Préparation Naturelles : les lobbys préoccupés ! …
Si de nombreux produits chimiques phytosanitaires sont homologués en France, au grand profit de leurs fabricants, il est moins aisé d’homologuer des produits naturels pourtant qualifiés de… peu préoccupants ! Dans cet entretien, Jean François Lyphout, président d’Aspro-PNPP, nous en explique les raisons.
Inf’OGM – Pourquoi a été créé l’Aspro-PNPP et quels sont les combats que vous menez ?
Jean-François Lyphout – Un collectif « Ortie et Compagnie » a été créé suite à un contrôle chez Éric Petiot, paysagiste et formateur dans le Jura, de la part du Service régional de la protection des végétaux de Lyon (SRPV), sorte de police de l’Agriculture. Ce contrôle, fin août 2006, s’est appuyé sur la Loi d’Orientation Agricole (LOA) du 6 janvier 2006, qui venait donc juste d’être votée, qui interdit la mise sur le marché, l’utilisation et la détention de produits phytosanitaires non homologués ainsi que la simple recommandation de ces mêmes produits. Éric Petiot utilisait des extraits de plantes pour soigner les arbres. Il faisait aussi des formations pour fabriquer soi-même les purins. Cela a été le premier épisode de « la guerre de l’Ortie ».
Ce collectif est devenu Aspro-PNPP (ASsociation pour la PROmotion des Préparations Naturelles Peu Préoccupantes – PNPP) qui regroupe des individus, des associations, des entreprises et des collectivités locales. Ses principaux objectifs sont : œuvrer pour une libre circulation des savoirs populaires et des recettes de produits traditionnels et naturels en agriculture, jardinage et tous usages domestiques et publics ; apporter son soutien à tout acteur (fabricant, diffuseur, utilisateur professionnel ou amateur, promoteur – auteur, journaliste – etc.) qui pourrait faire l’objet de tracas administratifs liés à une interprétation abusive et répressive de la LOA et maintenant de la Loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (LAAF) ; et faire reconnaître les PNPP dans la loi.
Actuellement, il y a une dizaine de producteurs de purins qui commercialisent ces produits, auprès de particuliers, de professionnels ou même de boutiques. Ceci dit, beaucoup de paysans et de jardiniers les font eux-mêmes.
Préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP) : définition
Ce terme désigne les préparations à base de composants naturels comme la prêle, l’ortie, la fougère, l’argile, le vinaigre blanc ou le petit lait. Utilisées pour renforcer les plantes, ces préparations prennent la forme d’extrait fermenté, de décoction, d’infusion ou de macération. Le purin d’ortie en est devenu l’emblème.
BastaMag, http://www.bastamag.net/Quand-le-lobby-des-pesticides
Pourquoi les PNPP ne sont pas des pesticides comme les autres ?
J.-F. L. – Si les dispositions de la LOA de 2006 puis de la LAAF de 2014 sont pertinentes pour les pesticides de synthèse, elles ne doivent pas s’appliquer en l’état pour les produits naturels, que ce soit dans le cadre de leur commercialisation ou de leur fabrication pour son usage personnel. En effet, la plupart de ces produits sont connus de longue date : la bibliographie mentionne ce type de préparation comme remontant au Moyen Âge. Et ces produits sont le fruit du savoir-faire paysan et jardinier qui n’ont jamais montré d’effet nocif pour l’homme et son environnement. L’Aspro-PNPP a donc proposé une liste de plus de 800 plantes utilisées en médecine et ne présentant aucun danger.
Nous avons demandé que la liste allemande qui comprend plus de 300 références dans cette même catégorie de biostimulants soit validée de facto en France.
Classer ces produits en phytosanitaire conduit à des procédures longues (plusieurs années pour obtenir l’homologation), coûteuses (40 000 euros en moyenne pour le dépôt d’un dossier) et inadaptées. Cela permet en réalité de sortir ces produits du domaine public du marché car ils sont symboles d’autonomie et ne génèrent que peu de PIB.
Certains affirment que les vertus des PNPP ne sont pas démontrées. Qu’en est-il ?
