Faucheurs d’OGM : un témoignage
Solomiac (Auch), 5 septembre 2004
Nous étions très nombreux et honnêtement, en me retournant, je ne voyais pas la fin de la file. On trouvait tous les âges, apparemment les gens étaient venus agir en famille.
Un hélicoptère survolait notre marche, et des gendarmes disposés avant le site nous comptaient. Certains d’entre nous ont fait des signes de main à l’hélicoptère, pour lui faire coucou. Le site était protégé par des barrières sur un périmètre de 50m autour du champ, avec plusieurs camions militaires et fourgonnettes de la gendarmerie et énormément de CRS. Les pompiers étaient aussi présents sur le site, éloignés, en retrait.
Nous sommes rentrés en déplaçant les premières barrières de sécurité, levant les mains bien haut pour montrer notre pacifisme. On avance, sans violence, on pousse, on va y arriver, ils reculent… L’hélicoptère nous observe toujours.
Pfok… J’entends une sorte de bruit, un bruit sourd, quelque chose qui tombe, puis je vois d’autres objets tomber partout autour de moi. Détonation, mon oreille siffle, j’entends mal, de la fumée lacrymogène s’étend partout autour de moi. Pas question de reculer pour le moment, je mets mon tee-shirt devant la bouche et essaye de continuer à avancer vers le champ OGM. Mes poumons crament, ma gorge brûle, mes yeux explosent, les grenades continuent de tomber. Devant moi des mecs se font embarqués, je respire plus, il faut que je sorte. Je tente de sortir le plus vite possible, je respire très mal…
D’un seul coup une douleur me prend dans le genou, je viens de me prendre une grenade lacrymogène dessus, mon voisin à moins de chance, il se la prend dans la gueule. Une fois sorti, je tente difficilement de reprendre mon souffle. Un gamin d’environ 12 ans, les yeux rouges, me propose de l’eau, je ne peux même pas lui répondre.
Je me retourne et comprends d’où viennent ces grenades : l’hélicoptère, c’est lui qui nous canarde… Je vois une sorte de petit missile sortir et se fragmenter dans l’air en lâchant des lacrymogènes. L’hélicoptère nous tire dessus… Pour protéger une parcelle de champ qui est presque plus petite que le jardin de mon père ! ! !
Beaucoup se sont repliés, la situation se calme. Les CRS sont devant nous. Une dizaine de personnes sont marquées par les éclats des grenades. A un moment, les gens font du bruit, gueulent devant les gardes mobiles et commencent à secouer les barrières. Les CRS ont cédé à la panique et se mettent à tirer au lance-grenades.
Bilan de la journée, 60 blessés dont 4 en hospitalisation. 2 blessés côté CRS qui se sont blessés entre eux. Si les journaux vous parlent d’affrontements, ne les croyez pas, on n’a rien affronté du tout, mais par contre qu’est-ce qu’on a pris !