Un réseau de scientifiques critiques et revendicateurs !
Dans le débat sur les PGM, la recherche occupe une place importante. Car si le monde des scientifiques était il y a encore quelques années considéré comme hermétique dans ce qu’il développait, le sujet des PGM a notamment permis de voir que des scientifiques questionnent eux-mêmes la mainmise de la technoscience dans les choix techniques. Ils questionnent également l’absence de relation entre le monde de la recherche et les citoyens et le manque de recul voire de prudence au moment de faire le choix de développer commercialement des « progrès » scientifiques et techniques. Ces scientifiques qui dénoncent régulièrement et publiquement des connaissances scientifiques lacunaires, des évaluations de risques insuffisantes ou encore la perte de biodiversité, se définissent comme des lanceurs d’alerte ou des scientifiques engagés. Certains d’entre eux se retrouvent aujourd’hui au sein du Réseau Européen de Scientifiques pour une Responsabilité Sociale et Environnementale (Ensser) !
Pusztaï, Chapela, Vélot, Séralini, Malatesta, autant de noms que l’on a déjà croisé ici ou là sur le sujet des PGM. Partant chacun de sa spécialité, ces chercheurs ont réfléchi au fonctionnement de leur domaine professionnel et questionné son apport à la société.
Des choix dans l’intérêt de tous
Depuis 2009, ils se retrouvent au sein de l’Ensser, créé spécialement pour « évaluer les effets écologiques, sanitaires et socio-économiques de l’utilisation des techniques et sciences actuelles et à venir, évaluer les alternatives au courant dominant des sciences et techniques dans le but de renforcer l’intérêt des citoyens sur celui des entreprises ». L’approche adoptée par les membres de ce réseau est simple : l’utilisation des sciences et techniques doit se faire dans l’intérêt public. Cette ligne politique débouche sur une approche du monde scientifique et de son fonctionnement assez différente de celle en cours. Car l’Ensser considère qu’un choix technologique dans l’intérêt public suppose le développement de techniques « bénignes et pacifiques ». Or, pour ces chercheurs, les développements scientifiques et techniques répondent aujourd’hui quasiment aux seuls intérêts privés, mais ne prennent pas en compte l’intérêt public.
Réflexion et actions communes
Comment et à quels niveaux agir pour tenter d’influer sur les choix technologiques de demain ? Cette question trouvera des réponses au fil du temps, notamment au gré de l’expérience qui s’accumulera. Pour l’instant, les premières étapes sont envisagées au cas par cas, selon les actualités européennes, nationales ou individuelles. Ainsi, la campagne de dénigrement en cours contre Gilles-Eric Séralini, professeur à l’Université de Caen (cf. encadré ci-dessous) a mobilisé l’Ensser sur un cas concret. Demain, selon Claudia Neubauer (Fondation Sciences Citoyennes), le réseau portera une vigilance particulière sur les politiques de recherche européennes et nationales. L’approche transversale est bien de « redonner aux chercheurs leur capacité de critiquer leurs propres activités, questionner leurs finalités… », en d’autres termes, de prendre du recul sur leurs propres travaux et leurs conséquences ! Ceci par le biais de la discussion et de temps de réflexions indispensables.
L’Ensser ne revendique pas l’approche scientifique comme seul critère face à un choix technologique. Les notions éthiques, socio-économiques, philosophiques et autres doivent également être prises en compte. Ainsi, le Haut Conseil des Biotechnologies (HCB) se compose-t-il d’un Comité scientifique (CS) et d’un Comité éthique, économique et sociale (CEES). Reste à créer un lieu formel de réflexion au sein de la société civile que les travaux et réflexions de l’Ensser et d’autres viendraient nourrir.