Utilisation confinée d’OGM : quelles sont les nouvelles règles ?
La loi française sur les OGM prévoyait l’adoption de plusieurs textes réglementaires, nécessaires pour préciser de nombreux points et rendre applicable la loi. Parmi eux, figurait celui concernant l’utilisation des OGM en milieu confiné, adopté finalement le 23 septembre 2011. L’occasion de revenir sur ces OGM moins connus.
Les Organismes Génétiquement Modifiés (OGM) font couramment référence aux plantes. Et qui plus est, aux plantes transgéniques. Mais dans OGM, le terme « organisme » regroupe aussi bien les plantes que les animaux, les cellules isolées de plantes ou animaux et les microorganismes (bactéries, virus…). Ils peuvent être utilisés sous serre, en laboratoire ou dans des fermenteurs (ou incubateurs). Ces trois derniers cas sont ce que l’on appelle des milieux confinés, régis par une réglementation spécifique.
Des OGM soumis à un régime particulier
La recherche et les entreprises utilisent des OGM en milieu confiné, qu’il s’agisse des plantes transgéniques cultivées sous serre, des animaux expérimentaux ou de micro-organismes transgéniques multipliés en fermenteur. La faible probabilité de dissémination dans l’environnement extérieur, au sens large, de ces OGM, a conduit le législateur français à adopter un régime de gestion différent de celui des OGM « classiques ». En effet la législation européenne et la loi française de 2008 sur les OGM couvrent la gestion des OGM qui sont destinés à être disséminés dans l’environnement (culture) ou à être commercialisés sous forme transformée (aliments pour l’homme ou pour les animaux, huile, amidon). La gestion des OGM en milieu confiné est différente. Car les objectifs peuvent ne pas être commerciaux comme c’est le cas pour les laboratoires de recherche fondamentale. Les OGM dont on parle ici sont des bactéries, des plantes, des levures, des souris ou des rats… Il peut également s’agir de cellules telles que les OGM utilisés en thérapie génique ou les microorganismes génétiquement modifiés utilisés pour produire des molécules pharmaceutiques. L’OGM en lui-même, utilisé en recherche ou en bioindustrie, n’a a priori pas de raison de sortir d’un milieu physique clos, sauf accident. La directive 2009/41 précise que l’utilisation confinée s’entend comme « toute opération dans laquelle des micro-organismes sont génétiquement modifiés ou dans laquelle des MGM sont cultivés, stockés, transportés, détruits, éliminés ou utilisés de toute autre manière et pour laquelle des mesures de confinement spécifiques sont prises pour limiter le contact de ces micro-organismes avec l’ensemble de la population et l’environnement ainsi que pour assurer à ces derniers un niveau élevé de sécurité ». Ainsi, la loi impose une gestion différente pour ces OGM confinés, depuis la procédure d’autorisation jusqu’à la procédure de surveillance.
Un nouveau décret, plus souple mais plus restrictif
Le 23 septembre 2011 a donc été adopté le décret n°2011-1177. Ce décret définit les nouvelles règles sur l’utilisation d’OGM en milieu confiné et remplace les dispositions des décrets n°93-773 et n°93-774.
Il est dès maintenant important de noter que le texte exclut de son champ d’application les OGM « dont l’innocuité pour la santé publique et l’environnement ont été établis par application des critères […] de la directive 2009/41/CE » [1]. Cette exclusion pose la question de savoir qui va juger de l’innocuité sanitaire et environnementale. Si l’Agence Européenne de Sécurité des Aliments (AESA) avait publié en 2003 un avis sur les procédures d’évaluation permettant de conclure à une telle exclusion, la directive de 2009 n’y fait en tout cas pas référence… Or, exclus du champ d’application, ces OGM ne dépendent donc d’aucune procédure. Sur ce point, le ministère de la Recherche, interrogée par Inf’OGM, n’a pas souhaité nous apporter plus de précision…
Pour les OGM soumis à la loi, le nouveau décret instaure la procédure suivante : les OGM utilisés en milieu confiné vont être soumis à autorisation préalable, dite agrément, selon leur classe de confinement. En effet, quatre classes différentes sont définies par la directive 2009/41 [2]. Le groupe 1 : les OGM ne sont pas susceptibles de provoquer des maladies chez l’Homme ou des effets négatifs sur l’environnement ; le groupe 2 : ils peuvent provoquer une maladie chez l’Homme ou des effets négatifs sur l’environnement mais il existe des mesures de prévention ou un traitement efficace ; le groupe 3 : ils peuvent provoquer une grave maladie chez l’Homme ou des effets négatifs sur l’environnement mais il existe des mesures de prévention ou un traitement efficace ; le groupe 4 : ils peuvent provoquer une grave maladie chez l’Homme ou des effets négatifs sur l’environnement mais il n’existe généralement ni mesures de prévention ou ni traitement efficace. Le ministère nous précise que cette classification correspond à celle des organismes pathogènes définie au niveau européen. Du fait d’une exception faite pour la classe 1, les OGM nécessitant un agrément sont ceux des groupes 2 à 4. C’est le HCB qui décide, nous précise-t-on, quel projet relève de quel groupe. Pour ceux du groupe 1, une seule déclaration suffira. Seconde exception, les installations (laboratoires ou industries) utilisant des OGM de classe 2 pourront ne faire qu’une déclaration si elles sont déjà agréées pour utiliser des OGM de classe 2. Le ministère de la Recherche nous précise que le HCB est responsable de l’évaluation des dossiers, mais que l’agrément est délivré par le ministère. Les deux procédures (agrément et déclaration) ouvrent droit à une utilisation pour cinq ans, délai au-delà duquel une nouvelle déclaration ou un nouvel agrément sera nécessaire. Les anciennes dispositions ne prévoyant pas de durée minimale d’obtention de l’agrément, le nouveau texte est donc plus restrictif quant à la durée d’autorisation.
