Forçage génétique
Le forçage génétique est une forme extrême de biotechnologies. Elle permet de diffuser de façon hégémonique un caractère nouveau introduit par l’Humain dans un organisme vivant, à l’ensemble de sa descendance.
Chez les organismes vivants qui se reproduisent sexuellement, les chromosomes sont présents en deux exemplaires, et se retrouvent en un exemplaire unique dans la cellule reproductrice (spermatozoïde ou pollen et ovule). Lorsque deux organismes s’accouplent, les descendants héritent pour moitié des chromosomes paternels et pour moitié des chromosomes maternels. C’est ce qu’on appelle l’hérédité mendélienne.
Le forçage génétique est une technique de modification génétique qui ambitionne de faire que 100% des descendants portent la modification induite en laboratoire chez un des deux parents et non seulement 50%. Il s’agit d’une rupture sans précédent dans la biologie de l’hérédité.
Des risques totalement imprévisibles
Depuis les années 90, quand les premières plantes transgéniques ont été cultivées, la dissémination (sous certaines conditions) des transgènes sur des temps et des espaces relativement importants, a été observée. On parle de pollution génétique non intentionnelle et se pose la question de son irréversibilité.
Avec le forçage génétique, nous entrons dans une nouvelle ère dans l’évolution du vivant : ici le but est bel et bien qu’une séquence génétiquement modifiée s’impose de manière irréversible chez tous les descendants. Les conséquences sont imprévisibles. Les modifications génétiques une fois disséminées à très grande échelle vont nécessairement évoluer. Il est totalement impossible de modéliser les évolutions de ces génomes modifiés en laboratoire. Pour parvenir à créer ces OGM, l’Humain ne respecte pas l’auto-organisation extrêmement complexe du vivant, faute de la connaître.
Actuellement, la législation européenne sur les OGM (notamment directive 2001/18) devrait encadrer les organismes issus du forçage génétique mais une ruse juridique pourrait permettre qu’ils y échappent. Or les premières disséminations dans l’environnement pourraient avoir lieu d’ici quelques années. Certains estiment pertinent de créer un cadre réglementaire et des procédures d’évaluations spécifiques étant donné que les risques sont a priori plus importants que ceux liés aux OGM « mendéliens ». D’autres considèrent que l’absence de maîtrise et l’irréversibilité de la technique plaident pour une interdiction pure et simple de leur dissémination dans l’environnement.
Les premières expériences de forçage génétique
Le Burkina Faso est le pays qui pourrait disséminer le premier des animaux issus du forçage génétique. Le projet Target Malaria, financé entre autres par la Fondation Bill et Melinda Gates, vise à mettre au point des moustiques mâles, génétiquement modifiés par forçage génétique, selon deux objectifs : soit des moustiques dont la progéniture serait majoritairement mâle et la population perdrait donc sa capacité à se reproduire, soit des moustiques qui transmettent aux femelles, avec lesquels ils s’accouplent, un gène qui désactive des gènes essentiels à la fertilité. Ce projet Target Malaria est promu sous couvert de lutte contre le paludisme.
La préservation de l’environnement est également mise en avant pour inciter le public à accepter le forçage génétique. Éradiquer des espèces au nom de la protection des écosystèmes peut paraître paradoxal mais c’est pourtant ce qu’un rapport de l’Union internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), rédigé en majorité par des promoteurs des biotechnologies et en particulier du forçage génétique, proposait en 2019. Ce rapport a engendré une polémique toujours actuelle. Ce rapport vante les mérites du forçage génétique pour éradiquer des populations d’être vivants nuisibles pour la faune et la flore, notamment des espèces invasives introduites par les humains au cours des derniers siècles.
Un objectif non avoué ?
Les promoteurs du forçage génétique mettent en avant ces deux projets à visée humanitaire ou écologique. Mais la finalité du forçage génétique semble être essentiellement pour l’agro-industrie : le forçage génétique pourrait être en effet un outil technologique pour tenter de palier les échecs successifs des pesticides chimiques et des plantes transgéniques. Car ces deux techniques ont abouti à la création d’organismes vivants résistants : les ravageurs s’adaptent aux plantes Bt et les adventices ne sont plus détruites par le glyphosate ou autres molécules herbicides.
Le forçage génétique est appelé à la rescousse. Imaginons une pyrale génétiquement modifiée par forçage génétique pour n’engendrer que des mâles et cela sur plusieurs générations. La pyrale disparaîtra alors petit à petit du territoire où ces OGM issus du forçage génétique auront été disséminés.
À l’instar du riz doré qui a permis redonner une image positive et humanitaire aux plantes transgéniques, pour mieux faire passer les sojas et autres maïs destinés aux monocultures intensives, ces deux exemples de forçage génétique semblent bien mis en exergue pour détourner l’attention des citoyens des projets commerciaux visant à utiliser les nouveaux OGM.