Faucheurs : “voyous” ou lanceurs d’alerte ?
Les premières actions de fauchage d’essais de PGM en champs remontent à 1997 et étaient alors menées par la Confédération paysanne. En 2003, naissent les Faucheurs volontaires, collectif structuré autour d’une charte et d’une démarche : la désobéissance civile. Il s’agissait d’étendre l’action à l’ensemble de la société, pour lui donner plus de légitimité et plus de force. Actuellement, ils sont plus de 7000 à avoir signé cette charte.
Les Faucheurs et le débat parlementaire
Lors du débat parlementaire sur la loi sur les OGM, au printemps 2008, les députés ont, à plusieurs reprises, évoqué les Faucheurs : traités de “voyous”, de “prosélytes du retour au passé”, par le député UMP Christian Jacob, ils sont présentés par les Verts et certains socialistes, comme des “hommes et femmes courageux qui s’efforcent [..] de faire respecter un principe de précaution”… Noël Mamère, lui-même faucheur, a aussi rappelé la différence de traitement entre ces Faucheurs volontaires et “des gros bras de la FNSEA qui se sont permis de venir saccager le bureau d’une ministre de la République […] et qui n’ont jamais été poursuivis”. La question d’une justice à deux vitesses a été posée au sein de l’Hémicycle. Seule réponse donnée : la création du délit de fauchage…
Euros contre épis
Avant ce délit, les Faucheurs étaient inculpés de “destruction de bien en réunion”, ce qui leur a valu des peines variables, dont de nombreuses peines de prisons avec sursis… Mais la stratégie des entreprises propriétaires des semences est claire : il faut toucher leur portefeuille et non pas leur donner l’aura de victimes, via la prison… A l’instar de Biogemma, elles s’attachent méthodiquement à faire exécuter les amendes, n’hésitant pas à engager des procédures de saisie mobilière ou à bloquer des comptes en banque.
L’état de nécessité de nouveau reconnu
Par deux fois, à Orléans (décembre 2004) et à Versailles (janvier 2005), les Tribunaux ont, en première instance, relaxé les Faucheurs volontaires, au nom de l’état de nécessité, lequel “résulte de la diffusion incontrôlée de gènes modifiés qui constitue un danger actuel et imminent pour le bien d’autrui, en ce sens qu’il peut être la source d’une contamination et d’une pollution non désirée”. L’état de nécessité constitue, en droit pénal, un fait justificatif d’infraction. Par deux fois, le Parquet, c’est-à-dire l’Etat, et les semenciers impliqués dans les essais détruits, ont fait appel de cette relaxe. Et par deux fois, les cours d’Appel ont finalement décidé de condamner les Faucheurs.
Récemment, début juin 2008, un troisième tribunal, à Chartes, a lui aussi demandé la relaxe de 58 faucheurs, toujours au nom de l’état de nécessité. La motivation de la relaxe, longue d’une vingtaine de pages, repose sur l’avis de janvier 2008 de la Haute autorité provisoire sur le Mon810, avis qui a abouti à un moratoire sur ce maïs. Le juge conclut que ces éléments constituent un danger pour “le libre choix des agriculteurs et des consommateurs entre différents types d’exploitations agricoles”, et ce d’autant plus que ces derniers ne peuvent prétendre à aucune assurance en cas de contamination.
L’appel, demandé par le Parquet et le semencier, n’a pas encore eu lieu… Alors ce procès sera-t-il le premier à reconnaître une légitimité à une action illégale, comme le plaident depuis près de dix ans les militants anti-OGM ?