Territoires d’Outre-mer : des OGM en liberté
En France métropolitaine, il existe un cadre juridique relativement clair sur les plantes génétiquement modifiées (PGM), tant au niveau de leur culture que de leur présence dans l’alimentation et l’information du consommateur. Qu’en est-il de nos territoires d’Outre-mer ? Sont-ils aussi bien armés juridiquement que la métropole ou servent-ils de cheval de Troie à l’introduction des PGM ? Revenons sur cet encadrement juridique flou et disparate.
La réforme constitutionnelle de mars 2003 a notamment modifié et unifié les statuts des territoires situés en Outre-mer. La Constitution française distingue désormais les départements et régions d’Outre-mer (les DOM-ROM) des collectivités d’Outre-mer [1]. Des régimes juridiques particuliers sont attachés à ces différents statuts, avec une autonomie plus ou moins grande.
Les droits français et européen s’appliquent dans les DOM-ROM (Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion et Mayotte), et dans certaines collectivités d’Outre-mer (Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Saint-Pierre-et-Miquelon). Ce sont donc les mêmes règles qui viennent encadrer les PGM sur ces territoires. La clause de sauvegarde s’applique, tout comme les obligations d’étiquetage.
Un flou juridique sur la question des OGM
En revanche, d’autres territoires voient leur propre législation s’appliquer au détriment de l’encadrement européen et français : il s’agit de la Nouvelle Calédonie, la Polynésie française et Wallis et Futuna. Quel que soit le régime juridique de ces territoires, il est important de noter que toute exportation à destination de la France ou des pays européens doit respecter la réglementation européenne en matière d’OGM.
Parmi les trois territoires d’Outre-mer, qui appliquent leur droit propre, c’est un flou total qui encadre la question des PGM. Non considérées comme une question prioritaire, elles ne bénéficient pas d’un encadrement propre. Interrogées par Inf’OGM, les administrations locales soulignent que les PGM les plus courantes ne sont pas adaptées aux cultures et problèmes locaux et n’apportent pas d’intérêt particulier pour ces territoires. La Nouvelle- Calédonie notamment ne connaît pas la pyrale, insecte qui menace les cultures de maïs, et qui est tué par le maïs Bt. La présence d’exploitations agricoles de petite taille impose également aux agriculteurs de limiter leurs coûts d’intrants. Les semences GM plus chères que leurs homologues conventionnelles sont donc peu prisées.
Le cas particulier de la Nouvelle-Calédonie
La Nouvelle-Calédonie dispose de l’un des statuts les plus autonomes des territoires d’Outre-mer. Ce territoire peut être particulièrement concerné du fait de sa proximité directe et de ses échanges commerciaux avec les pays voisins, gros producteurs de PGM, tels l’Australie ou la Chine.
La Nouvelle-Calédonie ne dispose pas de règles particulières relatives aux PGM. Si, selon la Chambre d’agriculture, les PGM ne présentent pas d’intérêts pour les agriculteurs calédoniens, ils ne sont pour autant pas interdits. Les deux entreprises semencières agréées pour l’importation se tournent essentiellement vers la France et l’Australie. Pour chaque lot de semences, la DAVAR [2] délivre un certificat qui comporte une description. Une traçabilité est donc possible mais ce système n’exclut pas les contaminations par des PGM en provenance d’Australie. Aucun contrôle n’est organisé puisqu’a priori il n’y a pas d’importation de semences GM. Mais c’est sur un ton pas très assuré que la Chambre d’agriculture affirme à Inf’OGM qu’il n’y a pas de culture de PGM sur leur territoire.
Sur la question de l’étiquetage, le flou est encore plus grand. La réglementation actuelle, datant de 1983, ne prend pas en compte la problématique des PGM : aucune obligation d’étiqueter n’est formalisée et la réforme en cours semble suivre le même chemin, selon la Direction des Affaires Économiques. C’est donc la réglementation du pays de provenance des importations qui s’applique. Les produits venant de France respectent l’obligation d’étiquetage au-delà d’une présence fortuite à 0,9%, ce qui n’est pas le cas pour les produits en provenance d’Australie, de Chine ou de Nouvelle-Zélande, très nombreux sur les étalages.
Plusieurs associations locales ont décidé de s’unir pour mettre un terme à cette absence d’information et traquer la présence d’OGM dans les produits utilisés au quotidien en Nouvelle-Calédonie [3].
Les labels bio pallient l’absence de réglementation
Comme souvent, c’est par le biais de l’agriculture biologique que les prémisses d’une réglementation limitant l’utilisation d’OGM voient le jour. Le label Bio Pacifika sur un référentiel élaboré par l’IFOAM [4] vient tout juste d’être créé en Nouvelle Calédonie. Il propose un étiquetage sur l’ensemble des produits respectant le cahier des charges correspondant, où figure notamment l’exclusion des PGM. Le label Agriculture responsable, moins contraignant, interdit lui aussi l’utilisation des PGM. La Polynésie française s’est aussi dotée récemment d’un label bio, Bio Polynésie française, qui adopte la même position sur les PGM.
Face à l’inertie des pouvoirs publics, ce sont les consommateurs et citoyens qui tentent d’y voir plus clair. Finalement, est-ce bien différent de ce qui se passait en métropole il y a quelques années ?
[1] Information sur les statuts : http://www.ladocumentationfrancaise…
[2] Direction des Affaires Vétérinaires, Alimentaires et Rurales : http://www.davar.gouv.nc
[3] Le groupe local de l’UFC-que choisir et Ensemble pour la Planète ont créé une commission OGM.
[4]
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