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ISLANDE – Législation OGM attardée, précautions non prises : les islandais se rebellent et détruisent un essai d’orge GM

Par Christophe NOISETTE

Publié le 19/08/2009, modifié le 27/02/2025

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L’entreprise islandaise Orf Genetics, créée en 2000, produit aujourd’hui sous serre des protéines humaines (entre autres comme facteurs de croissance humaine) en utilisant de l’orge GM. Cette entreprise effectue depuis 2002 des essais en plein champs sur différentes variétés d’orge, et depuis 2004 avec l’orge Golden Promise GM sur les terres de l’Institut Islandais de recherche Agricole (IIRA). Ces essais se sont déroulés sans que le public soit informé par les autorités islandaises. Orf Genetics, dont les clients sont les industries pharmaceutique et cosmétique, a déposé une demande d’autorisation au Joint Research Center [1] en avril 2009 pour expérimenter pendant quatre ans de l’orge GM en plein champ, sur des surfaces allant de 200 m2 pour commencer jusqu’à 10 hectares en 2013. Cette entreprise produit aujourd’hui la majorité de ses protéines sous serre comme son concurrent, l’entreprise allemande Maltagen. Plusieurs associations, dont Slow Food et l’Association islandaise de défense des Consommateurs, ont découvert cette demande et ont alors engagé une campagne pour obtenir un débat public et empêcher l’attribution de cette autorisation d’essai en champs. En effet, l’orge est la seule céréale cultivée de manière importante sur l’île et le terrain choisi pour la culture de cet orge GM est situé dans la partie la plus fertile de l’île, où se trouvent la plupart des producteurs d’orge et dans la station expérimentale de l’Institut de Conservation des Sols où ont lieu les travaux de conservation sur la biodiversité de la flore islandaise. Or, les seules études d’impact environnemental effectuées sont des essais agronomiques pour étudier le comportement de l’orge GM.

Répondant aux questions d’Inf’OGM, Dominique Plédel Jónsson, président de Slow Food Reykjavík, précise que Orf Genetics est une start up montée par l’IIRA, d’où de possibles conflits d’intérêt entre la recherche publique et cette entreprise privée. Il précise aussi à Inf’OGM, d’une part que « l’Institut de recherches Agronomiques Islandais est l’un des actionnaires de la société Orf et son directeur financier fait partie du Conseil d’Administration. Le premier Président du Conseil d’Administration de Orf est aujourd’hui chef de bureau au Ministère de l’Agriculture », et d’autre par que « l’Agence de l’Environnement qui est responsable de la décision [d’autorisation de l’essai, NDLR], fait appel à deux instances, un comité ad hoc composé de spécialistes dans différents secteurs, et l’Institut d’Histoire Naturelle qui est sous la tutelle du ministre de l’Environnement. Le Président du Comité d’Experts est le Directeur Général adjoint de… l’Institut d’Histoire Naturelle ! Pas une seule association de consommateurs, pas une seule association d’agriculteurs ou autres acteurs du secteur n’est consultée ».
Les associations demandent aussi que l’Islande, en tant que membre de l’Espace Economique Européen, transcrive la directive 2001/18 afin d’actualiser la loi islandaise sur les OGM de 1996, qui correspond à une transcription en droit national de la directive européenne 90/220.

Un essai détruit et attaqué en justice

Mais cette campagne publique n’a pas empêché l’agence de l’Environnement d’accorder, le 22 juin 2009, l’autorisation d’essai à Orf Genetics, qui a planté une parcelle de 40 m2 à Gunnarsholt, Rángárvallarsyslu. Les associations ont donc déposé un appel auprès du ministre de l’Environnement islandais, mais la parcelle a finalement été détruite vers le 19 août 2009. Dominique Plédel Jónsson précise à Inf’OGM que « l’entreprise ne s’est rendue compte de l’existence des dégâts que par le fait que les médias locaux ont reçu un communiqué du groupe de militants anonymes intitulé Illgresi (ce qui signifie « mauvaise herbe »). Il est alors apparu que les mesures de protection imposées par l’Agence dans le cadre de l’autorisation n’étaient pas respectées ». En effet, précise-t-il encore : « L’agence de l’Environnement avait exigé une surveillance active et régulière de la parcelle par du personnel formé et informé de la nature des cultures, une protection par clôture électrique et signalisation précisant l’interdiction de pénétrer, la mise en place de filets empêchant les oiseaux d’avoir accès à l’orge GM. Or aucun personnel du centre de recherche agricole ou de Orf Genetics n’est venu examiner la parcelle depuis les semis (traces faisant foi), aucune clôture électrique prochaine ou lointaine, ni aucune signalisation n’ont été installées et les filets contre les oiseaux étaient en loque ».
Un reportage photographique réalisé sur place, le 11 août, par le photographe indépendant Helgi J. Hauksson montre que le site était « totalement négligé ». Ce reportage a été joint au dossier d’appel que sept associations ont remis au ministre de l’Environnement le 2 septembre 2009, demandant, sur un argumentaire technique et administratif, l’annulation de la licence d’essai en plein champ accordée à Orf Genetics.
Enfin, Dominique Plédel Jónsson nous a aussi précisé que « le réglement européen 1829/2003 sur l’étiquetage des produits alimentaires et destinés à l’alimentation du bétail n’a pas non plus été transcrit (en fait il suffit de le traduire et de l’appliquer dans la législation islandaise), faisant de ce pays le seul pays européen n’imposant pas l’obligation d’étiquetage au plus grand mépris de ses citoyens ».

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