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UNION EUROPEENNE – Monsanto renonce à la culture des plantes transgéniques, pas aux OGM

Par Eric MEUNIER

Publié le 22/07/2013

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Monsanto retire de l’Union européenne (UE) toutes ses demandes d’autorisation pour la mise en culture d’OGM, à l’exception de celle de renouvellement en cours pour le maïs MON810. Selon José Manuel Madero, président et directeur général de Monsanto pour l’Europe, « les [demandes d’] homologations [seront retirées] dans les mois qui viennent » [1]. Face au développement des nouvelles techniques de biotechnologie, dont les plantes mutées pour lesquelles l’entreprise accuse un certain retard par rapport à ses concurrents comme BASF, Monsanto change donc de stratégie.

Il convient en premier lieu d’établir quels dossiers sont concernés par cette annonce. Interrogée par Inf’OGM pour confirmer le nombre et la liste des plantes génétiquement modifiées (PGM) concernées, l’entreprise Monsanto nous a renvoyés vers l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA). Selon son site, l’annonce de Monsanto concerne six maïs, un soja et une betterave [2]. Seule demande maintenue par Monsanto : celle du renouvellement de l’autorisation du MON810 à la culture.

Il faut noter qu’Inf’OGM liste également trois autres dossiers, deux dossiers pour du coton et un pour une autre betterave [3], dossiers déposés avant 2000 et qui ont pu être retirés sans que l’information ne soit publiée sur les différents sites de référence, notamment de l’Union européenne. Quinze demandes d’autorisation à la culture restent donc en cours dans l’Union européennes [4]. Elles émanent de Bayer CropScience, Pioneer Hi-Bred, Mycogen, Syngenta et Dow AgroScience. Monsanto a aussi encore 25 PGM pour lesquelles une autorisation d’importation est demandée, pour du maïs, du colza, du coton, de la betterave et du soja [5]. Ces demandes pour l’importation seront bien sûr maintenues afin que la production transgénique étasunienne puisse s’écouler dans l’UE.

Les autorisations à l’importation ont d’ailleurs été l’objet d’une attention particulière en Europe puisque début 2013, la Commission européenne a obtenu des États membres de pouvoir accélérer les procédures d’autorisation. Pour cela, elle a fait adopter, le 25 février 2013, le règlement sur l’évaluation des risques sanitaires des OGM. Confirmant le lien entre l’adoption de ce règlement et l’accélération des autorisations, la Commission a présenté en juin aux États membres deux propositions d’autorisation pour dix plantes transgéniques [6]

Monsanto a précisé à Inf’OGM maintenir sa demande de renouvellement de l’autorisation pour la culture du maïs MON810 car « ce produit est un succès commercial, bien accepté par les agriculteurs le cultivant ». A vrai dire, le maïs MON810 est aujourd’hui un dossier plus symbolique qu’un succès commercial. Car cette PGM est la seule autorisée à la culture dans l’Union européenne, avec la pomme de terre Amflora de BASF (qui n’est plus commercialisée). Mais si elle est autorisée au niveau européen, la culture du maïs MON810 est de fait interdite dans neuf États membres suite à des décisions nationales : Allemagne, Luxembourg, Autriche, Hongrie, France, Grèce, Italie, Bulgarie, Pologne. Dans les champs européens, le maïs MON810 est donc très peu cultivé, et principalement dans seulement deux pays, l’Espagne et le Portugal. Peut-on vraiment parler de « succès commercial » ?

Mais une raison technique plus probable de ce maintien de la demande de renouvellement du maïs MON810 est que l’autorisation pour la mise en culture, donnée initialement en 1998, reste toujours valable tant que l’Union européenne n’a pas statué sur la demande de renouvellement. Retirer ce dossier aurait donc signifié pour Monsanto de perdre l’autorisation de mise en culture existante !

