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VATICAN – L’Académie pontificale croit que les OGM sont une solution à la faim dans le monde… mais pas le Pape ?
Le 2 décembre 2010, une dépêche publiée sur le site Zénith annonçait que « le Saint-Siège ne s’est pas prononcé sur les organismes génétiquement modifiés (OGM) – ni donc en leur faveur – lors d’une session organisée par l’Académie pontificale des Sciences de 2009 ». Le dossier OGM est décidément bien compliqué pour le Vatican qui oscille entre des déclarations extrêmement favorables aux OGM (cf. ci-dessous) et des appels à la précaution. Le communiqué du Vatican reconnaît que la semaine organisée par l’Académie pontificale en mai 2009 avait conclu « pour faire bref, que les OGM n’étaient pas intrinsèquement dangereux », mais « le Saint-Siège prend ses distances par rapport aux conclusions de ces experts ». Le porte-parole du Vatican [1] insiste : cette déclaration « ne doit pas être considérée comme une déclaration de l’Académie pontificale des Sciences, parce que l’Académie, qui compte 80 membres, n’a pas été en tant que telle consultée sur cette déclaration, et une telle consultation n’est pas non plus à son agenda ». Elle ne peut pas non plus être considérée comme « une position officielle du Saint-Siège ou du magistère de l’Eglise ».
Cette précision a été envoyée après la diffusion des conclusions de la semaine organisée par l’Académie pontificale qui d’après les services de presse du Vatican est considérée comme « totalement autonome ». Il aurait sans doute été plus prudent de la part du Vatican de prendre ses distances avant… D’autant qu’il semble difficile à croire que le Vatican ignorait ces divergences.
Alors que la nomination du Cardinal Peter Turkson, à la tête du Conseil Pontifical pour la Justice et la Paix, en remplacement du Cardinal Renato Martino, fervent défenseur des OGM, nous avait fait écrire que la position du Vatican sur les OGM tendait vers plus de « précaution » [2], un « nouveau » rapport de l’Académie pontificale, publié dans la revue New Biotechnology [3] remet en avant les arguments classiques en faveur des OGM, notamment leur contribution dans la lutte contre la faim dans le monde. L’annonce de ce « nouveau » rapport a été repris immédiatement et par de très nombreux media, au niveau international, sans en préciser le contexte….
Car ce rapport n’est pas si nouveau : il est la mise en forme d’une semaine d’étude organisée par l’Académie pontificale en 2009 [4], semaine qui réunissait les plus grand VRP de la cause des OGM, comme l’inventeur du riz doré, Ingo Potrykus ou Klaus Ammann [5]. Ces deux derniers ambassadeurs de la cause transgénique ont d’ailleurs signé le communiqué de presse, intitulé « Les plantes transgéniques pour la sécurité alimentaire dans le contexte du développement » [6] de l’Académie pontificale, envoyé le 30 novembre 2010.
Concrètement, pour l’Académie pontificale, « il n’y a pas de risque intrinsèque à l’utilisation des technologies d’ingénierie génétique pour l’amélioration des plantes cultivées, qui rendrait les plantes elles-mêmes, ou les produits alimentaires en résultant, peu sûrs » et « l’amélioration génétique des plantes alimentaires et ornementales représente un long et ininterrompu continuum de techniques progressivement plus précises et dont les effets sont prévisibles ». On retrouve la doxa pro-OGM classique : les OGM ne sont pas porteurs de risques car la technologie du génie génétique n’est pas nouvelle… ; ça, c’est l’argument qui rassure. Mais d’un autre côté, l’argument économico-scientifique est aussi mis en avant : il s’agit bien d’une nouveauté puisqu’elle est brevetable ! On connaissait ce grand écart de la part des industriels : ce suivisme papal doit-il finalement nous surprendre ?
Sur la question de la faim dans le monde, les propos sont là encore sans ambigüités. L’Académie pontificale demande qu’« un effort spécial [soit fait] pour fournir aux pauvres cultivateurs des pays en développement des variétés de plantes génétiquement améliorées adaptées à leurs conditions locales ». Plus loin, elle précise que « la recherche pour développer de telles plantes cultivées devrait prêter une attention particulière aux besoins locaux et aux variétés locales ainsi qu’à la capacité de chaque pays à adapter ses traditions, son héritage social et ses pratiques administratives pour la réussite de l’introduction de ces plantes génétiquement modifiées ».
Enfin, on aurait pu croire que sur le domaine éthique de la propriété intellectuelle, le Vatican défende une vision « généreuse » et refuse la privatisation de la Création divine… Là encore, le texte défend, certes de façon alambiquée, les positions des promoteurs des OGM : « Nous sommes conscients que les meilleures pratiques du secteur commercial ont fourni une contribution significative aux objectifs de l’élimination de la pauvreté et de l’insécurité alimentaire. Toutefois, en ligne avec l’enseignement social de l’Église, qui considère comme droit primaire la destination universelle des biens de la Terre à toute l’humanité, nous exhortons les acteurs privés et publics à reconnaître que la légitime réclamation de leurs droits de propriété devrait, autant que possible, être subordonnée, souvent au-delà des normes existantes de la société civile, à cette destination universelle et ne pas permettre l’enrichissement injuste ou l’exploitation des pauvres et des vulnérables ».
[3] Volume 27, Issue 5, 30 novembre 2010
[5] Dans un entretien avec le journal La Recherche, il a déclaré : « C’est vrai, les agences et l’industrie sont très proches. Il existe une certaine osmose. Mais les règles déontologiques sont fortes. Les détracteurs des très grandes entreprises ne veulent pas voir, aussi, que les compagnies emploient des scientifiques impeccables, qui connaissent leur boulot : ce n’est pas dramatique si des échanges ont lieu. L’essentiel, c’est la qualité de la littérature scientifique publiée. Or elle est bonne ». Entretien à lire sur http://www.larecherche.fr/content/r…