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Sénégal – Mobilisations pour les semences paysannes et contre les OGM
Plusieurs associations sénégalaises organisent depuis cinq ans des foires aux semences paysannes. En mars 2017, s’est tenue à Dioral (région de Fatick) au sud ouest de Dakar (Sénégal), la troisième foire nationale qui a réuni plus de 300 personnes. À l’issue de cette manifestation, une déclaration a été adoptée, laquelle demande la reconnaissance du droit des paysans sur les semences, et dénonce l’arrivée sournoise des OGM dans la sous-région.
Organisée par l’Union des Collectivités de Tattaguine (UCT) en collaboration avec l’Association Sénégalaise des Producteurs de Semences Paysannes (ASPSP), la troisième foire nationale des semences paysannes a réuni, fin mars 2017, 310 participants issus d’horizon divers – des paysannes et des paysans bien entendu, mais aussi des responsables administratifs dont le préfet de département et des agents des services techniques, des responsables religieux, coutumiers et locaux, etc. – autour du thème « Cultivons l’autonomie semencière ».
Le paysan, compétent pour produire des semences
À l’issue de cette foire, une déclaration a été adoptée qui affirme que « pour assurer sa sécurité et sa souveraineté alimentaire, le paysan sénégalais doit détenir ses propres semences ». Ces semences, « reproductibles« , précisent-ils, « ne sont ni homogènes, ni stables et elles nous permettent de pratiquer une agriculture paysanne diversifiée et agro-écologique ». Ils affirment donc « que le paysan est un producteur compétent de semences ». Ils insistent sur ce point car la loi sénégalaise 94.81, relative à l’inscription des variétés, stipule (Chap. III, art. 5) que « la production de semences en vue de la vente ne peut être effectué que par des personnes (…) agréées à cet effet ». Or pour obtenir cet agrément, il faut notamment posséder « les installations nécessaires et le personnel compétent », choisir uniquement des variétés dites améliorées et produire les semences selon les techniques du système officiel. Pour les participants, cet article déclare donc le paysan incompétent.
Cette déclaration insiste sur la question de la certification des semences. Les participants revendiquent « des techniques de production de semences efficaces, méconnues par la recherche », et « des méthodes propres de certification des semences garantissant la qualité des semences ». Ainsi, ils considèrent qu’ils n’ont « pas besoin de certification officielle de [leurs] semences ». Pour les participants, la loi 94.81 relative à l’inscription des variétés , a contrario, a comme « finalité la production des semences certifiées pour les variétés améliorées, elle ne reconnaît ni les semences paysannes, ni les paysans en tant que producteurs de semences, (…) empêche la synergie des efforts entre les paysans, les chercheurs et les agronomes ».
Bientôt des OGM ?
Cette déclaration dénonce aussi l’arrivée sournoise des OGM au Sénégal. En effet, précisent les participants, « l’Autorité Nationale de Biosécurité (ANB) a récemment enclenché la révision de la loi n° 2009-27 sur la biosécurité ». Cette révision, qui fait partie d’un processus d’harmonisation des lois dirigé par l’Usaid (la coopération étasunienne), vise au final à faciliter l’introduction des semences OGM au Sénégal. L’industrie a réussi à faire adopter par l’Union économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) une loi cadre sous-régionale qui autorise la libre circulation des OGM en Afrique de l’Ouest. La loi sénégalaise devra donc s’adapter à ce cadre. Les participants appellent donc les députés à ne pas voter cette loi révisée. Pour eux, les OGM ne sont en rien une solution mais « menacent gravement la sécurité et la souveraineté alimentaire de l’Afrique ». Ils demandent aussi à l’Usaid « de ne pas intervenir dans les questions concernant les lois semencières au Sénégal et en Afrique de l’Ouest ».
Au-delà de ces deux inquiétudes, les participants demandent aux institutions de recherche agricole, notamment l’ISRA, aux décideurs politiques et aux bailleurs de fonds de « définir les thèmes de recherche agricole en concertation avec les paysans et en fonction de leurs besoins ; [et de] mettre en œuvre des politiques et des programmes en faveur des semences paysannes, et des droits des paysans sur les semences, conformément à l’article 9 du Traité International sur les Ressources Phytogénétiques pour l’Alimentation et l’Agriculture (Tirpaa) ».