J.-F. L. – Nous sommes dans une période qui voudrait que la science explique tout, ce qui conduit dans notre cas à un autisme de la part de beaucoup de scientifiques. On ne peut pas expliquer, alors ça n’existe pas ou ça n’est pas crédible. La limite de la science sur la compréhension du vivant renvoie parfois nos scientifiques dans le déni. Nous ne sommes pas dans la croyance, il suffit seulement parfois de constater y compris de visu même si l’on ne peut et on ne pourra certainement jamais comprendre toutes les interactions du monde du vivant.
Trop de décalage entre le terrain et les « gens qui savent » mais sur lesquels les lobbies et les politiques s’appuient pour faire passer leurs lois pro-business.
Quels sont les principales avancées juridiques ?
J.-F. L. – La LAAF d’octobre 2014 reconnaît les PNPP et les classe en « biostimulants » : « Une préparation naturelle peu préoccupante est composée exclusivement :
soit de substances de base – notion définie au niveau européenne comme une « substance active a) qui n’est pas une substance préoccupante ; b) qui n’est pas intrinsèquement capable de provoquer des effets perturbateurs sur le système endocrinien, des effets neurotoxiques ou des effets immunotoxiques ; c) dont la destination principale n’est pas d’être utilisée à des fins phytosanitaires, mais qui est néanmoins utile dans la protection phytosanitaire, soit directement, soit dans un produit constitué par la substance et un simple diluant ; et d) qui n’est pas mise sur le marché en tant que produit phytopharmaceutique ;
soit de substances naturelles à usage biostimulant ». La loi précise qu’une PNPP « est obtenue par un procédé accessible à tout utilisateur final », c’est-à-dire « non traitée ou traitée uniquement par des moyens manuels, mécaniques ou gravitationnels, par dissolution dans l’eau, par flottation, par extraction par l’eau, par distillation à la vapeur ou par chauffage uniquement pour éliminer l’eau ».
Cela a comme conséquence directe que ces PNPP ne seront plus soumises aux mêmes règles que les substances chimiques de synthèse.
Cette loi permet aux recettes du domaine public accessibles à tous de continuer à exister. Elle permet ainsi la transmission des savoirs et des pratiques.
Mais le texte prévoit que les substances naturelles à usage biostimulant doivent, pour être autorisées, être inscrites sur une liste publiée par arrêté du ministre de l’Agriculture. Il précise les conditions d’inscription sur cette liste et les modalités de modification ou de retrait de ladite liste. Il prévoit également des dispositions relatives à la publicité des préparations naturelles peu préoccupantes composées exclusivement de substances naturelles à usage biostimulant. Tant qu’aucune liste n’avait été établie, la loi n’était qu’un vœu pieu…
Finalement un décret, publié en avril 2016 (n°2016-532), établit une liste de 140 plantes qui peuvent être utilisées. Mais cette liste est très loin de couvrir les usages sur le terrain, elle est trop limitée. Elle relève plus de l’effet d’annonce. Elle révèle aussi la volonté du ministère de l’Agriculture de continuer à bloquer ce type d’alternatives aux pesticides.
L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) est chargée de compléter cette liste. Mais le dossier n’avance pas alors que nous sommes dans un domaine « peu préoccupant »… De là à voir la pression des lobbies de l’agrochimie, il n’y a qu’un tout petit pas… à franchir.
Quels sont les dossiers chauds en ce moment ?
J.-F. L. – Aspro participe, avec la Confédération Paysanne, Nature et progrès, Les Amis de la Terre et le Syndicat des Simples, accompagnée par le Sénateur Joël Labbé, à une commission à l’Anses pour faire avancer le dossier PNPP. Vus la lourdeur et le manque de volonté évidente de l’Anses pour une ouverture rapide, il est clair que l’Aspro a encore du travail en perspective.
Aspro aimerait développer une collecte des savoirs ouverte à tout le monde mais ses moyens sont très limités.
Nos voisins étrangers sont-ils plus avancés sur l’utilisation des PNPP ?
J.-F. L. – Visiblement et suite à une enquête menée en Allemagne, en Autriche et en Espagne par Sophie Chapelle pour Aspro avec le soutien de la Région Poitou-Charentes, il n’y a qu’en France que le problème s’est posé. La France est le plus gros utilisateur des pesticides en Europe, ceci explique peut-être cela. Le ministère de l’Agriculture a toujours rejeté sa responsabilité de bloquer ces alternatives en invoquant le règlement européen. Notre étude a prouvé le contraire et c’est ce qui a permis à l’amendement PNPP d’être inscrit dans la LAAF.