Fiche technique / Etat des lieux

Des Etats-Unis à l’Inde : le coton transgénique tisse sa toile

Par Eric MEUNIER, Caroline QUAZZO

Publié le 28/02/2003, modifié le 08/07/2024

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L’histoire du coton est ancienne. Des restes de tissus en coton ont été retrouvés dans la vallée de l’Indus, en Inde, datant de 3200 ans avant JC. Un autre centre d’origine du coton a été découvert au Mexique. Mais, c’est à partir de l’Inde qu’a eu lieu la diffusion du coton, vers le Moyen Orient, puis l’Egypte, puis, en parallèle, vers l’Afrique et l’Europe. Le coton est encore aujourd’hui la principale source végétale pour tout ce qui est tissu, utilisé principalement sous forme de fibres. Ses co-produits entrent dans l’alimentation animale (tourteaux) et humaine (sous forme d’huile), mais leur disponibilité est tributaire du coton textile. Il représente une culture de rente importante pour nombre de pays en voie de développement. La culture intensive du coton est particulièrement dépendante de l’application de très nombreux pesticides. Actuellement plus de 10% des herbicides et près de 25% des insecticides utilisés dans le monde sont consacrés à la culture du coton (1). Mais les parasites deviennent de plus en plus résistants aux insecticides et des mauvaises herbes tolérantes aux herbicides se développent. L’emploi des pesticides s’accroît donc tandis que les prix mondiaux du coton se réduisent, diminuant d’autant les revenus des agriculteurs, obligés de s’endetter. Face à l’escalade de la demande de pesticides, le coton transgénique serait, selon les entreprises de biotechnologie, l’unique solution, et ce malgré la remise en cause des bénéfices avancés, les risques environnementaux et sanitaires, ou encore la possibilité de productions alternatives utilisant des cultures conventionnelles.

Les cotons génétiquement modifiés mis sur le marché sont « résistants » aux insectes et / ou aux herbicides, comme 99% des plantes transgéniques actuellement commercialisées. Le coton Bt a été modifié pour produire son propre insecticide, une protéine issue de la bactérie Bacillus thuringensis (Bt), principalement contre le ver de la capsule du coton (Helicoverpa zea ou « bollworm ») ; la variété de coton Bt se nomme Bollgard (ou Ingard, en Australie). Le coton Bt est le principal coton transgénique commercialisé. En ce qui concerne la tolérance aux herbicides, les variétés de coton produites sont tolérantes au glyphosate (coton Roundup Ready), à l’Oxynil (coton BXN) – toutes deux propriétés de Monsanto -, ou au sulfonylurea (Dupont). Enfin, une dernière variété de coton transgénique, BXN Bt, présente la double caractéristique de tolérer un herbicide (oxynil) et de produire du Bt.

Etat des lieux

20% du coton mondial est transgénique : selon l’ISAAA (International Service for the Acquisition of Agri-biotech Applications), la surface totale de coton OGM cultivée en 2002 serait de 6,8 millions d’hectares (Mha), soit 12,8% de la surface globale de cultures transgéniques (53 Mha). Le coton arrive en troisième position, après le soja et le maïs. Le premier coton transgénique fut commercialisé en 1994 aux Etats-Unis. Huit pays autorisent les cultures commerciales : l’Afrique du Sud, l’Argentine, l’Australie, la Chine, les Etats-Unis, l’Inde, l’Indonésie et le Mexique (cf. tableau ci-dessous).

 



























































































































































Pays


Variété

autorisée


Date d’autorisation


Surface cultivée

(2002) en Mha


Culture commercial


Alimentation

Humaine/animale


Afrique du sud


Bollgard I


1997


1997 / 1997


0,1 (en 2000)


Argentine


Bollgard I


1998


1998 / 1998

 
 

Bollgard II


2002


2002

 
 

Roundup Ready


1999


2001 / 2001

 

Australie


Bollgard I


1996


1996 / 1996

 
 

Roundup Ready


2000


2000

 
 

BXN

 

2002 / 2002

 

Canada


BXN

 

1996 / 1996

 
 

Roundup Ready

 

1996

 
 

Bollgard I

 

1996 / 1996

 

Chine


Bollgard I


1997


1997 / 1997


2,2 (51% du coton total)