Un dernier point sur les conséquences de cette décision dont on suivra de près la mise en œuvre, est celui sur les essais en champs. Depuis 2008, Monsanto a disposé de 74 dossiers d’essais en champs. Tous, à l’exception d’un, concernent des maïs pour lesquels Monsanto demandait une autorisation de mise en culture. Les essais en champs ayant pour objectifs de récolter des données pour constituer un dossier de demande d’autorisation ou de tester des variétés en vue d’une inscription au catalogue, ils n’ont dès lors plus d’intérêt. Sur ce point, Monsanto a d’ailleurs précisé à Inf’OGM que « notre intention est d’abandonner tout ce qui a un lien avec la culture [des OGM] en Europe ». Et d’ajouter que certains des permis pour des essais en champs sont déjà « inactifs et / ou n’ont jamais été formalisés ».

Cette annonce de Monsanto fait écho à l’évolution générale du dossier OGM qui, pour l’instant, voit les entreprises obtenir de l’Union européenne une accélération des procédures d’autorisation pour l’importation et l’alimentation. La contre-partie qui apparaît aujourd’hui est que l’Union européenne ne sera pas le lieu de culture des plantes transgéniques, répondant ainsi aux points d’oppositions de plusieurs gouvernements qui se sont focalisés sur la culture tout en laissant ouvert le marché d’importation.

Il faut également retenir que, si les entreprises comme Monsanto se sont souvent plaintes de l’instabilité politique du dossier OGM en Europe, l’autre raison principale d’un retrait comme celui de Monsanto, ou de BASF avant elle, nous semble être ailleurs. Depuis plusieurs années, les biotechnologies ont opéré un virage technique avec l’apparition des « nouvelles techniques de biotechnologie ». Ces nouvelles techniques [7] font de la transgenèse une technique obsolète. Surtout, ces techniques offrent des perspectives sans comparaison pour les entreprises : certaines pourraient leur permettre d’échapper à la législation sur les OGM [8] ! Les plantes mutées permettant de tolérer des herbicides en sont un exemple concret. Bien que reconnues comme étant des OGM, ces plantes échappent à la législation. Ainsi, pas d’autorisation spécifique à obtenir pour les commercialiser et pas d’étiquetage ! Autant d’atout pour les semenciers qui n’ont jamais réussi à convaincre les citoyens des bienfaits des plantes transgéniques.
Dans le domaine des variétés mutées tolérantes aux herbicides, Monsanto apparaît en retard par rapport à d’autres comme BASF ou Pioneer, qui commercialisent déjà en France des colzas et tournesols mutés tolérant des herbicides. Un retard qu’elle pourrait essayer de combler rapidement en signant des accords de licence comme ce fut le cas en 2012 avec la fondation Two Blades pour avoir le droit d’utiliser des protéines de la classe TALEN permettant de modifier le génome d’une plante sans passer par la transgenèse [9]. Ou en optant pour des joint-ventures ou des rachats [10]… A moins que, comme l’insinue Corinne Lepage [11] « Monsanto [ne] compte [à terme] sur le futur accord de libre échange pour imposer les OGM en Europe en faisant “sauter” le système d’autorisation européen » ?

[1« Monsanto renonce à faire homologuer des cultures », Reuters, 17 juillet 2013

[2Maïs MON89034, Maïs MON88017, Maïs NK603, Maïs NK603*MON810, Maïs MON89034*MON88017, Maïs MON89034*NK603, Betterave sucrière H7-1, Soja GTS 40-3-2

[3Betterave A5/15, Coton 1445, Coton MON531

[4Coton GHB614, Maïs 59122, Maïs TC1507, Maïs Ga21, Maïs Bt11*Mir604*Ga21, Maïs Bt11, Coton 1445, Coton MON531, Maïs Mir604, Maïs 1507*59122, Maïs 59122*NK603*1507, Maïs 1507*NK603, Colza Falcon GS40/90, Colza liberator pHoe6/Ac, Betterave A5/15

[7Mutagenèse dirigée, Nucléase à doigt de zinc, cisgenèse, méthylation de l’ADN, greffe, amélioration inverse, agroinfiltration, biologie de synthèse

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