OGM/OMC : la plainte des Etats-Unis contre l’Europe pourrait renforcer le moratoire
Après moultes hésitations, le 13 mai 2003, les Etats-Unis, entourés notamment du Canada et de l’Argentine, ont finalement porté plainte à l’OMC contre le moratoire européen sur les OGM. La guerre en Irak « terminée », ils pouvaient se relancer dans la guerre économique avec l’Europe.
Au début de l’année, les analystes américains les plus au fait de la problématique des OGM en Europe conseillaient au Président Bush et à son administration de jouer encore la carte de la patience, dans l’attente que le moratoire européen alors vacillant soit « enfin » levé. La Commission européenne avait en effet, dès le second semestre 2002, mis tout en œuvre pour préparer une sortie du moratoire en 2003.
Bien sûr le moratoire européen est jugé responsable par les Etats-Unis de leurs pertes à l’exportation dans le secteur de l’agriculture ; mais plus fondamentalement, en s’attaquant au moratoire, les Etats-Unis ne cherchent-ils pas un levier pour faire invalider le dispositif réglementaire européen sur le commerce européen par l’OMC ? Car au final, la mise au point d’un dispositif réglementaire sur les OGM comme celui de l’Europe constitue une menace considérable et durable pour l’exportation des semences et produits agro-alimentaires américains. Plus encore, le danger est que ce soit ce modèle réglementaire qui puisse être « exporté » et inspirer d’autres pays au monde (en Afrique et en Asie). La rétractation in fine de l’Egypte (cf. page 2) qui devait faire partie des co-plaignants, dit bien que le souci de la protection des consommateurs et de l’environnement constitue une force importante de résistance au libéralisme économique.
En mêlant arguments économiques et moraux, le plaidoyer américain contre l’Europe risque fort d’avoir l’effet contraire de celui recherché en renforçant en Europe le camp de ceux qui conditionnent le moratoire à la mise en place de réglementation sur la responsabilité et la coexistence des filières (transgéniques et traditionnelles). Cette plainte pousse la Commission à se contredire : d’une part, elle affirme dans l’argumentaire de réponse à la plainte des Etats-Unis, que les questions « moratoire » et « filières » ne sont pas liées et, d’autre part, elle estime que les Etats-Unis sont victimes, non pas de la réglementation européenne, mais de la non séparation de leurs productions en filières distinctes… De tels propos fragilisent l’argumentaire même de la Commission européenne. Pour contrer les Etats-Unis, l’Europe devra être cohérente jusqu’au bout sur le dossier et parfaire tous les éléments de sa réglementation avant d’envisager la fin du moratoire.