Le cadre règlementaire européen des OGM
L’Union européenne (UE) ne règlemente pas tous les sujets. Elle s’attache à encadrer ceux qui revêtent une importance particulière (protection de la santé, protection de l’environnement…) et dont la non harmonisation pourrait rendre compliqué les échanges au sein du marché commun de l’UE. L’agriculture et les OGM en particulier sont ainsi des sujets qui relèvent de la compétence de l’UE. Dans l’élaboration de la réglementation, de nombreux acteurs sont impliqués : la Commission européenne, le Parlement européen ou encore les États membres au travers du Conseil Européen (réunion des chefs d’États ou de gouvernements) et du Conseil de l’Union européenne (réunion des ministres par sujet). La Commission européenne, composée de 28 Commissaires désignés par chaque État, dispose d’un pouvoir relativement important. Elle a notamment le pouvoir d’initiative et le pouvoir d’exécution des textes européens : en clair, elle propose puis met en œuvre les textes européens.
L’Union européenne doit également tenir compte du niveau international, elle n’est pas toujours libre de mener sa politique notamment en matière d’OGM. L’Organisation Mondiale du Commerce (cf. En quoi l’OMC intervient dans le dossier des OGM ?) s’intéresse à la question des OGM et accepte difficilement des restrictions au commerce (étiquetage, interdictions d’importations…).
Le cadre général sur les OGM
Le cadre général sur les OGM est précisé par la directive 2001/18 relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement. Un second texte est venu le compléter. Il s’agit du règlement 1829/2003 concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux, génétiquement modifiés.
Initialement, ces deux textes avaient deux champs d’application distincts. Lors du dépôt de demande d’autorisation, le pétitionnaire (l’entreprise ou l’institut de recherche qui demande une autorisation) utilisait l’un ou l’autre des deux textes, en fonction de l’usage de l’OGM : la culture d’OGM pour la directive ; et les OGM comme alimentation humaine ou animale, pour le règlement. La pratique administrative de la Commission européenne tend à faire disparaître la distinction entre ces deux textes. Désormais, les demandes d’autorisation quel que soit l’usage visé, passent toutes par le règlement 1829/2003. Ce détournement des textes n’est pas anodin [1]. En fonction de celui qui est utilisé par la demande d’autorisation, c’est une procédure d’autorisation différente qui sera alors appliquée. De même, la procédure à mettre en œuvre par un État pour interdire l’OGM en question sera différente [2]. La France l’a appris à ses dépens en 2011 [3], et a vu son moratoire annulé pour n’avoir pas utilisé la bonne procédure d’interdiction.
Le texte de la directive 2001/18 n’est pas pour autant caduc. Les dispositions générales de ce texte restent valables pour l’ensemble des autorisations, même si la demande a été faite selon le règlement 1829/2003 (parties A et D : définitions, champ d’application, confidentialité, transparence, coexistence…).
Les domaines de compétence de l’UE
les définitions (posées par la directive 2001/18) ;
l’élaboration de la réglementation générale ;
la méthode d’évaluation des risques des OGM ;
l’élaboration et exécution de la procédure d’autorisation des OGM ;
les conditions dans lesquelles un État peut interdire les OGM sur son territoire et décide si cette interdiction nationale est fondée ou non
l’étiquetage des OGM dans l’alimentation
Les domaines qui appartiennent aux États membres
Dans ce cadre européen, les États disposent cependant d’une certaine marge de manœuvre pour mettre en œuvre sur leur territoire « les détails » de la règlementation européenne. C’est ce qu’on appelle la transposition des directives. Les règlements, eux, en revanche, sont directement et sans modification inscrits dans les réglementations nationales.
D’autre part, certains sujets sont encadrés par des lignes directrices, mais leur mise en musique concrète dépend de l’État membre, comme l’organisation de la coexistence entre cultures GM et non GM (cf. Quelle est la réglementation sur la coexistence des culture GM ?). En cas de contamination, l’indemnisation et la responsabilité doivent également être prévues par le droit national. Cependant, l’absence de règles nationales peut s’avérer problématique. Ainsi, l’État pourrait se voir condamner par la Cour de Justice de l’UE (CJUE) pour défaut de transposition, ou pour avoir mis en œuvre une réglementation nationale trop stricte. Mais concrètement, la Commission européenne n’a jamais « attaqué » l’Espagne, le pays qui cultive la quasi intégralité des PGM dans l’UE, pour n’avoir adopté aucune règle de coexistence.
Autre sujet dont l’encadrement relève de l’État membre : les essais en champs. Pour la dissémination d’OGM à titre expérimental, l’information et la consultation du public doivent être réalisées par les États membres, et les modalités de cette consultation relèvent de leur compétence.
Sur d’autres sujets, l’UE laisse les États totalement libre. La définition du « sans OGM » est ainsi laissée à l’appréciation des États européens. La France, l’Allemagne et l’Autriche ont mis au point une réglementation nationale sur cette question [4]. La Commission européenne envisage cependant d’élaborer une réglementation harmonisée en la matière [5], sans pour autant avoir encore formulé de proposition en ce sens.
Par ailleurs, en l’absence de précision au niveau européen, le niveau national peut prendre le relais. L’article 21.2 de la directive 2001/18 annonce qu’un seuil minimal doit être fixé pour l’étiquetage des traces inévitables d’OGM. Dans l’attente de cette précision en ce qui concerne les lots de semences, la France, conformément à l’article 21 de la loi 2008-595 doit fixer ce seuil. Le décret de mise en œuvre est toujours attendu.
Une réglementation en perpétuelle évolution
Ce cadre règlementaire évolue régulièrement, notamment pour s’adapter à l’évolution du sujet, ou découverte scientifique en la matière, mais le processus législatif est relativement long. Un projet de modification de la réglementation européenne peut facilement prendre plusieurs années. Cela est d’autant plus vrai lorsque le sujet, comme c’est le cas pour les OGM, est loin de faire consensus et nécessite de nombreuses années de négociations avant de pouvoir aboutir.
Fin 2014, plusieurs chantiers réglementaires existent : champ d’application du cadre règlementaire et nouvelles techniques de biotechnologies [6], harmonisation de l’étiquetage sans OGM, modification de la directive 2001/18 sur la nationalisation des interdictions de culture d’OGM [7].