OGM et produits importés : pas toujours étiquetés
En 2016, une première enquête d’Inf’OGM avait montré que certains produits alimentaires importés des États-Unis, donc fortement susceptibles de contenir des OGM, étaient commercialisés en France sans étiquetage indiquant la présence d’OGM. Afin de pouvoir établir, preuves biochimiques à l’appui, le respect ou non des règles d’étiquetage, Inf’OGM a fait analyser certains de ces produits pour identifier et quantifier la présence d’OGM transgéniques. Résultats*.
Notre enquête (voir méthodologie en encadré en bas d’article), loin d’être exhaustive, permet d’annoncer une nouvelle plutôt rassurante pour les consommateurs : très peu de produits importés des États-Unis contiennent des OGM non étiquetés. Toutefois, la non-conformité aux règles d’étiquetage peut aussi consister à ne pas indiquer quel ingrédient est génétiquement modifié. Cette infraction-là, bien plus répandue, laisse les consommateurs dans le doute. Par ailleurs, sans être des infractions, les différences relevées entre les étiquettes d’un même produit nuisent à l’information éclairée des consommateurs.
OGM non étiquetés dans une soupe Campbell’s
Selon la réglementation, les denrées alimentaires dont au moins un ingrédient contient plus de 0,9 % d’OGM doivent être étiquetées. En dessous du seuil de 0,9 %, l’étiquetage est obligatoire seulement lorsque la présence d’OGM est intentionnelle. Sur les 16 analyses réalisées, une seule a décelé des OGM en quantité supérieure à 0,9 % : la soupe en conserve au céleri de la marque Campbell’s, vendue dans le magasin parisien Le Bon Marché. Cette soupe contenait plus de 0,9 % de soja génétiquement modifié. Or, contrairement à ce qu’exige la réglementation, aucune mention sur l’étiquette n’informait les consommateurs de la présence de cet OGM dans le produit. Interrogé par Inf’OGM sur cette présence non renseignée d’OGM dans cette soupe, l’importateur, l’entreprise Eric Bur, nous fait part de sa surprise : la présence de soja génétiquement modifié n’était pas indiquée sur la fiche technique que lui a donnée son fournisseur. L’entreprise importatrice nous a par la suite indiqué qu’elle arrêtait l’importation de la gamme des soupes Campbell’s. Il est plutôt rassurant de voir qu’un seul produit étasunien (sur 16 analysés) contenait un ingrédient GM non étiqueté et au-delà du seuil réglementaire. Mais l’infraction aux règles d’étiquetage peut prendre d’autres formes.
OGM non indiqués, consommateurs perdus
Afin de répondre à l’exigence de transparence vis-à-vis des con- sommateurs, les règles d’étiquetage imposent l’utilisation d’un libellé clair pour l’étiquetage des produits contenant des OGM. Elles prévoient ainsi que la mention « génétiquement modifié » doit figurer entre parenthèses, immédiatement après le nom de l’ingrédient génétiquement modifié dans la liste des ingrédients, ou dans une note au bas de la liste des ingrédients, dans un même format de caractères. Indiquer la présence d’OGM de manière générale, ou simplement l’insinuer, sans que l’ingrédient génétiquement modifié ne soit précisé, n’est donc pas compatible avec la réglementation. Indiquer la présence d’un ingrédient génétiquement modifié sur un autre côté de l’emballage que celui où figure la liste des ingrédients, sans aucun renvoi à cette mention, paraît également peu compatible avec la règlementation. Pourtant, sur les étiquettes de nombre de produits importés des États-Unis, on lit des expressions ambiguës qui ne donnent pas aux consommateurs l’information qu’ils sont en droit d’attendre en vertu de la réglementation. Sur certaines étiquettes on peut ainsi lire les mentions « Contient des OGM », « Peut contenir des OGM », « Produit partiellement avec des OGM », ou encore « Peut contenir des traces de soja génétiquement modifié » (19 % des produits de l’enquête pour la somme de toutes ces catégories confondues). Certaines de ces expressions semblent mettre les OGM sur un même niveau que les ingrédients allergènes. Or elles ne permettent pas au consommateur de savoir avec certitude si le produit contient des OGM et, si oui, quel ingrédient est génétiquement modifié. Interrogés par Inf’OGM, certains importateurs a- vouent avoir recours à ces expressions parce qu’ils sont eux-mêmes dans le doute – à la fois sur la présence d’OGM dans le produit importé et sur leurs obligations en matière d’étiquetage. L’un d’eux nous con- fie que « si la documentation donnée par le fournisseur n’indique pas la présence d’OGM, et que le produit ne provient pas de la Californie, on suppose qu’il contient des OGM et on étiquette « peut contenir des OGM » ou « susceptible de contenir des OGM ». C’est une exigence de la DGCCRF [Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes]. » La réglementation est pourtant claire et les services de la DGCCRF nous l’ont confirmé : de telles mentions sont contraires à la réglementation, l’ingrédient génétiquement modifié doit être renseigné sur l’emballage.
