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UE – OGM : Nouvel avis de l’AESA pour protéger des insectes non cibles du maïs TC1507
Le 18 octobre 2012, l’Agence européenne de sécurité des aliments (AESA) rendait un avis complémentaire [1] à son précédent avis d’octobre 2011 sur la demande de mise en culture commerciale du maïs TC1507, mis au point par Pioneer Hi-Bred et Mycogen et génétiquement modifié pour produire un insecticide contre, notamment, la pyrale. La Commission européenne avait en effet demandé aux experts de l’AESA de préciser les règles de mise en culture à adopter pour limiter la mortalité possible d’insectes non cibles exposés au pollen de maïs TC1507.
L’AESA avait rendu un premier avis favorable le 19 janvier 2005, suite au dépôt par Pioneer et Mycogen d’un dossier de demande d’autorisation à la culture en 2001. Ce premier avis était confirmé par un second avis le 29 janvier 2008, qui concluait que onze nouvelles publications scientifiques ne remettaient pas en cause le précédent avis favorable. En 2011, suite notamment à l’interpellation de certains États membres, l’AESA publiait un troisième avis qui proposait des mesures de réduction des risques pour les insectes non cibles. Mais la Commission européenne demandait en septembre 2011 à l’AESA de préciser cet avis afin de mieux « prendre en considération la diversité des systèmes agricoles au sein de l’Union européenne » [2].
Dans l’UE, chaque État membre doit adopter des règles de coexistence pour « gérer » la culture de plantes génétiquement modifiées (PGM). Ces règles visent à protéger les productions agricoles non transgéniques de toute contamination par les cultures transgéniques, que ce soit au champ ou dans les chaînes de transformation. Dans le dossier du maïs Bt TC1507, l’AESA préconise des règles de mise en culture complémentaires – qui ne sont pas des règles de coexistence -, visant à protéger les larves d’insectes non ciblés par les protéines insecticides que certaines PGM produisent. Ces préconisations visent à limiter les impacts possibles du maïs GM, impacts théoriquement détectés par un plan de surveillance post-commercialisation.
Si le maïs TC1507 est modifié pour tuer la pyrale du maïs, d’autres insectes comme les lépidoptères peuvent également être « victimes » de la protéine insecticide produite par la PGM, la protéine Cry1F en l’occurrence. Les larves de ces lépidoptères non cibles peuvent en effet être exposées à cette protéine lorsque du pollen de maïs TC1507 se dépose sur les plantes où pondent les lépidoptères et où se développent leurs larves (maïs ou colza par exemple). Les experts de l’AESA préconisent donc que les cultures de maïs TC1507 soient organisées pour prendre en compte ce problème, selon la sensibilité (de légère à extrême) des larves à la toxine. Les agriculteurs devront installer des lignes de maïs non Bt réparties au pourtour du champ cultivé avec du maïs TC1507 et non un bloc de maïs non Bt semé n’importe où dans le champ. En cas de présence d’habitats protégés, comme les zones Natura 2000, contenant des larves d’insectes non cibles, c’est la zone protégée elle-même qui devra être isolée des cultures en établissant une distance d’isolation de trente mètres entre cette zone et les cultures GM. Enfin, Pioneer et Mycogen devront mieux prendre en compte la présence locale d’insectes non cibles, et donc de leurs larves, dans les plans de surveillances post-commercialisation.
Si ces demandes établissent donc que les insectes non cibles peuvent être « victimes » des PGM insecticides (après des années d’argumentation par les pro-OGM que les PGM ne posent pas ce type de problème), une précision doit être apportée quant au « modèle mathématique » utilisé par l’AESA pour gérer ces impacts. Établi en 2010 par Joe Perry [3], il vise à compiler les différents facteurs impliqués dans l’exposition d’organismes non cibles en considérant des scénarios extrêmes pour chacun : dispersion de pollen chez le maïs, sensibilité des espèces à la toxine, facteurs affectant les populations à grande échelle (densité de cultures, proportion de maïs, adoption d’OGM) et présence ou non de plantes-hôtes dans les parcelles de maïs. Ce modèle, mis au point par Joe Perry, membre du groupe d’experts OGM de l’AESA, est le seul qui existe aujourd’hui.
Dans sa conclusion, l’AESA prend bien soin de rappeler que de telles règles de mises en culture relèvent des autorités nationales en tant que gestionnaires du risque. Car, même si un risque est établi et quantifié, que signifie pour la société d’accepter que 0,5%, 10%, 80%… des larves d’insectes non cibles soient affectées par une culture de plantes GM ? Ce cas illustre bien que la réponse d’experts scientifiques sur l’existence d’un risque ne préjuge pas de la réponse d’acceptabilité de ce risque. Et cette question d’acceptabilité relève effectivement de la société et non des seuls experts scientifiques. Ce sera donc aux autorités nationales de répondre à l’acceptabilité de ce risque pour les insectes non cibles et d’établir en conséquence les conditions de mise en culture – si le maïs TC1507 devait être autorisé – pour réduire le risque d’exposition des larves non cibles aux protéines insecticides. Encore un dossier à gérer pour les gouvernements, notamment les ministères de l’agriculture et de l’environnement en France. Le temps passé à gérer les effets des OGM mériterait sans doute d’être inclus dans les coûts totaux de l’introduction de cette technologie…