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Printemps de l’OEB : une floraison de nombreux brevets
L’année dernière, l’Office européen des brevets (OEB) avait marqué un temps d’arrêt dans l’attribution de brevets sur les plantes issues de procédés de sélection conventionnelle. Il attendait que la Grande chambre de recours, la principale juridiction de l’OEB, rende une décision concernant un cas de contestation d’un brevet sur une tomate ridée (G2/12) [1]. Bien que la décision n’ait toujours pas été rendue, l’OEB a décidé, en 2013, de changer de stratégie en annonçant qu’une douzaine de brevets sur des plantes (brocoli, oignon, melon, laitue, piment, concombre) issues de procédés de sélection conventionnelle sera prochainement accordée.
Le débat n’est pas récent. Fin 2010, une décision de la Grande chambre de recours sur le brocoli (G2/07), énonçait que les procédés de sélection des plantes sont considérés comme non brevetables parce qu‘ils sont « essentiellement biologiques » [2]. Néanmoins, les plantes, les semences et les fruits issus de ces procédés de sélection étaient brevetables, et considérés comme des inventions. Ainsi, concrètement, le brocoli (plantes, fruits) dont le procédé d’obtention n’avait pas pu être breveté est, lui, breveté en tant qu’invention. Mais la situation n’est limpide pour personne et cela risque d’être rediscuté prochainement avec l’affaire de la tomate ridée toujours en cours, qui devrait enfin apporter une réponse et avoir une influence sur le cas du brocoli.
Pendant ce temps là, on assiste à un coup de force des entreprises demandeuses de brevets. Début mai, un brevet sur des piments sélectionnés via des méthodes de sélection traditionnelle [3] devrait être validé en faveur de l’entreprise suisse Syngenta. La revendication, c’est-à-dire l’étendue du brevet, porte sur les plantes, les fruits, mais inclut aussi les méthodes de production des piments et leurs semences : la culture du piment, sa récolte, la manière d’extraire les semences des dits fruits (piments). Les revendications vont très loin !
Cette recrudescence de brevets vient confirmer la volonté des entreprises détentrices de brevets, suivies par l’OEB, de vider de son sens l’interdiction légale existante de dépôt de brevets sur les variétés végétales, les races animales et sur les procédés de sélection conventionnelle.
Cette nouvelle stratégie résulte vraisemblablement des positions du président de l’OEB, Benoît Battistelli, visiblement très en faveur des entreprises multinationales. Il a en effet annoncé publiquement son soutien à de tels brevets, en dépit des intérêts de la majorité des sélectionneurs de variétés végétales européens, des organisations paysannes européennes et de nombreuses autres organisations actives dans la protection de l‘environnement et les intérêts des consommateurs.
L’OEB se considère de plus en plus comme une entreprise, avec des clients, des profits… à tel point qu’après avoir engrangé d’importants bénéfices (émanant des dépôts de brevets) en fin d’année dernière, il a été proposé aux salariés de l’OEB de recevoir un bonus. Conséquences : ceux qui délivrent les brevets ont désormais un intérêt financier à en accorder un maximum. Ceci ne risque donc pas d’aller dans le sens de la société civile réclamant une limitation de leur nombre.
[1] , « EUROPE – Deux brevets, sur le brocoli et la tomate ridée, en voie d’être annulés », Inf’OGM, 11 décembre 2010
[2] ,
, « Contestation d’un brevet sur le brocoli : un frein dans la course à la privatisation du vivant ? », Inf’OGM, 25 mai 2011
[3] EP2140023