Souveraineté alimentaire : le lexique
Autour de nos assiettes, de notre santé, de l’avenir de la planète, se joue une guerre des mots, avec un vocabulaire de propagande. Les mots sont détournés, et utilisés à contresens. D’où ce lexique, qui recontextualise les mots utilisés.
LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE : C’est la Via Campesina lors de l’Uruguay Round et du passage du GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) à l’OMC (Organisation mondiale du commerce) qui introduit cette terminologie en 1996. L’enjeu : avoir le droit de choisir comment se nourrir. Pour la Via Campesina, cela suppose de sortir l’agriculture du cycle des négociations commerciales générales. Sanctuariser l’alimentation est alors un des objectifs poursuivis. Pour l’atteindre, il faut donner la priorité à la production locale, à l’accès de tous les paysans à l’eau, la terre, les semences et le crédit et ce, dans la durabilité (pas de gaspillage, entre autres).
La participation de la population aux choix des productions agricoles (à partir d’une information éclairée) est aussi importante puisque ces choix sont interdépendants avec les droits des paysan·ne·s à produire des aliments et des consommateurs à décider de leur alimentation – mais aussi de qui produit et comment.
Enfin la relation des prix agricoles aux prix réels de production est un des éléments essentiels pour que la souveraineté alimentaire soit effective : chaque État devrait pouvoir fixer des taxes à l’importation sur les produits à bas prix et/ou dont les coûts des impacts environnementaux et sociaux ne seraient pas inclus.
LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE est un principe défini par la FAO, chronologiquement avant celui de souveraineté alimentaire. Elle consiste à assurer à toute personne et à tout moment un accès physique et économique aux denrées alimentaires dont elle a besoin (FAO, 1983) pour une vie active et en bonne santé. Comment ces normes et ces critères sont-ils définis ? S’agit-il d’une sécurité économique, politique, sanitaire, environnementale, ou sociale ?
LE DROIT À L’ALIMENTATION : Ce n’est pas le droit d’avoir à manger, mais le « droit d’avoir un accès régulier, permanent et libre, soit directement soit au moyen d’achats monétaires, à une nourriture quantitativement et qualitativement adéquate et suffisante, correspondant aux traditions culturelles du peuple dont est issu le consommateur et qui assure une vie psychique et physique, individuelle et collective, libre d’angoisse, satisfaisante et digne », selon Jean Ziegler, ex-rapporteur spécial à la commission des droits de l’Homme sur le droit à l’alimentation de l’ONU. Ainsi, distribuer de la nourriture n’est pas une réponse au droit à l’alimentation. Ce droit tendrait à agir sur les causes de la pauvreté et permettrait aux personnes de pouvoir choisir et d’avoir un endroit pour se faire à manger, bref, d’être autonomes, et non dépendantes des structures de l’aide alimentaire. Dans les révolutions vertes, les OGM sont souvent associés à des slogans promettant le droit à l’alimentation, comme « nourrir le monde ». Mais pour combattre famine, malnutrition et sous-alimentation, un outil technique n’est jamais une réponse : c’est tout un système qui est à repenser.
LA FAMINE : C’est un manque de nourriture, dont les causes sont le plus souvent liées à des conflits armés ou à des catastrophes ou aléas climatiques. Trop souvent des solutions techniques sont apportées et les paysans accusés de ne pas savoir produire, alors même que c’est l’accès des paysan·nes aux ressources qui est impossible. Identifier les causes permet d’agir en faveur des populations. Car la famine peut être la première étape à l’abandon des territoires afin de survivre. Répondre à l’urgence vitale est indispensable mais il est très important de le faire en fonction des besoins des populations locales et non en fonction des normes de ceux qui apportent l’aide. Rappelons-nous de la grande opération du kilo de riz pour la Somalie, quand il n’y avait pas d’eau ou seulement de l’eau contaminée pour cuire cette denrée.
LA MALNUTRITION caractérise un état physiologique causé par des carences, des excès ou des déséquilibres (en énergie, protéines ou autres nutriments). La lutte contre celle-ci passe par un ensemble d’améliorations dont souvent la première est l’accès à l’eau de qualité, à une alimentation variée, donc à une biodiversité suffisante. Les OGM ne sont donc pas la solution, car ils provoquent une forte diminution de la biodiversité.
LA SOUS-ALIMENTATION est le manque constant d’une ration alimentaire suffisante. Elle s’installe souvent dans des régions où les paysan·nes ont du mal à cultiver, où les emplois ruraux disparaissent.
L’ALIMENTATION : Un moyen d’être en bonne santé, de vivre… ou de s’enrichir, de spéculer ? À vous d’en décider !