Les effets non intentionnels, objets de controverse
Pour les promoteurs d’OGM, les effets non intentionnels liés à la mise en œuvre d’un protocole de modification génétique ont d’abord été niés. Ces mêmes promoteurs ont ensuite reconnu qu’ils étaient en fait communs à n’importe quelle activité de modification génétique. Certains politiques ont retenu qu’il n’y avait pas d’effets non intentionnels, confusion entretenue comme dans un récent avis du comité scientifique du HCB en juillet 2020 [1]. De tels effets sont pourtant réels et spécifiques, ouvrant notamment la voie à la traçabilité des nouveaux OGM.
En 2016, le comité scientifique du HCB publiait une note dans laquelle il écrivait que pour Crispr/Cas9 « plusieurs publications récentes indiquent qu‘aucune mutation hors-cible n’a été détectée après utilisation de la technique » [2] ou précisait que pour les techniques de modifications génétiques ZFN, Talen et Crispr, il est possible « par croisements successifs, d’éliminer les mutations non souhaitées » [3]. Sans formellement nier l’existence de ces mutations non intentionnelles, le comité scientifique du HCB laissait à penser que de tels effets étaient mineurs.
Des effets hors-cible niés au début
En 2017, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques écrit à propos de Crispr/Cas9 que « les chercheurs […] arrivent à n’avoir quasiment aucun effet en dehors du site voulu […] la spécificité de ces systèmes est tellement élevée qu’elle n’est pas une source d’inquiétude » [4]. Mais, pour les promoteurs d’OGM, il est important d’ajouter qu’elles ne peuvent être différenciées d’autres mutations. Ainsi, dès 2014, lors d’une conférence de l’Institut international des sciences de la vie (ILSI) sur les effets non intentionnels, il était affirmé qu’« aucun système de modification génétique, y compris les méthodes conventionnelles d’amélioration végétale, n’est sans effet non intentionnel ». Le CS du HCB ajoutait en 2016 que « les mutations non ciblées […] ne peuvent probablement pas être discernées » d’autres mutations [5]. La position peut donc être résumée par le paradoxe qu’elle contient : il n’y a pas d’effets non désirés comme des mutations non intentionnelles avec les nouvelles techniques de modification génétique mais, même s’il devait y en avoir, on ne pourrait pas les différencier d’autres mutations.
Des experts ne suivent pas les yeux fermés
Pourtant, le réseau européen de laboratoires de détection d’OGM discutait justement, en 2019, de l’utilisation de ces effets non intentionnels résultant de mutations non souhaitées. Un chercheur détaillait lors de cette réunion qu’il est en effet « impossible de distinguer […] entre une mutation introduite par « édition de génome » et une mutation apparue naturellement » si on ne regarde que la mutation. Mais, et la précision est de taille, « une information accessoire [ndlr, obtenue par séquençage plus complet par exemple] telles que des mutations somatiques, peut être collectée à une échelle plus globale pour différencier entre les deux ». Cet ensemble de mutations généralisées pourrait, sous forme de matrice, constituer une « empreinte unique d’évènements autorisés » [6]. Après avoir été refusé en 2017 par la Commission européenne, un groupe de travail au sein du réseau européen a finalement été constitué et doit rendre un rapport sur le sujet en 2020. Les États-Unis eux-mêmes viennent d’intégrer la réalité de ces modifications non intentionnelles dans leurs lignes directrices sur les animaux GM. Les entreprises doivent maintenant renseigner les « modifications hors-cible, insertions [de nucléotides] non prévues, substitutions [c’est-à-dire de mutation] ou délétions » ! Surtout, l’Upov, l’AIEA et la Fao ainsi que les normes Iso, ont, depuis plusieurs années, publié des travaux ou lignes directrices pour caractériser les variétés et germoplasmes mutants utilisant de telles signatures [7].
Les rétrocroisements, l’outil ultime ?
En 2016, le CS du HCB notait que « chez les plantes, il est possible, par croisements successifs, d’éliminer les mutations non souhaitées ». Mais la capacité d’éliminer 100 % des effets hors-cible par rétrocroisements est mise en doute par certains articles scientifiques [8]. Yves Bertheau explique, références à l’appui, que ces rétrocroisements ne peuvent pas éliminer tous les effets non intentionnels [9]. Selon lui, au contraire, « la plupart des effets intentionnels ou non intentionnels […] sont transmis aux cellules de la descendance permettant ainsi une identification des produits et techniques à l’origine ». L’impossibilité de « nettoyer » le génome vient de la variété ou l’espèce concernée par exemple à reproduction végétative, de la taille du génome, de la proximité entre séquences du trait désiré et modifications à éliminer, ou de l’existence de vastes régions chromosomiques s’imposant lors de la formation de gamètes…
[1] Voir , « Nouveaux OGM : le HCB valide le projet de décret », Inf’OGM, 23 juillet 2020
[2] Voir page de 11 de « Nouvelles techniques » – « New plant breeding techniques », Haut Conseil des Biotechnologies, 2016 , page 11
[3] Voir note 2, pages 25, 34 et 46 et https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpls.2020.00575/full
[4] OPECST, Sénat, 2017, https://www.senat.fr/rap/r16-507-1/r16-507-11.pdf, page 319
[5] Voir note 2, page 53.
[6] Voir , « UPOV : il est possible de caractériser les nouveaux OGM », Inf’OGM, 17 mars 2020
[7] Voir , « Tracer les nouveaux OGM est possible », Inf’OGM, 5 janvier 2021
[8] Voir note 2.
[9] « New Breeding Techniques : Detection and Identification of the Techniques and Derived Products », Yves Bertheau, 2019, Elsevier.