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UE – Le médiateur considère que l’AESA n’a pas pris en compte les « portes tournantes »
Le 23 mai 2013, le médiateur européen (Ombudsman), P. Nikiforos Diamandouros, a rendu sa décision [1] concernant la plainte déposée par TestBiotech [2] (qui était accompagné par CEO et Greenpeace) contre l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA). Pour lui, l’AESA a omis de prendre les mesures adéquates pour prévenir les conflits d’intérêts dans le cas de Suzy Renckens en 2008.
Il s’agit d’un cas classique de « portes tournantes » entre le public et le privé. En effet cette dernière a repris ses fonctions à Syngenta moins de deux mois après avoir quitté son poste comme chef de l’Unité OGM à l’AESA. Or, dans le règlement 31 [3], « fixant le statut des fonctionnaires et le régime applicable aux autres agents de la Communauté économique européenne », il est clairement précisé [4] que : « Le fonctionnaire qui se propose d’exercer une activité professionnelle, rémunérée ou non, dans les deux années suivant la cessation de ses fonctions est tenu de le déclarer à son institution. Si cette activité a un lien avec l’activité exercée par l’intéressé durant les trois dernières années de service et risque d’être incompatible avec les intérêts légitimes de l’institution, l’autorité investie du pouvoir de nomination peut, en fonction de l’intérêt du service, soit interdire au fonctionnaire l’exercice de cette activité, soit le subordonner à toute condition qu’elle juge appropriée ». Or, pour le médiateur, le travail de Mme Renckens à l’AESA au sein de l’Unité « OGM » est en lien direct avec celui qu’elle exercera ensuite au sein de l’entreprise Syngenta. Ainsi, l’AESA aurait dû interdire à S. Renckens d’occuper ce nouvel emploi ou subordonner cet emploi à certaines conditions en vue d’éviter tout conflit d’intérêts.
Le médiateur a donc conclu que l’AESA « a failli aux obligations procédurales découlant des règles applicables » et que l’agence ne « reconnaît pas son incapacité à respecter les règles procédurales pertinentes et à procéder à une évaluation suffisamment approfondie du risque de conflit d’intérêts ». En outre, « l’AESA a indûment restreint la portée de ce qui pourrait équivaloir à un possible conflit d’intérêts (…) ».
Rappelons que le pouvoir du médiateur est politique, et qu’il ne peut pas décider de sanction. Ainsi, comme en 2011, il a de nouveau proposé des recommandations pour améliorer la politique de l’AESA en matière d’indépendance, en considérant que les quelques améliorations en la matière, comme par exemple l’adoption d’une définition claire du conflit d’intérêts, décidées et mises en œuvre par l’AESA en décembre 2011, n’étaient toujours pas suffisantes.
La publication de cette décision clôt l’affaire.
Récemment encore, l’AESA a été montrée du doigt pour un autre cas de portes tournantes : celui de la nomination de Juliane Kleiner comme Directrice de la Stratégie scientifique à l’AESA [5], alors qu’elle est issue de l’Ilsi, le lobby de l’agro-alimentaire et des biotechnologies. Or l’Ilsi, par ses travaux et ses experts, a réussi à influencer l’ensemble de la politique d’évaluation des risques mise en place par l’AESA.
Enfin, rappelons que la Cour des comptes européenne avait publié un rapport dans lequel elle dénonçait la faiblesse de la politique de l’AESA en matière d’indépendance et de conflit d’intérêts.
L’AESA pourra-t-elle continuer longtemps à faire la sourde oreille aux demandes légitimes de la société civile ? L’étau semble enfin se resserrer…
[1]
[3]
[4] article 16
[5] , « ETATS-UNIS – L’industrie contre le lin pharmaceutique », Inf’OGM, novembre 2005