 

Bt local

     

Etats-Unis


Bollgard I


1995


1995 / 1995


3,6 (71%)

 

Bollgard II


2002


2002

 
 

Dupont


1996


1996 / 1996

 
 

BXN


1994


1994 / 1994

 
 

BXN Bt


1997


1998 / 1998

 
 

Roundup Ready


1995


1995 / 1995

 

Inde


Bollgard I


2002

 

0,04


Indonésie


Bollgard I


2001

 

0,004


Japon


BXN


1997


1997 / 1998

 
 

BXN Bt


1998


1999 / 1999

 
 

Bollgard I


1997


1997 / 1997

 

Mexique


Bollgard I


1997


1997 / 1997


50%


Tableau réalisé par Inf’OGM, notamment à partir de agbios.com

Les Etats-Unis sont les premiers producteurs mondiaux de coton transgénique. Il est cultivé sur 3,6 millions d’hectares, ce qui représente plus de 70% du coton cultivé aux Etats-Unis. Il s’agit pour 50% de coton tolérant un herbicide, pour 2% de coton Bt et pour 48% de coton ayant les deux caractéristiques.

La Chine enregistre, en 2002, une forte augmentation des surfaces de culture de coton transgénique. Par rapport aux surfaces totales de coton, celles-ci représenteraient, en 2001, 38% selon la Chinese Academy of Agricultural Sciences et 62% selon Monsanto (2).

L’Inde est le pays qui sème le plus de coton dans le monde (9 Mha), mais elle n’est que le troisième producteur mondial de coton derrière la Chine et les Etats-Unis du fait de faibles rendements. L’Inde a autorisé les cultures de coton Bt en 2002. Selon la Confédération de l’industrie indienne, « les variétés transgéniques [autorisées] pourraient mettre l’Inde en position dominante par rapport aux principaux producteurs mondiaux de coton » (3).

L’Afrique du Sud a autorisé la commercialisation du coton Bt par le biais de la loi sur les organismes génétiquement modifiés (GMO Act 15) en 1997. Ce fut la première variété transgénique commercialisée en Afrique. En 2000, 100 000 ha de coton Bt ont été plantés en Afrique du Sud (4).

En Indonésie, l’autorisation délivrée en 2001 a concerné 7 districts de la province de Sulawesi. Environ 40 tonnes de semences ont alors été importées d’Afrique du Sud pour une mise en culture sur 4000 hectares, malgré des résistances anti-OGM organisées dès le mois d’avril 2001. Ce pays avait au préalable autorisé des essais en champ durant cinq ans, menés notamment par Monsanto/PT Monagro Kimia (500 hectares en 2000).

En Europe, il n’y a pas de variétés de coton transgénique autorisées à la culture. Deux variétés ont reçu un avis favorable du Comité Scientifique de l’UE, le 14 juillet 1998. Le Royaume-Uni a délivré, en décembre 2002, une autorisation de mise sur le marché pour deux huiles dérivées de coton transgénique. Ces autorisations ne constituent pas une entorse au moratoire de 1999, car elles ont été jugées équivalentes en substance aux huiles dérivées de coton conventionnel et ont été autorisées selon le Règlement Novel Food (258/97).

Des bénéfices controversés

Au niveau des bénéfices potentiels du coton transgénique, les études et observations divergent de façon importante (cf. encadré ci-dessous).



