Tribune

Détection et identification des OGM encore et toujours réclamées

Par Eric MEUNIER

Publié le 17/06/2025

    
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Trois groupes d’organisations françaises et européennes ont publiquement appelé les responsables politiques à ne pas supprimer les obligations et moyens d’étiquetage et de traçabilité des OGM obtenus par de nouvelles techniques. Le maintien de ces obligations est, pour elles, le seul moyen de garantir la liberté de choix des agriculteurs et des consommateurs, mais aussi de protéger le secteur semencier et paysan de contaminations comme de tentatives de mainmise sur le vivant par des multinationales.

Depuis le début de l’année, Parlement européen, Commission européenne et Conseil de l’Union européenne discutent d’un projet de déréglementation de la dissémination et de la commercialisation de la plupart des OGM dans l’espace européen. Alors que l’actuelle présidence polonaise du Conseil espère que le cycle de ces négociations approche de son terme fin juin, des organisations ont, par le biais de déclarations ou courriers, souhaité faire entendre leur voix sur un sujet particulier, celui de la traçabilité des OGM.

Un syndicat agricole européen estime la traçabilité « essentielle »

Dans une déclaration publiée sur son site Internet le 14 mai 2025i, la Coordination européenne de la Via Campesina (ECVC) considère que la publication des méthodes de détection et d’identification des OGM obtenus par de nouvelles techniques de modification génétique (appelées NTG, pour « nouvelles techniques génomiques ») est « absolument essentielle pour protéger les agriculteur.rice.s et les petits semenciers traditionnels de plusieurs abus rendus possibles par le projet de règlement NTG », pour également « garantir le droit des consommateur.rice.s à l’information sur la qualité et l’origine des produits qu’ils et elles achètent » et pour « protéger la santé et l’environnement en cas d’apparition après la commercialisation et la dissémination de ces OGM de dommages imposant un retrait des produits ».

Ces méthodes de détection et identification sont, rappelle ECVC, les seuls moyens d’identifier les éventuelles modifications génétiques présentes dans un organisme et donc les « seuls permettant d’identifier la présence de caractères brevetés grâce à l’utilisation de NTG dans des semences, des plantes, des produits qui en sont issus ». Si ces méthodes sont publiées, ce sont également les seuls outils à la disposition des semenciers, paysans ou autres opérateurs pour se défendre en cas de poursuites illégitimes pour contrefaçon. ECVC détaille en effet que, selon elle, « sans la publication des méthodes de détection et d’identification, il sera impossible pour les agriculteur.rice.s de prouver qu’ils et elles n’ont pas utilisé de semences brevetées, que les caractères de leurs propres semences paysannes ou traditionnelles se distinguent de tout caractère breveté ou que leurs cultures ont été contaminées ». Ce qui est en jeu ? Le risque pour ces agricultrices et agriculteurs de se faire saisir leurs récoltes et produits en cas de plainte pour contrefaçon.

Rappelant que la traçabilité documentaire est également importante pour les secteurs sous label, comme le secteur bio, ECVC formule quatre demandes formelles. Il s’agit pour le syndicat :

Des organisations françaises écrivent aux eurodéputés

Mi-juin, 17 organisations ou collectifs françaisii ont adressé au Premier ministre français et aux eurodéputés un courrieriii dans lequel elles leur demandent de s’opposer au texte en cours de discussion et qui, adopté, déréglementerait « de manière quasi-totale les nouveaux OGM, autorisant leur entrée massive dans notre alimentation à la faveur d’une opacité totale ». Une opacité totale qui vient du fait que le texte discuté pourrait supprimer « la traçabilité, l’étiquetage et les méthodes d’identification des OGM, trois piliers indispensables pour préserver les droits des agriculteurs et agricultrices, opérateurs des filières agricoles, distributeurs, ainsi que des consommateurs et consommatrices ».

Les organisations françaises estiment que les mesures imposant la traçabilité et l’étiquetage des OGM, la publication des méthodes de détection et identification, l’évaluation des risques, la possibilité donnée aux États membres d’interdire la commercialisation de tel ou tel OGM sur son territoire, le suivi post-commercialisation ainsi qu’un « système de traçabilité des semences et produits couverts par des brevets » sont une réponse aux questions inhérentes liées à la commercialisation d’OGM. Ces questions concernent par exemple leur innocuité, dont il est « impossible de préjuger », et la nécessité pour l’État de se doter des moyens de traçabilité permettant de retirer un produit en cas de problèmes sanitaires ou environnementaux apparaissant après leur dissémination. Autre exemple, les brevets sur des plantes ou informations génétiques qu’elles contiennent, qui induisent, selon les organisations, des risques majeurs de « concentration du secteur semencier entre les mains de quelques multinationales qui contrôleront ainsi toute la chaîne alimentaire et privatisation du vivant, poursuites judiciaires abusives contre les petits semenciers et les agriculteurs, fortes augmentations du prix des semences, impacts négatifs sur la souveraineté alimentaire… ». Dernier risque cité, la mise en danger de filières excluant les OGM, à l’instar de l’agriculture biologique (AB), des produits d’appellation d’origine protégée (AOP), d’appellation d’origine contrôlée (AOC), d’indication géographique protégée (IGP), ou encore les produits dits « traditionnels », qui ont la référence « sans OGM » dans leur cahier des charges et qui, en l’absence de mesure de coexistence, se trouvent menacés dans leur existence même.

Des organisations européennes à l’unisson

Début juin, cinquante organisations européennes ont également rendu publique une lettreiv portant les mêmes demandes qu’ECVC. Défendant la liberté de choisir pour les citoyens européens, qu’ils soient consommateurs, semenciers, opérateurs de la chaîne agroalimentaire, paysans… ces organisations écrivent que « l’étiquetage et la traçabilité des plantes NTG et de leurs produits sont essentiels pour maintenir la traçabilité, confiance et liberté de choix ».

A l’instar d’ECVC, les organisations soulignent également les risques liés à une potentielle commercialisation non encadrée d’OGM par des règles de traçabilité, étiquetage, évaluation des risques… Pour ces organisations, ne pas se doter des moyens techniques et légaux permettant de « tracer et étiqueter les OGM obtenus par de nouvelles techniques génomiques sape les droits fondamentaux de 450 millions de citoyens européens mais également l’intégrité de l’agriculture sans OGM/NTG ».

i ECVC, « Traçabilité des OGM issus de nouvelles techniques génomiques : La publication obligatoire des méthodes de détection et d’identification est indispensable », 14 mai 2025.

ii Amis de la Terre Landes, Bio Consom’Acteurs, Collectif Vigilance OGM et Pesticides 16, Confédération Paysanne, Demeter France, Fédération Nature & Progrès, FNAB, Foll’avoine, Foodwatch, France Nature Environnement, Générations Futures, GIET, Mouvement de l’agriculture biodynamique, Natexbio – La Maison de la Bio, Objectif Zéro OGM, Pollinis, Synabio, UFC-Que Choisir.

iii Collectif, « Lettre ouverte au Gouvernement et aux eurodéputé.e.s – Nouveaux OGM, ne sacrifions pas notre agriculture et notre alimentation », 11 juin 2025.

iv Collectif, « Lettre ouverte : 50 organisations européennes demandent l’étiquetage obligatoire des nouveaux OGM », 2 juin 2025.

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