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Interdictions nationales des cultures d’OGM : le Parlement européen va-t-il bloquer la Commission ?
Le 13 juillet 2010, la Commission européenne (CE) proposait aux députés européens et aux membres du Conseil européen d’adopter un nouveau règlement visant à fournir aux États membres de l’UE la possibilité d’interdire sur leur territoire la culture de PGM [1]. Cette proposition de règlement est actuellement l’objet de travaux au sein de deux commissions du Parlement européen (PE). C’est ainsi que Corinne Lepage, pour la commission « Environnement » et George Lyon, pour la commission « Agriculture », ont présenté en janvier leurs rapports respectifs [2] sur cette proposition. Bien qu’affiliés tous deux à ALDE (groupe de libéraux du PE), leurs rapports sont radicalement opposés.
Pour Corinne Lepage, l’objectif de l’évolution envisagée par la Commission européenne est « souhaitable ». Elle estime cependant que la législation actuelle encadrant les autorisations d’OGM présente des garanties suffisantes, mais n’est pas correctement mise en application. Ainsi, la directive 2001/18, prévoit un certain nombre d’études devant être réalisées par le pétitionnaire, rarement réalisées dans les faits selon la députée. Avant d’envisager une modification de la directive 2001/18, la Commission devrait donc prioritairement répondre aux demandes du Conseil des ministres de l’Environnement, formulées en 2008, qui concernent notamment une réforme de l’AESA et des critères d’évaluation des PGM avant autorisation. Sur le contenu même de la proposition, Corinne Lepage affiche une position différente de la Commission européenne. De son côté, la CE propose que les arguments scientifiques ne puissent pas être à la base des décisions nationales, sans détailler par ailleurs les arguments qui seraient à la disposition des États. Pour Corinne Lepage, des arguments scientifiques devraient être invocables par les États, s’ils sont différents ou complémentaires de ceux à la base de l’autorisation européenne. Les risques de résistance, des considérations socio-économiques ou encore l’évolution des pratiques agricoles… devraient également être au nombre des arguments fondant une décision nationale.
Globalement, l’eurodéputée souhaite une plus grande marge de manœuvre des États, notamment fondée sur les particularités locales propres à chaque environnement. En ce sens, Corinne Lepage propose que la base légale du règlement qui viendra modifier la directive 2001/18 soit changée. Dans la proposition de la Commission, le règlement utilise l’article 114 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) dont l’objectif est le rapprochement des législations dans le but de favoriser la libre circulation des produits sur le marché européen. Dans cette perspective, la procédure mise en place pour permettre aux États de prendre des mesures différenciées de la décision européenne reste difficile à mettre en œuvre. Corinne Lepage propose une autre base légale. En visant l’article 192 du TFUE, l’objectif de la proposition devient la protection de l’environnement. La possibilité pour les États d’adopter des mesures plus contraignantes dans ce cadre est beaucoup plus largement ouverte.
Georges Lyon en charge de l’avis de la commission Agriculture soutient la proposition de la CE. Pour ce député, les décisions doivent avant tout être fondées sur des arguments scientifiques, lesquels relèvent de la compétence exclusivement européenne. Il estime ensuite que les États ne doivent se prononcer qu’au cas par cas et non sur l’ensemble des OGM ainsi que la CE l’avait proposé. Finalement, les arguments d’ordre « éthiques », difficilement envisageables et évaluables, semblent être les seuls disponibles pour les États membres selon la proposition de Georges Lyon.
Ces deux rapports, difficilement conciliables, lancent donc les travaux du Parlement européen sur cette proposition de règlement, qui seront suivis par les travaux du Conseil européen, pour un vote attendu en juin.
[2] La version finale du rapport de Corinne Lepage : http://www.europarl.europa.eu/oeil/… et le rapport de Georges Lyon : http://www.europarl.europa.eu/sides…