L’Exemple de la Chine

L’utilisation croissante des pesticides et fertilisants chimiques a été un facteur majeur de croissance de la production et de la productivité chinoises, spécialement durant les 20 dernières années. Ainsi, les producteurs de coton chinois sont devenus les plus grands utilisateurs de pesticides. Depuis qu’il a été reconnu que ces derniers peuvent engendrer des effets néfastes (dégradation des sols, de l’eau ou de la santé humaine (5)), le gouvernement a décidé de réguler leur utilisation et a énormément investi dans la biotechnologie, pensant qu’elle offrirait une nouvelle solution à l’invasion de parasites. Une étude réalisée par le Consortium international de la Recherche en Biotechnologie agricole a montré que les agriculteurs utilisant le coton Bt appliqueraient moins de pesticides (20 kg/ha contre 44 kg/ha) et dépenseraient ainsi moins d’argent (6). Cependant, ceci doit être mis en balance avec les investissements gouvernementaux nécessaires aux recherches pour que l’utilisation massive du coton Bt ne conduise pas au développement rapide de parasites résistants. Le gouvernement chinois subventionne considérablement la recherche en biotechnologie tout en développant des mesures de prudence à l’encontre des produits OGM en provenance de l’étranger, et notamment des Etats-Unis. Certains estiment que cette politique cache une stratégie commerciale protectionniste. Ainsi, pour l’ensemble des produits transgéniques, le gouvernement a renforcé ses contrôles des marchandises importées en Chine (7) et a décidé de limiter les investissements étrangers dans ce domaine afin, d’après Duan Wude, directeur du Département de Science, Technologie et Education du Ministère de l’Agriculture, « d’être prudent sur les introductions de technologies étrangères en Chine ».


Dans une étude(8) réalisée en 2001 au Mexique, Greg Traxler rend compte des avantages de la culture de coton transgénique : diminution de la quantité de pesticide appliquée de 80%, augmentation des rendements de l’ordre de 0,29 tonne/ha avec le coton Bt, qualité supérieure de la fibre. L’ensemble de ces bénéfices se traduit, d’après Traxler, par un gain de 295$/ha par rapport à une culture de coton conventionnel. David Zilberman (Berkeley) et Matin Qaim (Centre pour la Recherche et le développement de l’Université de Bonn) ont testé, en 2001, l’efficacité en Inde du coton Bt, avec un essai sur 395 exploitations dans sept états indiens9. Dans trois champs contigus, les fermiers étaient invités à planter du coton Bt, du coton conventionnel de la même variété, et une troisième variété d’hybride local. La quantité de pesticide utilisée pour le coton Bt était de 65 à 70% moindre que sur les deux autres parcelles et le rendement de 80% supérieur. « Il est vrai que l’invasion des anthonomes a été particulièrement sévère en 2001 », reconnaît Matin Qaim. « Mais dans des études préliminaires effectuées entre 1998 et 2001, nous avons constaté une hausse de rendement de 60% », explique-t-il. Mais cette étude, « basée sur de maigres et douteux résultats d’essais en champ », a été dénoncée pour sa partialité, en particulier par S. Shantharam, de l’Institut International de Recherche Alimentaire.

D’autres études mettent en doute ces bénéfices supposés. Y. Ismaël (10), du département britannique d’économie agricole et alimentaire, qui fait état de résultats très favorables au coton transgénique en Afrique du Sud, conclut cependant son analyse en expliquant que « la période d’étude de 2 ans est courte, aucune conclusion définitive ne peut être dressée quant aux dynamiques de la régions. Quelques paysans pourraient décider de retourner aux variétés de coton non transgénique et ce au vu d’une éventuelle augmentation du prix des semences. (…) Finalement, plusieurs années de données sont nécessaires avant qu’un jugement final des bénéfices liés au coton Bt par les petits exploitants puisse être effectif ». Enfin, il estime qu’une étude complète devrait mesurer la différence potentielle de bénéfices entre les grands exploitants commerciaux et les micros exploitations familiales, au regard des difficultés d’investissement de ces derniers (notamment en termes d’achat des semences).

Dans une étude(8) réalisée en 2001 au Mexique, Greg Traxler rend compte des avantages de la culture de coton transgénique : diminution de la quantité de pesticide appliquée de 80%, augmentation des rendements de l’ordre de 0,29 tonne/ha avec le coton Bt, qualité supérieure de la fibre. L’ensemble de ces bénéfices se traduit, d’après Traxler, par un gain de 295$/ha par rapport à une culture de coton conventionnel. David Zilberman (Berkeley) et Matin Qaim (Centre pour la Recherche et le développement de l’Université de Bonn) ont testé, en 2001, l’efficacité en Inde du coton Bt, avec un essai sur 395 exploitations dans sept états indiens9. Dans trois champs contigus, les fermiers étaient invités à planter du coton Bt, du coton conventionnel de la même variété, et une troisième variété d’hybride local. La quantité de pesticide utilisée pour le coton Bt était de 65 à 70% moindre que sur les deux autres parcelles et le rendement de 80% supérieur. « Il est vrai que l’invasion des anthonomes a été particulièrement sévère en 2001 », reconnaît Matin Qaim. « Mais dans des études préliminaires effectuées entre 1998 et 2001, nous avons constaté une hausse de rendement de 60% », explique-t-il. Mais cette étude, « basée sur de maigres et douteux résultats d’essais en champ », a été dénoncée pour sa partialité, en particulier par S. Shantharam, de l’Institut International de Recherche Alimentaire.

