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UE – Remise en cause de la tolérance zéro : le lobby pro-contamination en action

Par Eric MEUNIER

Publié le 30/09/2009, modifié le 27/02/2025

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Deux nouveaux faits pourraient convaincre l’Union européenne d’abandonner sa politique de tolérance zéro sur les PGM non encore autorisées dans l’UE mais présentes à de faibles quantités dans les importations. Il s’agit d’un cas de contamination et d’un dossier de l’Association Nationale des Industries Alimentaires (ANIA) circulant dans les ministères des Etats membres.
Deux maïs transgéniques, les Mon88017 et Mir604, non autorisés commercialement dans l’Union européenne, ont été retrouvés fin juin 2009 en Espagne, dans le port de Tarragona, dans des importations de soja en provenance des Etats-Unis [1]. Les détails de la contamination (quantité de PGM, volume des importations…) ne sont pas encore connus. Les importateurs européens ont donc arrêté ces importations. Selon Mattias Wundholm, porte-parole de l’Union européenne aux Etats-Unis, « les industries ont décidé d’elles-mêmes d’arrêter toute importation de soja états-unien à partir de maintenant ». Une occasion de remise en cause de la politique de tolérance zéro, déjà actuellement sous pression [2] que certains ne ratent pas, à l’image de l’Association espagnole des importateurs de céréales et de produits qui déclare : « Le principal problème est que la législation européenne ne permet pas la présence de quantités marginales de traces de PGM non autorisées par l’Union européenne ».
Une contamination similaire a été détectée en Allemagne, dans des produits alimentaires pour chiens. Selon le Système d’Alerte Rapide pour l’Alimentation humaine et animale [3], cette découverte a été faite lors de contrôles aux frontières. Les produits ont été consignés et la contamination notifiée à l’Union européenne le 25 juin 2009. Selon RASFF, certains produits auraient malgré tout été distribués sur le marché, produits non traçables puisqu’aucun protocole de détection n’est disponible dans l’UE pour ces évènements transgéniques non autorisés ! Notons que la contamination en Espagne n’a pas encore été recensée par le système RASFF, aucune information n’étant disponible sur son site internet.
Avec 475 900 tonnes de soja importées des Etats-Unis en 2008, l’Union européenne est au 4ème rang des importateurs de soja mondial.

Le lobby agroalimentaire entre en action

Par ailleurs, un rapport non signé, daté du 15 juillet 2009, intitulé « Le dossier de la chaîne alimentaire humaine et animale au vue de la présence d’évènements GM non encore autorisés dans l’Union européenne dans les produits d’importations, notamment soja et graines de soja » (Association Nationale des Industries Alimentaires, ANIA) [4] circule actuellement. Selon le Bureau des producteurs alimentaires néerlandais (PDV) contacté par Inf’OGM, ce dossier a été rédigé et adressé aux représentants nationaux d’industries agroalimentaires par la Confédération des Industries Agro-alimentaires de l’UE (CIAA), la Fédération européenne des aliments composés (FEFAC) et le Comité du Commerce des céréales, aliments du bétail, oléagineux, huile d’olive, huiles, graisses et agrofournitures (Coceral). Son objectif est d’être une synthèse des données faisant l’état des lieux du marché européen actuel et les implications économiques du fait de cette tolérance zéro. Les organisations nationales de producteurs alimentaires ont reçu ce dossier de la CIAA, FEFAC et du Coceral, accompagné d’une demande de l’adresser aux Ministères nationaux concernés « pour les sensibiliser à cette problématique et leur demander de mettre le débat sur la table de la Commission européenne », ce que PDV a donc fait. En France, l’ANIA, contactée par Inf’OGM, n’a pas souhaité répondre à nos questions.

Sans importations de PGM, point de salut pour l’UE ?

Avec comme exemple le rejet aux frontières européennes des importations de soja en provenance des Etats-Unis comme ce fut donc le cas en Espagne en juin, le dossier indique en premier lieu qu’à l’international, aucune source de soja supplémentaire non GM n’existe en Amérique du sud, les cultures 2009 ayant diminué de 19 millions de tonnes. Par ailleurs, les réserves disponibles dans l’UE ne seraient pas suffisantes pour répondre aux demandes européennes. D’ici début 2010, l’approvisionnement aux Etats-Unis et au Canada serait donc impératif pour satisfaire cette demande européenne (on constate d’ailleurs une augmentation des surfaces de soja non GM aux Etats-Unis en 2009, [5]. Enfin, d’ici mars 2010, l’UE aura besoin de 7,5 millions de tonnes de soja des Etats-Unis. En résumé, l’Union européenne n’aurait pas le choix : il lui faudrait importer du soja états-unien, même contaminé par des événements non autorisés, pour satisfaire ses besoins d’ici mars 2010… Le document n’aborde cependant pas la question des importations chinoises augmentant actuellement et réduisant donc également les ressources disponibles de soja. Et enfin, soulignons que les pistes de réduction de la consommation européenne de protéines animales et/ou d’augmentation de la production de protéine sur le sol européen, ne sont pas du tout abordées.
Suivent les impacts économiques d’un possible manque de soja en Europe cet hiver. Au niveau économique, la suspension des importations de soja des Etats-Unis d’ici mars 2010 coûterait à la filière européenne entre 3,5 et 5 milliards d’euros, en mise en place de solutions alternatives.

Selon le PDV, une lettre d’accompagnement de ce dossier, qui recontextualise la tolérance zéro comme problématique, est plus explicite que le dossier lui-même puisqu’elle précise la demande portée par les industriels aux ministres nationaux. Et cette demande est la définition d’un seuil de tolérance réaliste des PGM non autorisées et qui serait appliqué au cas précis de contamination par des PGM non autorisées dans l’UE mais qui ont déjà reçu un avis favorable de l’AESA, dont la méthode de détection a été validée par le Centre commun de recherche (JRC) et qui sont déjà autorisées dans un pays tiers au système d’évaluation « équivalent » à celui de l’UE.
Si aucune proposition de seuil n’est faite dans la lettre, le PDV a précisé à Inf’OGM qu’il pourrait être le seuil de quantification, c’est à dire 0,1%.

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