Pour les utilisations concernées par la procédure d’agrément, l’avis du Haut Conseil des Biotechnologies (HCB) est requis. Dans le cas de la déclaration, le HCB est seulement informé. Une souplesse nouvelle puisque les dispositions précédentes exigeaient l’avis de l’équivalent du HCB de l’époque, la Commission du Génie génétique. De même, une absence de réponse sous 45 jours à une demande d’agrément de classe 2 vaut acceptation dorénavant, ce qui n’était pas le cas avant. Les classes 3 et 4 ne sont pas soumises à un délai de réponse. Enfin, l’ancien article R. 532-4 prévoyait que « dans le cas où une défaillance des mesures de confinement pourrait entraîner un danger grave, immédiat ou différé pour la santé publique ou l’environnement, la demande est complétée par un plan d’urgence ». Ce plan d’urgence correspond aux mesures à mettre en œuvre en cas d’accident, ou de « défaillance des mesures de confinement ». Un tel plan est désormais nécessaire pour toute utilisation d’OGM de classe de confinement 3 ou 4.
La transparence limitée
Concernant les informations communicables autour de ces utilisations d’OGM en milieu confiné, l’ancien et le nouveau texte [3] listent les informations publiques : le nom de l’exploitant, le lieu de l’exploitation, l’OGM utilisé et sa classe de confinement. Mais est considérée confidentielle l’évaluation des effets prévisibles, notamment des effets nocifs pour la santé et l’environnement, évaluation ayant abouti à la classification de l’OGM dans un des quatre groupes. Ces informations ne sont pas exigées dans les dossiers de demandes d’agrément où doit simplement figurer « la classe de confinement dont relève cette utilisation ». Une limite de la transparence telle que déjà connue dans le dossier des OGM disséminés dans l’environnement et pour lesquels les résultats des études d’analyse effectuées par le pétitionnaire ne sont pas rendus publics malgré des décisions de justice l’imposant. Notons enfin qu’au registre des infractions, toute utilisation en milieu confiné d’OGM soumis à déclaration, alors même que cette déclaration n’a pas été faite, est punie de « la peine d’amende prévue pour les contraventions de 5ème classe ». Ces contraventions sont de nature financières et concernent des montants allant de 751 euros à 1500 euros maximum (la récidive n’étant pas prévue dans le décret, le montant ne peut être augmenté à 3000 euros comme le code pénal en prévoit pourtant la possibilité) [4].
Une dernière question est d’importance au vu de la procédure : quelle surveillance des utilisations agréées ou déclarées par les autorités publiques ? Dans ce domaine, Jeannine Gébrane-Younès, du ministère de la Recherche, explique que les laboratoires sont contrôlés par un inspecteur qui dépend du ministère de la Recherche. Si les OGM sont utilisés au sein d’une installation classée pour la protection de l’environnement, c’est le ministère de l’Environnement qui est compétent. Un inspecteur pour les laboratoires et des inspecteurs surchargés pour les installations classées : on peut d’ores et déjà s’interroger sur la régularité et l’efficacité de ces contrôles…
La France vient donc de mettre à jour son droit comme exigé par sa propre loi depuis 2008. Et si le nouveau texte apporte un certain nombre de précisions qui faisaient défaut dans les anciennes dispositions (délai d’autorisation, nouvelles sanctions…), il reste néanmoins beaucoup moins contraignant en ce qu’il instaure un nouveau régime de simple déclaration. Les OGM utilisés en milieu confiné sont donc à part : à part de l’évaluation, à part des procédures d’autorisations et à part de la surveillance après autorisation. Mais ce qui est commun à tous les OGM, c’est l’absence de transparence sur les aspects sensibles…
[1] Critères énumérés dans l’annexe II partie B, Directive 2009/41/CE
[2] Les classes et les évaluations aboutissant au classement des OGM sont définies dans l’annexe III de la directive.
[3] Ancien article R. 532-3 et actuel article R. 532-6 et -7
[4] Code pénal, Sous-section 4 : Des peines contraventionnelles, Article 131-13