D’autres études mettent en doute ces bénéfices supposés. Y. Ismaël (10), du département britannique d’économie agricole et alimentaire, qui fait état de résultats très favorables au coton transgénique en Afrique du Sud, conclut cependant son analyse en expliquant que « la période d’étude de 2 ans est courte, aucune conclusion définitive ne peut être dressée quant aux dynamiques de la régions. Quelques paysans pourraient décider de retourner aux variétés de coton non transgénique et ce au vu d’une éventuelle augmentation du prix des semences. (…) Finalement, plusieurs années de données sont nécessaires avant qu’un jugement final des bénéfices liés au coton Bt par les petits exploitants puisse être effectif ». Enfin, il estime qu’une étude complète devrait mesurer la différence potentielle de bénéfices entre les grands exploitants commerciaux et les micros exploitations familiales, au regard des difficultés d’investissement de ces derniers (notamment en termes d’achat des semences).

Par ailleurs, des chercheurs de l’Université d’Arkansas (11) estimaient en 1997 la perte financière par hectare de culture de coton transgénique à 12$. Cette étude se basait sur la comparaison de rendement de cultures de coton Bt avec des cultures de coton conventionnel ; les facteurs de baisse de revenu étaient le coût d’achat des semences et des régulateurs de croissance de plantes et la différence de rendement par hectare. Une autre étude, effectuée en 2000 par J.S. Bacheler (12), de l’Université de Caroline du Sud (Etats-Unis), indiquait tout d’abord une faible différence dans la susceptibilité des cultures de coton Bt et conventionnel aux attaques d’insectes mais, également, des coûts de culture équivalents (coûts dus au contrôle des insectes, aux dommages après attaques des insectes, à la technologie) estimant, au final, des bénéfices inférieurs de 4$ par hectare de coton Bt par rapport au coton traditionnel.

En 2002, des agriculteurs indiens ont dû faire face à une crise financière pour avoir investi cinq fois plus d’argent dans l’achat de semences de coton Bt (4500 roupies par hectare au lieu de 950 roupies pour des semences traditionnelles), qui se sont révélées être sensibles aux insectes auxquels elles étaient théoriquement résistantes. Ceci a renforcé la déception des agriculteurs indiens vis-à-vis de la politique agricole indienne et des produits OGM (faible hausse de productivité, coût élevé des semences transgéniques) (13).

La culture du coton transgénique comporte des risques potentiels dont la connaissance, comme pour l’ensemble des plantes transgéniques, est encore balbutiante. Ces risques se déclinent autour de deux grandes questions : quels sont les impacts potentiels sur l’environnement ? quels sont les impacts potentiels sur notre santé ?

Résistances et contaminations

Un risque des cultures transgéniques exprimant un insecticide est l’apparition de résistance chez les organismes ciblés due à l’exposition continue aux substances toxiques. Pour Charles Benbrook, ancien secrétaire de la section agronomique de l’Académie Nationale des Sciences (Etats-Unis) (14), « un champ de maïs ou de coton Bt produit 10 000 à 100 000 fois plus de Bt que ce qu’utiliserait un agriculteur employant de façon intensive des traitements Bt ». L’expression de la toxine, par la totalité des cellules de la plante et en permanence, implique que la pression sélective est plus forte que dans le cas de pulvérisations d’insecticides, d’où l’apparition plus rapide de résistances.

