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Italie – La justice protège l’interdiction des cultures OGM

Par Charlotte KRINKE

Publié le 10/08/2022

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Le 25 juillet 2022, la justice italienne a confirmé la légalité de la destruction de cultures de maïs OGM MON 810 plantées sans autorisation. Une décision qui protège l’interdiction nationale de culture dont l’illégalité était soutenue par un agriculteur pro-OGM.

Comme dix-huit autres États membres de l’Union européenne (UE), l’Italie a interdit, en 2015, la culture du maïs MON 810 sur son territoire [1] (voir encadré ci-dessous). Cette interdiction a depuis fait l’objet de plusieurs recours devant la justice , sans que toutefois ceux-ci n’aboutissent. La décision du tribunal administratif régional de Frioul-Vénétie Julienne, publiée le 25 juillet 2022, vient de nouveau confirmer la légalité de cette interdiction [2].

À l’origine de l’affaire se trouve la mesure prise par le ministère des politiques agricoles, alimentaires et forestières ordonnant la destruction d’une culture de maïs OGM MON 810 semée en 2021 par un agriculteur de la province d’Udine. Ce dernier, qui avait déjà contesté sans succès par la voie judiciaire l’interdiction de culture du maïs MON 810, a saisi alors le tribunal administratif régional pour demander l’annulation de la mesure prise par le ministère à son encontre.

Derrière la demande d’annulation de la mesure ministérielle, c’est en réalité la légalité de l’interdiction de culture du maïs MON 810 (rendue possible par une directive de l’UE) par rapport aux traités de l’UE qui est contestée. En effet, selon l’agriculteur requérant, cette interdiction serait contraire à plusieurs principes consacrés par le Traité sur l’Union européenne et par le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et particulièrement avec les règles relatives à la libre circulation des marchandises. Il demande au juge administratif de saisir la Cour de justice de l’Union européenne en appréciation de validité de la directive de l’UE autorisant les États membres à exclure leur territoire d’une demande d’autorisation de culture d’OGM (directive 2015/412).

L’interdiction de culture ne porte pas atteinte à la liberté d’entreprise

Dans sa décision publiée le 25 juillet 2022, le tribunal administratif régional de Frioul-Vénétie Julienne rejette l’intégralité du recours, en appliquant une jurisprudence rendue dans une affaire similaire. Il rappelle ainsi que l’exercice des libertés économiques n’est pas un droit absolu. Il doit au contraire être mis en balance avec les intérêts liés à la protection de l’environnement et de la santé. Or, selon le tribunal, « l’interdiction de la culture du maïs OGM, dans la mesure où […] elle est potentiellement dangereuse pour la santé et l’environnement, constitue une limitation légitime à l’exercice des activités économiques concernées, qui n’est pas en contradiction avec les critères visés, eu égard à la reconnaissance des principes de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et du traité sur l’Union européenne […] ».

Le requérant soutenait néanmoins que l’interdiction de culture est une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre car, expliquait-il, il existe des techniques agronomiques qui permettent d’éviter la contamination non intentionnelle des cultures voisines. Mais là non plus, le tribunal ne retient pas l’argument. En effet, le requérant ne mentionnait pas quelles techniques pourraient être mises en place et, comme le relève le tribunal, il ne semblait pas en avoir prises lui-même sur sa parcelle.

L’opt-out contribue au bon fonctionnement du marché intérieur

L’argument de l’atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur causée par la liberté des États membres d’interdire la culture d’OGM sur leur territoire est lui aussi écarté. Le tribunal s’appuie pour ce faire sur les dispositions du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne [3] mais aussi sur un avis du service juridique du Conseil du 5 novembre 2010. Cet avis expliquait que la possibilité offerte aux États membres d’autoriser ou non les cultures transgéniques sur leur territoire «  peut améliorer le processus d’autorisation des OGM et, dans le même temps, garantir la liberté de choix des consommateurs, des agriculteurs et des opérateurs, en offrant une plus grande clarté aux parties prenantes concernant la culture des OGM dans l’Union  ». Le service juridique du Conseil concluait que cette mesure devrait, par conséquent, promouvoir le bon fonctionnement du marché intérieur.

Opt-out et répartition des compétences


En 2015, une modification de la directive 2001/18 encadrant la culture des OGM dans l’Union européenne a permis aux États membres d’interdire la culture sur leur territoire de plantes génétiquement modifiées autorisées au niveau européen (opt-out). Dans l’affaire devant le tribunal administratif régional de Frioul-Vénétie Julienne, le requérant soutenait que cette modification est illégale en ce qu’elle autorise les États membres à légiférer dans une matière que les traités attribuent exclusivement à l’Union européenne. Un argument qui n’a pas convaincu le tribunal. Il rappelle ainsi que la directive relève du domaine de l’agriculture dans lequel l’Union européenne a une compétence partagée et non exclusive. Surtout, le tribunal s’appuie sur le considérant 6 de la directive 2015/412 (qui a modifié la directive 2001/18). Celui-ci énonce que « (l)a culture peut toutefois exiger davantage de flexibilité dans certains cas, car cette question comporte une forte dimension nationale, régionale et locale en raison de son lien avec l’affectation des sols, les structures agricoles locales et la protection ou la préservation des habitats, des écosystèmes et des paysages ». Il s’agit-là, selon le tribunal, d’une observation essentielle.

L’intervention assurée du ministère de l’Agriculture italien face à la culture illégale du maïs transgénique MON 810 tranche avec son inaction face à la culture illégale des OGM obtenus par les nouvelles techniques de modification génétique, pourtant eux aussi soumis à la réglementation OGM comme l’a clairement indiqué la Cour de justice de l’Union européenne en 2018 [4]. Une inaction dénoncée par les organisations italiennes d’agricultures paysannes et biologiques devant le Parlement européen [5]. Mais le Gouvernement italien souhaite réglementer différemment OGM transgéniques et nouveaux OGM [6]

[2Tribunale Amministrativo Regionale per il Friuli Venezia Giulia (Sezione Prima), 25 juillet 2022, no. 334.

[3L’article 36 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui dispose que l’interdiction des restrictions quantitatives et les mesures d’effet équivalent posée aux articles 34 et 35 du Traité « ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions d’importation, d’exportation ou de transit, justifiées par des raisons de moralité publique, d’ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux, de protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique ou de protection de la propriété industrielle et commerciale. Toutefois, ces interdictions ou restrictions ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres ».

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