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MALI – L’adoption d’une loi sur les OGM mécontente les organisations paysannes
Le 13 novembre, l’Assemblée nationale du Mali a adopté (108 voix contre 20, zéro abstention) le projet de loi sur les OGM, intitulé « Sécurité en Biotechnologie », proposé par le gouvernement le 28 février 2007. Le premier article de la loi précise son champ d’application : « La présente loi s’applique à l’importation, l’exportation, le transit, l’utilisation confinée, la libération ou la mise sur le marché de tout organisme génétiquement modifié (OGM) qu’il soit destiné à être libéré dans l’environnement ou utilisé comme denrée alimentaire, aliment pour bétail ou produit de transformation, ou d’un produit dérivé d’organisme génétiquement modifié. Elle s’applique également aux OGM à double fonction pharmaceutique et alimentaire d’intérêt agricole ». Pourquoi alors n’avoir pas nommé la loi de son vrai nom, loi sur les OGM ?
Fort de 78 articles, répartis en 14 chapitres, le projet de loi « traite des dispositions générales, du cadre institutionnel de la notification, des décisions, des risques et de la gestion des risques, de la dissémination volontaire et/ou accidentelle et des mesures d’urgence. Il traite également de l’identification et de l’étiquetage des renseignements commerciaux confidentiels, de l’exportation, de la responsabilité et de la réparation, des infractions et sanctions, des voies de recours et enfin des dispositions transitoires et finales ». Ce projet de loi est aussi censé transcrire en droit malien, le Protocole de Carthagène, signé et ratifié par le Mali.
Une loi sans capacité de contrôle
Comme l’indique le journal L’Essor [1], « Le vote est survenu après un débat intense qui a vu la participation d’une vingtaine d’intervenants. La discussion a revêtu les allures d’un duel entre les pro et les anti OGM ».
Parmi les interventions en faveur du projet de loi, la plupart saluaient ce texte comme mettant fin à un vide juridique et qui va empêcher « de faire n’importe quoi sans contrôle ». Le ministre de l’Environnement a défendu une loi qui « n’est ni pour ni contre les OGM » et dont le but est de « doter notre pays d’un code de biosécurité qui permettra de se protéger contre les effets indésirables et faire les choix sur ce qui nous intéresse ».
Or, pour les opposants, cette loi est loin d’être neutre et prépare, doucement, le terrain à l’introduction des OGM au Mali, sans garantie d’un contrôle sérieux de l’Etat. Plusieurs députés de l’opposition, à l’instar de Moriba Kéïta, Président du groupe parlementaire RPM, se sont inquiétés des faibles capacités des structures nationales de contrôle.
Quelle politique agricole ?
Enfin, élargissant le débat à la question de la souveraineté alimentaire, un député de l’opposition a affirmé que le Mali peut nourrir sa population avec des solutions locales, accompagnée par des chercheurs maliens. Et pour lui, si le travail des chercheurs maliens n’aboutit pas, c’est parce que l’Etat refuse de mettre les moyens à la disposition des services de vulgarisation. « Comment comprendre que ces semences maliennes, fruits du génie des fils du pays, ne soient utilisées seulement qu’à 26% par les paysans maliens ? », a-t-il demandé.
Une opposition citoyenne déjà ancienne
Au Mali, l’opposition citoyenne et paysanne aux OGM est forte et s’est exprimée très tôt par rapport aux autres pays de la sous région.
Ainsi, en janvier 2006, à Sikasso, lors d’un jury populaire, appelé « Espace citoyen d’interpellation démocratique », consacré aux OGM [2], le verdict était : « Oui à la semence traditionnelle, non aux OGM ». Afin de se faire une opinion, le jury avait invité quatorze « experts internationaux », dont M. Buthelezi, producteur sud-africain de coton Bt.
Au moment du vote, la Coordination nationale des organisations paysannes du Mali (CNOP) (3) a organisé un sit-in devant l’Assemblée nationale pour dénoncer ce projet de loi et inciter les députés à le rejeter. Cette manifestation non violente a pourtant mobilisé de nombreux policiers, présence dénoncée dans l’hémicycle par le député, Bréhima Bérédogo : « Cela est inacceptable, parce que cette présence vise à empêcher à des Maliens l’exercice d’un droit reconnu par la constitution : le droit de manifester ». Pour la CNOP, « si ce projet de Loi est adopté, les paysans seront aliénés aux firmes occidentales dans l’approvisionnement semencier. Pire, aucune étude appropriée n’a jusque là recommandé l’utilisation des OGM dans nos consommations. Aussi, en aucun moment les organisations paysannes n’ont été associées à ce processus ». Et d’ajouter à l’intention des Députés, « si vous votez en faveur de cette Loi, […] cela signifie que le gouvernement du Mali a violé ses propres conventions qu’il a signées dans le cadre de l’introduction de ces OGM. Notamment le protocole de Cartagena, la Convention internationale sur la biodiversité et la Loi d’orientation agricole. Ces différents protocoles avaient souhaité que même si les OGM devaient être introduits dans notre pays, cela doit se faire de façon transparente, ce qui n’est pas aujourd’hui le cas ». Ainsi, la CNOP « n’entend pas désarmer aux fins d’empêcher notre pays à aller vers la dépendance semencière et d’éviter les risques liés à la consommation des OGM. Elle prévoit de descendre dans les villages pour dire aux paysans que leurs préoccupations ne sont pas prises en compte par les élus ».