Pour éviter un tel phénomène, l’Agence américaine pour la protection de l’environnement (Environmental Protection Agency – EPA) préconise la mise en place de zones cultivées avec des variétés conventionnelles de coton, appelées « zones refuges », ceci afin de préserver une proportion suffisante d’insectes « sensibles » (15) : l’EPA impose une surface de « zones refuges » correspondant à 20% de culture de coton classique, ou 5% mais sans utilisation d’insecticide. Cette mesure doit également être appliquée lorsque le coton Bt se situe à proximité de champs de maïs Bt, le parasite (Helicoverpa zea) étant commun aux deux cultures. Lorsque les larves développent une résistance au Bt sur le maïs Bt, elles deviennent donc également insensibles aux mécanismes de défense du coton Bt. Malgré ces mesures de précaution, l’apparition d’insectes ravageurs (commel’Helicoverpa armigera) devenus résistants à la toxine censée les tuer a été observée aux Etats-Unis et en Chine principalement (16).

En Chine, Greenpeace conclut dans un rapport (17) que le coton Bt ne sera plus capable d’ici 8 à 10 ans de contrôler la prolifération d’insectes « nuisibles » (à l’instar du charançon du cotonnier) contre lesquels il a été mis au point. Des tests en laboratoire et en champ, conduits par 4 instituts scientifiques nationaux, montrent qu’une résistance est apparue parmi ces insectes et que des ennemis naturels de cet insecte sont en voie d’extinction.

Le lancement des cultures commerciales de coton Bt en Inde, en 2002, a été aussi sévèrement critiqué, même par des scientifiques favorables aux biotechnologies. En effet, les agriculteurs n’ont pas respecté la mise en place de ces zones refuges (18).

Un autre risque pour l’équilibre du milieu végétal est celui de l’acquisition de tolérance à un herbicide par les mauvaises herbes environnantes, dans le cas de cultures de coton transgénique résistant aux herbicides. Neil Rhodes et Bob Haye (19) (Université du Tennessee) ont montré qu’une plante sauvage appelée « Coniza canadensis » est apparue dans 100 000 hectares de coton (36% des cultures de coton de cet Etat), suite à l’acquisition par cette plante d’une résistance au glyphosate. Cette « mauvaise herbe » menace aussi 100 000 hectares de soja. Les tests en laboratoire ont démontré qu’il fallait six fois le taux normal de glyphosate pour parvenir à détruire la plante incriminée.

Les repousses de coton Roundup Ready deviennent aussi un problème dans les rotations culturales. Les agriculteurs cultivant une année du coton RR et l’année suivante du soja RR, voient en effet apparaître des repousses de coton (résistantes au Roundup) (20) non désirées. D’où l’obligation d’utiliser d’autres types d’herbicides sélectifs, souvent plus toxiques. Ainsi, l’étude réalisée aux Etats-Unis, par des chercheurs de l’Université de Clemson (21) (Caroline du Sud) rend compte de la propagation du cotonnier transgénique dans les champs de soja : cette propagation entraîne également le développement de parasites, tels l’anthonome du cotonnier.

A ces risques viennent s’ajouter ceux de contaminations.

Le coton existe aussi à l’état sauvage, tout comme il existe des plantes apparentées. Si du coton transgénique venait à être disséminé dans les centres de biodiversité du coton, ces variétés « sauvages » ou apparentées seraient susceptibles d’être contaminées par flux de gène. Ainsi, en Floride (Etats-Unis), il est précisé sur les sacs de semences de coton transgénique « ne pas planter au-dessous du 10ème parallèle », pour éviter cette contamination génétique. Cela n’empêche pourtant pas Monsanto de commercialiser son coton OGM au Mexique. En Thaïlande, en 1999, des groupes d’agriculteurs ont mis en évidence, après analyse, la présence de gènes Bt dans des échantillons prélevés hors des sites accordés à Monsanto. Sous la pression des mouvements d’opposition de la société civile, le gouvernement a décidé de décréter un moratoire, mettant un terme aux essais en champ de coton transgénique de Monsanto (22). Enfin, en Indonésie, une étude (23), conduite de septembre 2001 à août 2002 par Maharmah Nadir, chercheur du Bogor Institute of Agriculture, a montré, sur des bases d’analyses moléculaires, qu’une contamination issue d’un champ de coton génétiquement modifié appartenant à PT Monagro Kimia, filiale de Monsanto, avait eu lieu dans les cultures de coton avoisinantes.

A ces contaminations polliniques, s’ajoutent celles liées à la non-étanchéité des filières de production. Ainsi, en août 2000, en Australie et en Grèce, plusieurs tonnes de coton Roundup Ready ont été mélangées à des semences traditionnelles et ont contaminé la chaîne de l’alimentation animale sous forme de tourteaux.

