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INDE – Aubergine OGM Bt : moratoire décrété tandis qu’un ancien directeur de Monsanto Inde dénonce les pratiques de cette entreprise

Par Christophe NOISETTE

Publié le 09/02/2010, modifié le 27/02/2025

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Le débat sur l’innocuité de l’aubergine transgénique Bt agite la société indienne. Deux nouvelles viennent de réactiver la polémique.

Le 9 février 2010, le ministre de l’Environnement indien, Jairam Ramesh, a décrété un moratoire d’une durée indéterminée sur la culture et la commercialisation de l’aubergine Bt [1] mise au point par Monsanto et Mahyco. De très nombreuses raisons, bien étayées, ont poussé le ministre à déclarer ce moratoire, comme la pollinisation croisée entre aubergine transgénique et aubergine conventionnelle, le manque d’évaluation à long terme de cette aubergine Bt pour la santé humaine, le fait que les données scientifiques du dossier soient classées confidentielles, qu’aucune contre-expertise indépendante ne soit faite des données fournies par le pétitionnaire, etc. Dans son mémorandum, le ministre évoque les pratiques agronomiques sans pesticide (Non Pesticide Management, NPM). Il précise : « l’avantage du NPM est qu’il élimine complètement l’usage des pesticides chimiques alors que la technologie Bt réduit seulement les pulvérisations de pesticide, quoique substantiellement ». Le ministre évoque aussi le fait que « les plantes de la famille des Solanacés, comme l’aubergine, sont plus problématiques que les autres plantes du fait qu’elles contiennent plusieurs toxines naturelles qui peuvent resurgir lorsque le métabolisme est perturbé ». Or, continue-t-il, les tests réalisés par le pétitionnaire ne permettent pas de détecter ces toxines.

Précédemment, le GEAC (Genetic Engineering Approval Committee), le comité d’expert en charge de l’évaluation des OGM, avait considéré cette aubergine comme saine pour la santé et avait même précisé qu’elle permettrait de réduire la dépendance des agriculteurs vis-à-vis des pesticides. Ce point de vue était partagé par le ministre de la Science et de la Technologie. Cependant l’autorisation finale revient au ministre de l’Environnement. Plusieurs réunions publiques avaient été organisées dans le pays (regroupant au total 8000 personnes), et à chaque fois, une opposition forte des agriculteurs et des citoyens avait été exprimée. De même, dix Etats indiens avaient clairement annoncé qu’ils n’autoriseraient pas cette aubergine transgénique sur leur territoire, dont l’Etat du West Bengal, Orissa, Bihar, qui, à eux trois, produisent plus de 60% des aubergines indiennes. Précisons qu’il existe plus de 2500 variétés d’aubergines cultivées en Inde et que la Banque nationale de gènes possède dans ses frigos plus de 3500 variétés d’aubergine, dont certaines sont utilisées dans la médecine traditionnelle indienne.

L’ex DG de Monsanto dénonce les pratiques de cette entreprise

Par ailleurs, un ancien directeur général de Monsanto India, Tiruvadi Jagadisan, a rejoint le concert des critiques, annonçant lors de la consultation publique qui a eu lieu à Bangalore, le 6 février 2010 , que les données fournies par Monsanto pour obtenir l’autorisation de ses produits pouvaient être « fausses » [2]. Il a précisé que les avis des instances indiennes de régulation ne reposaient que sur les données fournies par l’entreprise, sans contre-expertise. « Le Bureau Central des Insecticides (The Central Insecticide Board) est censé donner les autorisations sur la base de données spécifiques à l’Inde (localisation, et variétés). Mais il a simplement accepté les données étrangères fournies par Monsanto. Ils n’ont même pas un tube à essai pour valider les données et, parfois, les données proprement dites ont été truquées », a déclaré T. Jagadisan. Cette procédure est à l’image de celle qui a actuellement cours dans l’Union européenne. Les pétitionnaires fournissent les données issues par exemple de leurs analyses de toxicologie mais les experts nationaux ou européens ne refont pas les expériences. Ils analysent les données fournies. Ceci pose effectivement la question de la contre-expertise, ou plutôt celle de la confiance donnée à l’entreprise quant aux données fournies.

La question de savoir pourquoi cet ancien dirigeant n’a pas émis ses critiques plus tôt reste entière. Il a tout de même travaillé 20 ans pour Monsanto.

Répondant à un journaliste indien, le porte-parole de Monsanto a déclaré : « Nous avons entière confiance dans le système de réglementation indien », lequel peut « assurer l’exactitude et l’authenticité des données qui leur sont fournies ».

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