organisations de la société civile – dont Inf’OGM – de demander à l’Aesa de rendre systématiquement accessible l’intégralité des données qu’elle utilise pour évaluer un dossier, sans restriction et dans un format qui permette de les analyser facilement. En effet, dans le cas d’analyses scientifiques, il est différent d’envoyer un fichier informatique PDF qui impose de retaper des milliers données ou d’envoyer ces mêmes données directement utilisables. Les entreprises demandaient de leur côté que toute publication se fasse dans le respect des « informations commerciales confidentielles » et surtout, que l’Aesa ouvre à des observateurs les réunions physiques de ses comités d’experts.
Aujourd’hui, les entreprises ont gagné. L’Aesa envoie, sur demande, les données complètes dans des formats non exploitables [2] et a ouvert ses réunions plénières. La société civile avait pourtant prévenu que seuls les acteurs ayant les moyens financiers pourront effectivement en bénéficier. Mais… De fait, sous couvert de transparence, l’Aesa permet aujourd’hui aux entreprises de suivre les débats internes et d’influer dessus en identifiant les potentiels points de blocage… Alors que la société civile, qui n’a pas les mêmes moyens, attend toujours de pouvoir avoir accès aux données complètes sans avoir à tout ressaisir…
[1] , « France : une information sur les OGM incomplète », Inf’OGM, 18 octobre 2017
[2] , « Le glyphosate, exemple type d’un manque de transparence », Inf’OGM, 18 octobre 2017