Absence d’études sanitaires à long terme

Les agences et académies scientifiques d’Argentine, Australie, Canada, Chine, Japon, Mexique, Afrique du Sud et l’Agence pour la Protection de l’Environnement aux Etats-Unis ont déclaré que le coton transgénique ne présentait pas plus de risques pour la santé humaine et animale que le coton traditionnel (24). Cependant, les associations écologistes dénoncent les procédures d’autorisation des OGM dans ces pays, car elles sont basées sur le principe de l’équivalence substantielle et ne requièrent donc pas d’études toxicologiques ou épidémiologiques à long terme. D’une manière générale, aucun OGM n’a fait l’objet d’étude à long terme sur la santé.

Mae Wan Ho, responsable de l’Institute for Science in Society, dénonce la présence du gène aad de résistance à un antibiotique dans les cotons transgéniques de Monsanto (Bollgard et RR). Elle estime que la bactérie responsable de la gonorrhée peut acquérir ce gène et ainsi devenir résistante.

Dans le domaine non-alimentaire, les risques relatifs à la santé des consommateurs ont été étudiés en Europe, notamment en ce qui concerne le coton blanc utilisé dans le domaine médical et hygiénique. Le Comité scientifique directeur (CSD), qui conseille la Commission européenne, a rendu un avis le 4 juillet 2001 (25), pour répondre à deux questions :


 Les fibres de coton génétiquement modifié peuvent-elles avoir des caractéristiques différentes de celles des fibres de coton conventionnel, qui influenceraient alors en retour l’évaluation des risques ?


 Le coton génétiquement modifié engendre-t-il des déficiences au niveau de la sécurité de l’hygiène féminine, des produits pour bébés et à usage médical par rapport au coton conventionnel ?

En conclusion, le CSD a estimé qu’il ne voit aucune raison pour laquelle ces produits en coton génétiquement modifié présenteraient des risques accrus, par rapport aux produits en coton non génétiquement modifié. il estime cependant nécessaire de procéder à des évaluations de risques réalisées « au cas par cas en y incluant notamment la définition des inserts moléculaires et leurs effets sur le métabolisme et la structure des fibres, l’analyse du contenu protéique des fibres brutes ou transformées, la preuve de l’équivalence substantielle des caractéristiques physico-chimiques des produits médicaux et d’hygiène fabriqués à partir de matériel végétal génétiquement modifié et de ceux fabriqués à partir de matériel végétal non génétiquement modifié ».

Risques économiques

Comme tout OGM, le coton transgénique est protégé par des brevets. Dans le cas du coton, les brevets déposés concernent des plants de coton dont la qualité des fibres a été améliorée, ayant une teneur en huile plus élevée, producteur d’insecticide (Bt) ou tolérant un herbicide. Le risque économique se pose en terme de dépendance des cultivateurs envers l’entreprise détentrice du brevet, ceux-ci devant payer chaque année une contre-partie financière pour avoir le droit de planter les semences concernées par le brevet. Et ce, que le coton soit planté volontairement ou que la culture d’un coton conventionnel soit contaminée par du coton transgénique breveté, comme le montre le cas de l’agriculteur canadien Percy Schmeiser (26) avec du colza contaminé.

L’agriculture durable comme alternative

Le coton est principalement cultivé de façon intensive, ce qui pose des problèmes écologiques importants (contamination des sols et de l’eau, érosion, etc…). Les OGM, loin d’être une réponse à ces problèmes, sont un moyen technique de conforter cette intensification et posent de nouveaux risques, imprévisibles et irréversibles, en terme de contamination génétique. C’est l’agriculture durable qui représente une vraie alternative aux systèmes agraires intensifs et aux OGM.

Nous présenterons ici trois initiatives de production durable de coton.

En Inde, dans l’Andhra Pradesh, à Kemeri Mandal (27), un cultivateur de coton a décidé en 1997 de mettre un terme à l’utilisation massive de pesticides, en renouant avec des pratiques plus traditionnelles de culture (fumure, rotations…). Le résultat de cette expérience montre que les dommages causés par le parasite Helicoverpa sont bien moindres ; les quatre dernières années, l’exploitant a récolté plus de 20 quintaux de coton par hectare (soit plus de 5 à 7,5 quintaux supplémentaires par ha que les rendements habituels). Le taux d’investissement a aussi considérablement baissé. En 2002, l’Office agricole de cette province a estimé que plus de 1200 ha de coton sont ainsi cultivés, sans avoir recours aux pesticides.

