Sortir de la politique du fait accompli
La seconde conférence internationale sur la co-existence entre les filières agricoles GM et non-GM, organisée les 14 et 15 novembre 2005 par l’INRA et le Joint Research Centre de la Commission européenne, a regroupé plus de deux cents participants du monde entier. Une inscription à 400 euro et une seule langue de communication, l’anglais, en ont limité l’accès aux seuls chercheurs, aux fonctionnaires de la Commission et aux représentants de l’industrie semencière. L’objectif était de faire suite à la recommandation du 23 juillet 2003 de la Commission européenne pour aider les Etats à organiser la coexistence des filières par une gestion volontaire ; “convaincre le consommateur qu’il doit avoir confiance” dira la Commissaire Fischer Boel en introduction de la conférence.
Les présentations dévoilent un impressionnant arsenal de modèles et de systèmes de contrôles biologiques et réglementaires en cours de développement sur le “confinement” des plantes en champ, le monitoring des cultures et les contrats de “bonne conduite” qui y sont liés, ainsi que sur les seuils de contaminations accidentelles économiquement acceptables. Des systèmes mis en place au nom de la liberté de choix et de la démocratie, mais avalisant la dissémination et conduisant inévitablement à une réglementation autoritaire des zones agricoles et des parcellaires. Ces mécanismes imposeront aux agriculteurs, dans l’espace et dans le temps, un type de cultures et des variétés certifiées et protégées par un droit de propriété intellectuelle, et l’utilisation à terme de variétés stériles Terminator, censées protéger quelques variétés non-GM à “l’identité préservée”. Les agriculteurs seront ainsi définitivement spoliés de leurs droits sur leurs semences et l’agriculture totalitaire, dénoncée il y a dix ans déjà lors des actions de la Confédération paysanne sur les premières cultures de plantes transgéniques brevetées, devient peu à peu une réalité.
En avril 2006, une grande conférence sur les cultures GM sera organisée avec tous les acteurs concernés sous la présidence européenne de l’Autriche. Etant donné la détermination du gouvernement autrichien à protéger son agriculture de montagne et ses fréquents conflits avec la Commission à propos des autorisations de PGM, on peut espérer que cette manifestation sera cette fois l’occasion d’un vrai débat à l’échelle européenne. Non pas à l’intérieur du cadre de la coexistence, dans laquelle la Commission et la recherche se sont fourvoyées, mais sur la manière d’aider les citoyens européens à s’opposer au projet de monopole de l’agriculture et de l’alimentation par quelques firmes, et sur l’affirmation du droit de vivre dans une Europe sans cultures transgéniques.