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OGM – Procès de Poitiers : la relaxe n’a pas eu lieu
Alors qu’en première instance [1], le tribunal de Poitiers avait prononcé une relaxe pour les huit Faucheurs volontaires, la Cour d’Appel a condamné les inculpés, grâce à la requalification préalable des faits. En effet, en première instance, le tribunal avait prononcé une relaxe car la plainte déposée par les avocats de Monsanto n’était pas conforme aux faits reprochés : elle portait sur une destruction de culture commerciale, or il s’agissait d’un essai en champ. Or depuis la loi de 2008 qui instaure un délit spécifique pour le fauchage des plantes transgéniques, les deux motifs d’inculpation n’entraînent pas les mêmes sanctions. L’arrêt de la Cour précise ainsi : « Il n’existe aucun obstacle à cette requalification dans la mesure où il ne s’agit nullement d’ajouter des faits nouveaux qui soient étrangers à la saisine initiale mais de donner à ceux-ci leur exacte qualification juridique, l’accord des prévenus n’étant nullement nécessaire dans la mesure encore où cette requalification ne conduisait pas le tribunal à s’emparer de faits distincts ».
Concrètement, les primo délinquants ont été condamnés à une amende avec sursis ; et les récidivistes, à des amendes fermes : José Bové, à 200 jours amendes à 6 euros, et François Dufour et Dominique Delort à 100 jours amendes à 6 euros.
Les Faucheurs devront en plus payer, à Monsanto, 132 702 euros de préjudice matériel, plus 3000 euros de préjudice moral et 3000 euros de frais de procédure, et, à Idémaïs, 35 000 euros de préjudice matériel, 3000 euros de préjudice moral et 3000 euros de frais de procédure. L’ensemble de ces frais s’élève donc à 179 702 euros.
La requalification a surpris l’ensemble des inculpés. L’avocat de la défense, Me Gallon, s’est également dit « très surpris » de ce jugement. En effet, interrogé par Inf’OGM, il nous explique que, pour lui, contrairement à l’interprétation de la Cour, le fait que le législateur ait pris le soin de dissocier deux délits de fauchage – d’une culture commerciale d’un côté, ou d’un essai, de l’autre – permet de conclure que « la nature de la parcelle neutralisée est un élément constitutif du dossier ».
Il souligne par ailleurs que « les sanctions pénales sont classiques, et n’appellent pas d’observations particulières, mais les condamnations civiles, elles, sont sévères. La Cour n’a tenu aucun compte des arguments soulevés par la défense, montrant que les demandes de Monsanto et Idémaïs n’étaient pas valides ». En effet, l’essai en champ détruit a été annulé quelques mois plus tard par le Conseil d’Etat. De ce fait, l’essai était de toutes façons perdu pour Monsanto en termes de résultat de recherche. Cet argument n’a pas été retenu, ni même évoqué par la Cour dans son arrêt. Si les inculpés décident d’aller en Cassation (ils ont cinq jours pour se décider), cet argument sera, précise Me Gallon, de nouveau mis en avant. De même que la faiblesse de l’argumentation de la Cour pour justifier la requalification.