Mourir dans 20 ans
“Si nous devons manger les OGM et mourir dans 20 ans, on le fera”, a lancé Salif Diallo, ministre burkinabè de l’Agriculture, lors de la récente conférence ministérielle inter-africaine consacrée à la productivité agricole en Afrique (Ouagadougou, 21 au 23 juin 2004).
Certes, on peut comprendre l’urgence des africains à augmenter rapidement leur production agricole, face à une sous-nutrition chronique. Mais n’assiste-t-on pas là au même mirage que celui de la Révolution verte (variétés “améliorées”, engrais et pesticides) ? On sait ce qu’il en est advenu : introduction de variétés non adaptées au terroir, utilisation massive de phytosanitaires nocifs, dégradation des sols, exode rural…
Face à ce constat, les “développeurs” des années 80 s’étaient essayé à une autre approche : celle de la recherche participative, autour des agroécosystèmes, où l’on étudie d’abord le fonctionnement du système agraire, et où l’on cherche les leviers pour un autre développement. Car les blocages, en Afrique comme ailleurs, ne sont-ils pas principalement d’ordres économique et politique ? Les subventions états-uniennes pour le coton n’ont-elles pas ruiné des milliers d’agriculteurs africains ?
Mais, en l’absence de résultats immédiats et visibles, il fallait trouver un autre “miracle technique” : les OGM.
Et voilà l’Afrique qui replonge dans une dépendance programmée : dépendance par rapport aux multinationales ; mais aussi vis-à-vis de leur environnement, qui ne manquera pas, suite aux croisements inévitables de plantes transgéniques et aux applications massives d’herbicides qui leur sont liés, de subir une accentuation des déséquilibres de ses écosystèmes.
Pour justifier l’emploi des pesticides, un professeur français d’agronomie demandait à ses élèves, il y a 20 ans : “vaut-il mieux mourir de famine à 5 ans, ou empoisonné par les pesticides à 40 ans ?”. Aujourd’hui, la question suggérée est la même : “Famine ou OGM ?”. Gageons que les africains sauront reconnaître que la question est évidemment mal posée.
Les leviers d’un autre développement passent par la souveraineté alimentaire, la mise en place d’une agriculture durable avec des systèmes agraires équilibrés. Bref, l’antithèse des OGM. Mais le vice-ministre US de l’agriculture dévoile son jeu : “tout rejet de produits issus de la biotechnologie est une violation des règles de l’OMC”. Certes. Ne serait-il pas temps alors de réformer cette OMC et d’appliquer réellement le protocole de biosécurité ? Ou à défaut, comme le préconise Via campesina, de “sortir le commerce agricole de l’OMC” ?