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HONGRIE – Le gouvernement choqué par les méthodes de l’AESA
Le 2 mars 2009, le Conseil des ministres de l’Environnement discutera de la proposition de la Commission européenne qui veut obliger la Hongrie à retirer son moratoire sur la culture du maïs Mon810. En préparation de cette « confrontation », le gouvernement hongrois a adressé aux autorités compétentes des Etats-membres une lettre, qu’Inf’OGM s’est procurée, dans laquelle il justifie son moratoire [1]. Et son contenu est particulièrement éclairant sur la conduite des discussions scientifiques entre les Etats-membres et l’Agence Européenne de Sécurité Alimentaire (AESA, ou EFSA en anglais). Une lettre dont le Figaro, pourtant si prompt à dévoiler hier le « rapport secret » de l’Afssa [2], ne semble pas avoir eu copie. Dommage, car sa lecture en dit long sur les pratiques de la « grande sœur » européenne de l’AFSSA : l’AESA.
Retour sur une histoire qui a commencé en 2006
Depuis 2006, la Commission européenne (CE) souhaite vivement que la Hongrie abandonne son moratoire. Ainsi, la CE a fait une première proposition dans ce sens au Comité d’experts le 18 septembre 2006, proposition qui n’a pas recueilli de majorité qualifiée, puis au Conseil des ministres de l’environnement en février 2007 qui a carrément rejeté la proposition de la CE.
Mécontente de cette décision politique des ministres de l’UE, la CE, pour obtenir un avis sur des nouvelles études scientifiques présentées le 30 novembre 2007 par la Hongrie, a alors, de nouveau, saisi l’AESA le 6 mai 2008. L’AESA a adopté un avis le 2 juillet 2008 [3] qui précise que les moratoires hongrois et grecs ne sont pas fondés scientifiquement. Fort de cet avis, la CE a de nouveau proposé aux Etats-membres la levée du moratoire hongrois, proposition qui sera étudiée par les ministres de l’UE, le 2 mars 2009.
Quant l’AESA n’écoute que les témoins à charge
Comme le rapporte la lettre du gouvernement hongrois, contrairement à la première procédure de septembre 2006 et du fait d’une demande insistante de la Hongrie, une discussion a pu avoir lieu entre les membres du panel OGM de l’AESA et les scientifiques hongrois, le 11 juin 2008, soit plus de cinq mois après la présentation des études hongroises mais seulement trois semaines avant que l’AESA ne publie son deuxième avis. Malgré plusieurs demandes, le gouvernement hongrois explique dans sa lettre n’avoir reçu préalablement à cette réunion ni l’ordre du jour, ni les questions qui lui seraient soumises par les experts de l’AESA, ni la liste des objections de ces experts sur l’avis des scientifiques hongrois. Lors de cette réunion, les hongrois ont considéré « avoir présenté leurs plus récentes découvertes scientifiques [relatives au maïs Mon810 et certains impacts sur l’environnement], avoir pleinement répondu aux questions [des membres de l’AESA] » et notent « que hormis ces questions, aucun autre point n’a été soulevé, que ce soient des objections, l’expression de doutes ou des remises en questions d’interprétations [scientifiques] ».
Suite à cette réunion, les hongrois n’ont pas reçu le compte-rendu officiel faisant état des discussions qui ont eu lieu. Ils ont alors décidé de le rédiger eux-mêmes, l’ont envoyé à l’AESA pour corrections, mais ils n’ont reçu aucune réponse, ce qui signifie qu’aucun des Etats-membres n’a été informé officiellement du contenu technique de cette réunion. Par la suite, si le gouvernement hongrois précise avoir appris, par le biais de « communications diverses », que sa présentation avait été jugée insuffisante et incomplète par des membres du panel de l’AESA, il n’en obtiendra la confirmation officielle que dans l’avis adopté le 2 juillet 2008 par ce panel et qui conclura qu’aucune nouvelle donnée scientifique n’a été présentée. Pour les hongrois, cette procédure « semble avoir été un exercice formel pour coller aux obligations procédurales de l’AESA ».
En conclusion, le gouvernement hongrois explique que la manière dont l’AESA a appliqué le principe de précaution dans cette procédure donne lieu à de sérieux doutes quant à sa légalité. Le gouvernement accepte que les arguments scientifiques puissent être rejetés occasionnellement, mais il considère cependant que « la ligne constante de refus de tout argument, données, découvertes, etc. remettant en cause une autorisation [d’une PGM] va au-delà de toute position justifiable ». Ainsi, faisant valoir que la possibilité de discuter et résoudre ces différences d’opinion scientifique a été refusée à la Hongrie et que ce pays maintient que les études présentées indiquent que le maïs Mon810 peut avoir des effets négatifs sur l’environnement, le gouvernement termine sa lettre en appelant les autres Etats-membres à soutenir son moratoire lors de la réunion du 2 mars.
Outre le moratoire hongrois, la CE a également présenté des propositions visant à obliger la levée des moratoires français, grec et autrichien sur la culture du maïs Mon810. Et l’AESA a déjà déclaré que, selon ses critères, ces moratoires n’étaient pas justifiés scientifiquement.
Le maïs Mon810 est la seule plante génétiquement modifiée autorisée à la culture en Europe depuis le 22 avril 1998. Depuis un an, ce maïs est à nouveau évalué en Europe suite à la demande par Monsanto de renouveler son autorisation. Sur ce renouvellement, l’AESA ne s’est pas encore exprimé.
[1] Source Inf’OGM
[2] cf. Inf’OGM ACTU n°18, mars 2009, FRANCE – OGM : L’Afssa sur le point de publier une étude en faveur du maïs Mon 810
[3] cf. Inf’OGM ACTU n°12, septembre 2008, UE – Moratoires hongrois et grecs non justifiés scientifiquement pour l’AESA