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Anses : la dérèglementation des OGM n’est pas fondée scientifiquement
Dans un rapport publié hier, 21 décembre 2023, les experts français de l’Anses jugent que les critères proposés pour dérèglementer les OGM sont sans fondement scientifique. Ce rapport détaille un manque de clarté des termes scientifiques utilisés ainsi que des insuffisances, voire des lacunes, de justifications scientifiques aux critères proposés par la Commission européenne.
Les experts du groupe de travail « Biotech » de l’Anses [1] se sont posés une question simple : « dans quelle mesure les plantes [NTG catégorie 1, exemptées d’évaluation des risques] peuvent-elles être effectivement considérées comme équivalentes à des plantes conventionnelles ? » [2]. La question est fondamentale. Cette équivalence théorique est la clef de voûte du raisonnement de la Commission européenne pour proposer que les OGM/NTG de catégorie 1 ne soient pas soumis à une évaluation des risques, ni tracés et étiquetés. La Commission propose en effet qu’un végétal modifié génétiquement par de nouvelles techniques soit « considéré comme équivalent à un végétal conventionnel lorsqu’il diffère du végétal récepteur/parental d’un maximum de 20 modifications génétiques ». En conséquence, et parce que leurs « profils de risque [seraient] comparables », ces OGM/NTG de catégorie 1 pourraient « déroger entièrement à la législation de l’Union sur les OGM » [3]. Mais, en regardant de plus près les critères proposés par la Commission européenne pour déclarer un OGM comme NTG de catégorie 1, les experts français de l’Anses ne partagent pas du tout ce raisonnement.
La Science ne peut être évoquée en soutien de la proposition
Ce serait peu de dire que les experts de l’Anses se montrent sévères avec la Commission européenne et ses raisonnements scientifiques. Ils écrivent ainsi que le postulat de base considérant que « des catégories de plantes qui seraient équivalentes en type, taille et nombre de variations ou modifications génétiques seraient équivalentes en type de caractères et niveau de risques » n’a tout simplement pas de justification scientifique.
Ils listent également plusieurs erreurs ou lacunes de raisonnement scientifique que présente la proposition de la Commission européenne. Ainsi, concernant le nombre de modification génétique proposé comme acceptable selon la Commission pour décréter une absence de risque, ils estiment que cette proposition « n’est pas scientifiquement fondée en termes de risques : le risque associé n’est pas directement proportionnel à un nombre de modifications quelles qu’elles soient ». Dans le cas d’insertion de séquences génétiques exemptées d’évaluation de risques, plus qu’une absence de justification scientifique, cela n’a même pas « de sens biologique ».
Par ailleurs, les experts français considèrent que l’ « absence de considération [par la Commission européenne] des modifications génétiques non intentionnelles potentiellement localisées hors des sites ciblés et des séquences similaires (à part les éléments transgéniques) n’est pas justifiée ».
Un choix politique qui serait non justifié scientifiquement
L’Anses, qui s’approprie le rapport de ses experts, estime que plusieurs termes, expressions et raisonnements manquent de clarté dans le texte de la Commission. Ce manque de clarté pourrait même mener à « un risque de distorsions entre les dossiers [de demande de classification en catégorie 1], lié à l’interprétation de chaque demandeur ». Pour l’Anses, déclarer inutile d’évaluer les risques potentiels liés aux OGM/NTG est donc sans fondement scientifique. Mais, sur ce point, la décision finale « relève du débat et de choix faits » par le législateur. Un fait que la Commission européenne avait rappelé aux entreprises début 2023 pour les rassurer, leur expliquant qu’une « décision quant à savoir si une évaluation des risques devrait être conduite ou non sur les plantes NTG n’est pas du ressort » des experts européens [4].