Deux projets ont été mis en place par la société suisse Remei S.A. (28) en Inde et en Tanzanie. En Inde, le projet, démarré en 1992 à Maikaal, propose de cultiver le coton selon des principes bio-dynamiques. A Maikaal, « actuellement la plus importante communauté de production de coton bio au monde », 1120 paysans cultivent 8129 ha, et produisent 2363 t. de coton brut par an. En Tanzanie, le projet Meatu a débuté en 1994 et, actuellement, 750 agriculteurs cultivent 8689 ha, produisant 1200 t. de coton biologique brut. Le coton est vendu en Europe, sous le label du commerce équitable Naturaline.

Un dernier exemple est celui de la Ferme de Sekem (29), installé en 1976, en Egypte, dans le désert proche du Caire. Le terrain sableux fut transformé en une couche de terre arable grâce à l’apport régulier de matières organiques et au creusement de plusieurs puits. De 15 hectares de coton biologique, la surface cultivée est passée à 500 hectares en 1994. 40% de la production est exportée vers des entreprises spécialisées, principalement en Europe.

NOTES

1, GRAIN, décembre 2001, « Discrète introduction du coton Bt en Asie du Sud-Est », in Seedling, Reconquérir la diversité agricole.

Sélection d’articles 1999-2001, traductions réalisées par BEDE

2, Chaudhry R., novembre 2002, « Impact of genetically Engineered Cotton in the World », http://www.icac.org/

3, AFP, 28 mars 2002

4, Ismaël Y., Bennett R., Morse S., décembre 2001, « Farm level impact of Bt cotton in South Africa », in Biotechnology and Development Monitor, Perspectives, n°48, pp.15-19.

5, Xiang H. et al., août 2000, « Agricultural work-related injuries among farmers in Hubei, People’s Republic of China », in American Journal of Public Health. n°90(8), pp. 1269-76.

6, Huang et al., 2001, « Biotechnology as an Alternative to Chemical Pesticides : A Case Study of Bt Cotton in China », http://icgr.caas.net.cn/China/ICABR.htm

7, CHINE – Contrôle accru des importations

8, Traxler G. et al., 2001, « Transgenic cotton in Mexico : Economic and Environmental impacts », in Economic and Environnemental Impacts of First Generation Biotechnologies, ed. Nicolas Kalaitzandonakes

9, Qaim M., Zilberman D., février 2003, « Yield effects of genetically modified crops in developing countries », in Science, n°299(5608), pp. 900-2

10, cf. note 4

11, http://www.igc.org/

12, Bacheler J.S., mars 2000, « Bollgard Cotton Performance Expectacions for North Carolina Producers », http://www.cropsci.ncsu.edu/ccn/200…

13, INDE – Crise agricole

14, Cité in Berlan J.P. et al., La Guerre au vivant, éd. Agone, 2001, 166 p.

15, Télécharger le doc

16, cf. Inf’OGM n°16 et http://www.ncga.com/11biotechnology…

17, Xue D., 2002, « A Summary of Research on the Environmental Impacts of Bt-cotton in China », http://www.botanischergarten.ch/deb…

18, Kameswara Rao, février 2003, « One swallow does not make the summer », Foundation for Biotechnology Awareness and Education, http://www.fbae.org

19, http://deltafarmpress.com/ar/farmin…

20, http://deltafarmpress.com/ar/farmin…

21, cf. Inf’OGM 9, p.3 et New Scientist, 15 avril 2000

22, cf. note 1

23, The Jakarta Post, 21 novembre 2002

24, http://www.icac.org

http://www.cotton.org/tech/Expert-P…

25, http://europa.eu.int/comm/food/fs/s…

26, http://www.infogm.org/article.php3?…

27, GRAIN, « Pesticide-free cotton cultivation in Kemeri Mandal of Adilabad district »

28, http://www.remei.ch

29, http://www.sekem.com

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