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BELGIQUE – Culture de PGM en Wallonie : pas interdite, mais très risquée
Le 11 juin, les députés régionaux wallons ont voté un décret sur les OGM, élaboré par le ministre de l’Agriculture, Benoît Lutgen, dont le but est, selon leurs propres propos, « d’assurer un avenir à l’agriculture de qualité, biologique ou traditionnelle ». Ce décret [1] entend, comme le précise le ministre, s’opposer à l’ « intransigeance [de la Commission européenne] face aux pays qui se déclarent « non OGM » ».
Ce décret qui transpose l’article 26bis de la directive 2001/18, article qui autorise les Etats membres à prendre les mesures nécessaires pour éviter la contamination d’autres produits par les OGM, a pour but non pas d’interdire purement et simplement les cultures GM, mais de fixer des conditions très strictes en matière de coexistence avec l’agriculture conventionnelle ou biologique. Ainsi, toute culture GM devra, avant semis, être autorisée par l’autorité compétente, autorisation qui sera accordée pour chaque parcelle et pour chaque saison de récolte. L’agriculteur devra aussi notifier sa culture à tous les agriculteurs voisins, un fonds de compensation sera instauré et financé exclusivement par les agriculteurs qui décident de cultiver des PGM, des zones sans OGM pourront être créées et la loi prévoit des lourdes amendes (de 100 à 100 000 euros), voire une possibilité d’arrachage, en cas de menaces sur la viabilité économique de certaines filières ou le non-respect du nouveau décret. En Wallonie, le fonds de compensation assurera une couverture totale des pertes éventuelles, même si un champ n’est pas voisin d’une culture GM. Ce décret précise aussi un certain nombre d’éléments en matière d’isolement de la parcelle, et des conditions sont définies du semis jusqu’au stockage des récoltes.
Ce décret s’est inspiré des lois portugaise et danoise et de l’interdiction de la Haute Autriche qui avait été condamnée par la CJCE. La question de la compatibilité entre ce décret et les législations nationales et européennes est posée.
Le mythe du retard de la recherche
A noter que le vote du décret au Parlement wallon a suscité un débat passionné, comme toujours quand les OGM sont au programme des Parlements. Cependant, seul le Mouvement Réformateur (MR), parti politique wallon de centre droit, s’est opposé au décret, notamment au nom de la « recherche » et de l’économie que, selon eux, « le décret risque de brider ». « La recherche ne peut se satisfaire d’un laboratoire », a ainsi déclaré le député Claude Ancion. Le PS a lui aussi exprimé ses inquiétudes par rapport à la recherche, mais il a finalement soutenu le texte. « Certes, nous pouvons développer des programmes de contrôle mais il ne faut jamais oublier qu’en matière de contrôle, on ne détecte que ce qu’on connaît déjà et donc, j’ai bien peur qu’en adoptant ce type de stratégie, la recherche publique soit toujours en retard », a expliqué Françoise Fassiaux, députée socialiste wallone. Mais Benoît Lutgen a précisé que ce décret ne concerne pas les essais de culture à des fins de recherche, notamment parce que cette compétence appartient au fédéral.
Les associations, à l’instar de Nature & Progrès et de l’Union Nationale des Agrobiologistes Belges, se sont réjouies de ce décret, mais elles « attendent maintenant les arrêtés d’application. Le plus important sera celui qui permettra aux agriculteurs de pouvoir cultiver et d’être indemnisés en cas de pollution à partir du seuil de détection ».