OGM : un nouveau pavé dans la mare de l’AESA
Si les normes d’autorisation des OGM sont actuellement l’objet de débat en différents lieux avec le groupe Ad Hoc de la Présidence française de l’Union européenne, le groupe de sherpas de la Commission européenne, et l’Agence européenne de Sécurité Alimentaire (AESA) (cf. Inf’OGM n°94 et 95), une des questions transversales à ces discussions est l’impact sur le long terme de ces PGM : impacts sanitaires, environnementaux, et économiques. Mais plus fondamentalement, la question est de connaître les capacités des « experts » à évaluer de tels impacts, évaluation notamment réclamée par le dernier conseil de l’environnement du 4 décembre 2008 (cf p.6). Une étude apporte quelques éléments de réponse.
A la demande du gouvernement autrichien, trois scientifiques – Alberta Velimirov, Claudia Binter et Jürgen Zentek – ont comparé différentes méthodes d’évaluation des impacts à long terme du maïs transgénique NK603xMon810 [1]. Les résultats ont été rendus publics par le ministère de la Santé mais n’ont pas été publiés dans une revue scientifique.
Des souris malades sur plusieurs générations
Cette étude montre qu’une alimentation à base de maïs NK603xMon810 peut avoir des impacts à long terme, plus ou moins détectés selon les méthodes d’analyse utilisées. Les chercheurs ont en effet pu observer, comme différences entre des souris nourries avec du maïs GM et des souris nourries avec du maïs non GM, une diminution de la fertilité des femelles notamment à partir de la quatrième génération, les souriceaux de cette génération étant significativement plus petits également. Ils ont également mesuré des différences significatives quant au poids des reins des femelles sur plusieurs générations ainsi que des différences dans les noyaux des hépatocytes et des cellules de pancréas et de la rate à la troisième génération. Ces dernières observations pourraient être, selon les chercheurs, le témoin d’effets des PGM sur le métabolisme des cellules sur le long terme.
Des effets à long terme ? …
Au-delà des résultats scientifiques proprement dit, cette étude présente deux intérêts : elle établit que certaines méthodes d’analyse permettent de détecter des impacts sanitaires à long terme puisque étudiant jusqu’à la quatrième génération de souris, y compris les petits en développement, contre même pas une génération de rats (90 jours maximum sur adultes, sans reproduction ni petits) et de poulets (42 jours, sans reproduction) dans les études de toxicité et d’alimentarité actuelles des compagnies, acceptées pour commercialisation des OGM par tous les gouvernements et l’AESA. En cela, elle renforce la légitimité de demander ces évaluations à long terme avant autorisation d’une PGM, au-delà de celles réalisées sur les impacts toxicologiques à moyen ou court terme. Un ancien membre de l’AESA, Partick Wall, confirme d’ailleurs dans une interview du 2 décembre 2008 : « Il y a des choses que nous pourrions faire et que nous ne faisons pas, comme plus de recherches publiques et des essais à long terme sur animaux » [2]).
… pas pour l’AESA !
Mais surtout, ces résultats questionnent l’avis de l’AESA rendu sur ce dossier qui concluait, en 2005, à l’innocuité de ce maïs. Du coup, le maïs NK603xMon810, tolérant les herbicides contenant du glyphosate et aux propriétés insecticides, avait été autorisé commercialement à l’alimentation humaine et animale, sous forme de produits dérivés, le 24 octobre 2007. Et il est en cours de renouvellement d’autorisation pour les additifs alimentaires et en cours d’autorisation pour l’importation [3].
L’AESA a émis un avis sur cette étude lors de la 46ème réunion plénière de son panel OGM des 3 et 4 décembre 2008 [4]. Evoquant des erreurs de calcul et des lacunes de méthode, elle a conclu que cette étude ne fournissait pas de nouvelles évidences remettant en cause son avis précédent. Un retour à la case départ pour le moins rapide et étonnant : l’AESA aurait pu conclure à une suspension de son précédent avis en attendant les réponses des auteurs à ses objections. L’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) qui avait également rendu un avis positif sur ce maïs, s’est aussi auto-saisie de cette étude. Sans réponse à ce jour [5].
Incapable de réclamer des études d’impacts à long terme, on notera que l’AESA est toutefois capable d’en critiquer le contenu. Bon entraînement pour la suite ?