Des divergences qui nuisent à la bonne information des consommateurs
À côté des expressions floues non conformes à la réglementation, il y des divergences d’étiquetage qui, à la frontière de la légalité ou sans être des infractions en tant que telles, ont de quoi rendre le consommateur perplexe. D’un magasin à l’autre, un même produit ne porte pas nécessairement le même étiquetage. Par exemple, quand chez Leclerc l’étiquette de la pâte à tartiner Fluff saveur vanille indique qu’elle contient du sirop de maïs génétiquement modifié, sur l’étiquetage du même produit à Monoprix, toute mention de présence d’OGM a disparu !
La divergence en matière d’étiquetage est encore plus surprenante quand le numéro de lot d’un produit vendu dans des magasins différents est identique. Ainsi, la pâte à tartiner au beurre de cacahuètes de la marque Reese’s vendue au Bon Marché ne portait aucune mention aux OGM, alors qu’à Carrefour il était indiqué que le produit contenait de la farine de maïs génétiquement modifié. Le numéro de lot était pourtant identique ! Certes, dans ces deux cas, les produits n’étaient pas importés par les mêmes importateurs, chacun ayant recours à des fournisseurs différents et se fondant sur la documentation que leur donnent ces derniers. Mais cela n’explique pas les divergences d’étiquetage, qui surprennent même certains importateurs interrogés. Le con- sommateur n’en sort pas gagnant, puisqu’il ne semble pas pouvoir réellement se fier à l’étiquette.
Plus surprenant encore, il y a parfois des différences d’étiquetage sur un même produit entre l’étiquette du fabricant (en anglais) et de l’importateur (en français). Sur certains produits, le fabricant indique ainsi que son produit est fabriqué à partir d’ingrédients génétiquement modifiés ou à partir de manipulation génétique, mention pas toujours reprise sur – voire cachée sous – l’étiquette de l’importateur. L’indication par le fabricant que le produit est fabriqué à partir d’ingrédients manipulés génétiquement laisse pourtant entendre que la présence d’OGM est intentionnelle, ce qui rendrait l’étiquetage obligatoire quel que soit le seuil de présence d’OGM… Cette présence est effectivement intentionnelle pour General Mills, fabricant des céréales Reese’s Puffs. L’enquête montre qu’il y a aux États-Unis une séparation assez efficace des filières entre les produits destinés à l’exportation, ne contenant pas d’OGM, et ceux destinés au marché domestique (étasunien). Des produits contenant des OGM sont néanmoins aussi vendus en France. Sur ces produits-là, les divergences d’étiquetage et les mentions floues contraires à la réglementation ne répondent pas à la volonté de transparence des consommateurs.
Inf’OGM va maintenant informer la DGCCRF de ses résultats.
Méthodologie de l’enquête
Les règles d’étiquetage des produits contenant des OGM ne visent actuellement que les OGM transgéniques, et non pas (encore) ceux issus des nouvelles techniques de manipulation génétique ou de mutagénèse. Par conséquent, l’enquête d’Inf’OGM ne vise que le contrôle du respect des règles d’étiquetage des OGM transgéniques. Tous les produits alimentaires susceptibles de contenir des OGM et produits à partir d’OGM n’ont pas été analysés : la détection et la quantification d’OGM ne peuvent en effet être réalisées que sur des ingrédients peu transformés contenant des matériaux « analysables » tels que de l’ADN ou des protéines. Certains produits et ingrédients (huiles, sirop de glucose ou lécithine de soja) étaient donc exclus de l’enquête.
L’enquête en chiffre
30 magasins visités = 12 en région parisienne (BHV Marais, Le Bon Marché, Chelsea Store, The Cometeshop, Carrefour, Franprix, Monoprix…) et 18 hors région parisienne (Intermarché, Carrefour, E. Leclerc, Super U, Monoprix, Petit Casino (Aveyron, Haute-Vienne, Gironde, Dordogne, Loiret, Lot, Lot-et-Garonne, Maine-et-Loire, Morbihan, Rhône))…
12 produits analysés Nestlé Rainbow nerds, pâte à tartiner au marshmallow Fluff, Hershey’s sirop de chocolat, pâte à tartiner aux cacahuètes Reese’s, soupes en conserve Campbell’s…
avec 16 analyses recherche de maïs, betterave, colza, et soja génétiquement modifiés,
pour plus de 100 produits examinés.